Interprétations géométriques des nombres complexes. Module et

DOCUMENT 10
Interpr´etations g´eom´etriques des nombres complexes. Module
et argument
Les nombres complexes ont d’abord ´et´e utilis´es pour la r´esolution des ´equations alg´ebriques
mais d`es la fin du XVIIIesi`ecle ils ont eu une interpr´etation g´eom´etrique. L’id´ee d’associer `a
tout nombre complexe un point d’un plan semble due `a Wessel (1797) mais la m´ethode est plus
connue sous le nom d’Argand-Cauchy. Argand a d´evelopp´e cette technique vers 1806.
1. Le plan d’Argand-Cauchy
Soit Pun plan affine euclidien, ~
Pson plan vectoriel associ´e. A tout rep`ere orthonorm´e
R= (O,
u ,
v) de Pon peut faire correspondre une application θde Cdans Pet une application
~
θde Cdans ~
Pd´efinies pour tout z=a+ib C,aR,bR, par :
θ(z) est le point Mde Pde coordonn´ees (a, b) ou encore M=O+a~u +b~v.
~
θ(z) est le vecteur ~
Vde ~
Pde composantes aet b:~
V=a~u +b~v.
On dit que Mest le point image du nombre complexe zet que le vecteur ~
Vest le vecteur
image de z. Le nombre complexe zest l’affixe du point Met du vecteur ~
V.
Les notations pr´ec´edentes seront utilis´ees dans tout le document.
Il est clair que les applications θet ~
θsont bijectives et que l’on a θ(z) = θ(0) + ~
θ(z). Le
paragraphe suivant permettra d’interpr´eter cette relation.
Il est important de noter que les applications θet ~
θd´ependent du choix d’un rep`ere dans
P. Deux rep`eres diff´erents conduisent `a des applications θet ~
θdiff´erentes. Cependant une
partie importante des propri´et´es de cette correspondance entre nombres complexes et points ou
vecteurs d’un plan sont ind´ependantes du choix du rep`ere.
Muni de l’addition, Cest un groupe commutatif et l’application de R×Cdans C, (λ, z)λz,
v´erifie les axiomes d´efinissant les espaces vectoriels : λ(z1+z2) = λz1+λz2, (λ+µ)z=λz +µz,
λ(µz) = (λµ)z, 1.z =z.
Le corps Cest donc aussi un espace vectoriel sur R. (Plus g´en´eralement, tout corps est un
espace vectoriel sur chacun de ses sous-corps.) Comme tout ´el´ement zde Cs’´ecrit de fa¸con
unique z=a.1 + b.i avec (a, b)R2, la dimension de cet espace vectoriel est 2 et (1, i) est une
base de ce plan vectoriel. C’est aussi de fa¸con canonique un plan affine.
Consid´erons maintenant l’application de C2dans Rqui a (z1, z2) fait correspondre
< z1|z2>=a1a2+b1b2
si zk=ak+ibk,k= 1,2.
C’est un produit scalaire sur le plan C:
< z1|z2>=< z2|z1>;
< λz1+µz2|z >=λ<z1|z > +µ < z2|z > (λR, µ R) ;
111
112 10. INTERPR´
ETATION G´
EOM´
ETRIQUE DES NOMBRES COMPLEXES
< z|z > 0et< z|z >= 0 si et seulement si z= 0.
Muni de ce produit scalaire, le plan Cdevient un plan vectoriel euclidien avec ||z|| =< z|z >1
2=
|z|. C’est aussi un plan affine euclidien avec la distance d(z1, z2) = |z1z2|.
Propri´et´es du produit scalaire et du module
< z1|z2>=<(z1.z2) = z1z2+z1z2
2. La premi`ere ´egalit´e signifie que le produit scalaire
est la partie r´eelle du produit hermitien sur Cconsid´er´e comme espace vectoriel com-
plexe.
• ||z|| =< z|z >1
2=|z|: le module du nombre complexe zco¨ıncide avec la norme as-
soci´ee au produit scalaire. Plusieurs propri´et´es du module sont des cons´equences de ce
r´esultat. Par exemple:
|z| ≥ 0et|z|= 0 si et seulement si z= 0.
|z1+z2| ≤ |z1|+|z2|: c’est l’in´egalit´e triangulaire dont on peut donner une
d´emonstration ind´ependante du produit scalaire :
|z1+z2|2= (z1+z2)(z1+z2) = |z1|2+|z2|2+ (z1z2+z1z2)
=|z1|2+|z2|2+ 2<(z1z2)
≤ |z1|2+|z2|2+ 2|z1z2|=|z1|2+|z2|2+ 2|z1||z2|
= (|z1|+|z2|)2.
La base (1, i) est orthonorm´ee. Lorsque Cdevra ˆetre orient´e, on supposera toujours
que cette base est directe.
Proposition 10.1.Pour tout plan affine euclidien P, l’application θest une isom´etrie affine
de Csur Pet ~
θest son isom´etrie vectorielle associ´ee.
On a d´ej´a remarqu´e que θ(z) = θ(0) + ~
θ(z). Montrons que ~
θest lin´eaire
Soit zk=ak+ibk,k= 1 ,2. On a :
~
θ(z1+z2) = (a1+a2)~u + (b1+b2)~v =a1~u +b1~v +a2~u +b2~v =~
θ(z1) + ~
θ(z2),
ce qui se traduit par : l’image de la somme est la somme des images.
soit λR,z=a+ib C:~
θ(λz) = λa~u +λb~v =λ~
θ(z).
L’application ~
θest une isom´etrie vectorielle : avec les notations pr´ec´edente
< z1|z2>=a1a2+b1b2=~
θ(z1).~
θ(z2)
L’application θest donc une isom´etrie affine : si Mkest l’image de zkalors :
d(M1, M2) = ||
M1M2|| =|z2z1|=d(z1, z2).
(
M1M2est l’image de z2z1car, en utilisant la lin´earit´e de ~
θ, on a ~
θ(z2z1) = ~
θ(z2)~
θ(z1) =
OM2
OM1=
M1M2.)
Remarques. 1) Il est clair que ~
θconserve le produit scalaire. La premi`ere partie de la preuve
pr´ec´edente est donc inutile si l’on sait que toute application qui conserve le produit scalaire est
lin´eaire.
2) Apr`es avoir montr´e que ~
θest lin´eaire on peut aussi dire que par cette application la base
orthonorm´ee (1, i) devient la base orthonorm´ee (~u, ~v) et en conclure que c’est une isom´etrie.
1. LE PLAN D’ARGAND-CAUCHY 113
(Toute application lin´eaire qui transforme une base orthonorm´ee en un base orthonorm´ee est
une isom´etrie.)
1.1. Interpr´etation g´eom´etrique du module. On a introduit le module du nombre
complexe z=a+ib par |z|=pa2+b2=zz et on a vu que c’est aussi la norme de zpour la
structure de plan euclidien que l’on a d´efinie sur C.
Consid´erons maintenant un autre rep`ere orthonorm´e de P, (O0, ~u0, ~v0) (ou un rep`ere dans
un autre espace affine euclidien). Soit M0l’image de z=a+ib dans (O0, ~u0, ~v0). On a :
OM =a~u +b~v,
O0M0=a~u0+b~v0d’o`u ||
OM|| =pa2+b2=||
O0M0|| et donc
Proposition 10.2.Soit Run rep`ere orthonorm´e d’origine Od’un plan affine euclidien P
et Mle point de Pqui est l’image d’un nombre complexe z. La longueur du vecteur
OM est
ind´ependante de Pet de Ret est ´egale au module de z.
Remarques 1) La proposition pr´ec´edente donne la possibilit´e d’une d´efinition g´eom´etrique du
module : on montre que si Mest l’image de zalors ||
OM|| ne d´epend ni du plan euclidien Pni
du rep`ere Ret on l’appelle le module de z. Il est n´ecessaire ensuite d’interpr´eter alg´ebriquement
cette quantit´e.
2) On peut d´eduire de l’interpr´etation g´eom´etrique du module une preuve g´eom´etrique de |z1+
z2| ≤ |z1|+|z2|. Une preuve g´eom´etrique de l’in´egalit´e triangulaire est, avec les notations
habituelles de la trigonom´etrie :
a2=b2+c22bc cos Ab2+c2+ 2bc = (b+c)2.
En conclusion l’application z→ |z|est
un homomorphisme surjectif de (C, .) sur (R+, .) qui prolonge l’application valeur
absolue d´efinie sur R. Il en r´esulte que |zn|=|z|n,|z
z0|=|z|
|z0|(nN,zC,z0C).
une norme sur le plan vectoriel C:
|z| ≥ 0et|z|= 0 si et seulement si z= 0;
|λz|=|λ||z|;
|z+z0| ≤ |z|+|z0|. (λR,z, z0C.)
De plus l’on a :
|z|=|z|;
|<z| ≤ |z|avec ´egalit´e si et seulement si zR;
|=z| ≤ |z|avec ´egalit´e si et seulement si z=λi, λ R.
Un exemple d’intervention
Soit z1et z2deux nombres complexes. Montrer que :
|z1+z2|2+|z1z2|2= 2(|z1|2+|z2|2) (1)
et interpr´eter g´eom´etriquement cette relation.
114 10. INTERPR´
ETATION G´
EOM´
ETRIQUE DES NOMBRES COMPLEXES
Solution.
On a
|z1+z2|2+|z1z2|2= (z1+z2)(z1+z2)+(z1z2)(z1z2)
=|z1|2+|z2|2+z1z2+z1z2+|z1|2+|z2|2z1z2z1z2
= 2(|z1|2+|z2|2).
Soit Pun plan affine euclidien muni d’un rep`ere orthonorm´e, M1et M2les images dans Pde
z1et z2. Si l’image de z1+z2est Met l’image de z1z2est Nalors
OM =
OM1+
OM2et
ON =
M2M1. Un premi`ere interpr´etation g´eom´etrique de (1) est donc
OM2+M1M2
2= 2(OM2
1+OM2
2)
Dans un parall´elogramme, la somme des carr´es des longueurs des diagonales est ´egale `a la somme
des carr´es des longueurs des cˆot´es. Lorsque le parall´elogramme est un rectangle, on retrouve le
th´eor`eme de Pythagore.
Pour obtenir une deuxi`eme interpr´etation g´eom´etrique, esignons par Ile milieu de M1M2.
Le point Iest l’image de z1+z2
2et OI est une m´ediane du triangle OM1M2. La relation (1)
peut s’´ecrire :
2|z1+z2
2|2+|z1z2|2
2=|z1|2+|z2|2
d’o`u
2OI2+M1M2
2
2=OM2
1+OM2
2.
On a retrouv´e la relation qui donne la longueur de la m´ediane d’un triangle. Rappelons que
cette relation permet en particulier de d´eterminer l’ensemble des points du plan dont la somme
des carr´es des distances `a deux points fixes est constante.
Remarques. 1) La relation (1) est une condition n´ecessaire et suffisante pour que la norme
z→ |z|soit d´eduite d’un produit scalaire. On a d´ej`a remarqu´e qu’il en est bien ainsi.
2) On peut proposer l’exercice suivant.
(1) emontrer que pour deux nombres complexes z1et z2on a
2|z1+z2
2|2+|z1z2|2
2=|z1|2+|z2|2.
En d´eduire que pour trois nombres complexes z,aet b
|za|2+|zb|2= 2|za+b
2|2+|ab|2
2.
(2) Soit Aet Bdeux points distincts d’un plan affine euclidien. Quel est le lieu g´eom´etrique
des points Mtels que MA2+MB2=k,kR.
1.2. L’argument.
1. LE PLAN D’ARGAND-CAUCHY 115
1.2.1. Argument d’un nombre complexe de module 1. Pr´ecisons d’abord la d´efinition de
l’argument en supposant connu les fonctions sinus et cosinus.
D´
efinition 10.1.Pour tout nombre complexe zde module 1, on appelle argument de z
l’ensemble :
arg(z) = {tR|z= cos t+isin t}
Propri´et´es ´el´ementaires de l’argument de z,|z|= 1.
Pour tout zde module 1, arg(z)6=. En effet si z=a+ib alors a2+b2= 1 et il existe
t, que l’on peut prendre dans [0,2π[, tel que a= cos tet b= sin t. (Voir le document
17.)
Pour tout t0arg(z), on a targ(z) si et seulement si il existe kZtel que
t=t0+ 2kπ. Ce r´esultat ne fait que traduire autrement l’´equivalence entre les deux
affirmations :
cos t= cos t0et sin t= sin t0;
il existe kZtel que t=t0+ 2kπ.
On a donc arg(z) = {t0+ 2|kZ}, ce que l’on traduit avec un peu d’ambiguit´e par
: l’argument d’un nombre complexe est d´efini `a 2πpr`es.
Un ´el´ement de arg(z) sera parfois appel´e un argument de z.
Soit z1et z2deux nombres complexes de module 1, t1un argument de z1,t2un argument
de z2. On a
z1z2= (cos t1+isin t1)(cos t2+isin t2)
= cos t1cos t2sin t1sin t2+i(cos t1sin t2+ cos t2sin t1)
= cos(t1+t2) + isin(t1+t2).
t1+t2est donc un argument de z1z2et
arg(z1z2) = {t1+t2+ 2kπ|kZ}
(un argument du produit est la somme form´ee par un argument de chacun des facteurs)
Si zest de module 1 alors pour tout argument tde z,test un argument de 1
z=z.
Plus g´en´eralement si t1et t2sont des argumens de z1et z2alors :
arg(z1
z2
) = {t1t2+ 2kπ|kZ}
Remarque. L’argument d’un nombre complexe est en fait un ´el´ement du groupe quotient
(R/2πZ,+) et l’application qui `a un nombre complexe de module 1 fait correspondre son argu-
ment est un isomorphisme du groupe multiplicatif des nombres complexes de module 1 sur le
groupe (R/2πZ,+).
1.2.2. Argument d’un nombre complexe non nul. Si zest un nombre complexe non nul alors
z
|z|est un nombre complexe de module 1 et on pose:
arg(z) = arg(z
|z|)
Propri´et´es ´el´ementaires
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