Troubles de la conscience et qualité de vie 165
autonomie (quatre), vie sentimentale (deux). Pour chaque
domaine, un score est calculé variant de 0 (niveau le plus
bas de qualité de vie) à 100 (niveau le plus élevé) ; un index
global est disponible permettant une appréciation globale
de la qualité de vie du patient.
Analyse
La description de l’échantillon a été réalisée à l’aide des
moyennes et écart-types pour les variables continues, et des
proportions pour les variables qualitatives ou catégorielles.
Pour chaque dimension de la SUMD, deux sous-groupes
ont été constitués en fonction du score obtenu oppo-
sant le sous-groupe des patients «non-conscients »(score 3)
au sous-groupe des patients «conscients/partiellement
conscients »(scores 1 ou 2). Les comparaisons de moyennes
des scores de la S-QoL entre les deux sous-groupes ont
été réalisées au moyen des tests de Mann-Whitney. Le lien
entre la première dimension de l’échelle de conscience
(conscience du trouble mental) et la qualité de vie (index
de la S-QoL) a été précisé à l’aide d’une regression linéaire
permettant de déterminer le rôle potentiellement confon-
dant de certaines variables. Les variables intégrées dans le
modèle sont les variables sociodémographiques et cliniques
désignées comme des variables d’ajustement car déjà iden-
tifiées comme liées à la qualité de vie (âge, sexe, niveau
d’éducation, mode de vie, situation familiale, scores de la
PANSS) ou des variables ayant un lien avec l’index du S-QoL
défini par une valeur de pinférieure à 0,25 à l’analyse uni-
variée (type de la maladie, type de prise en charge). Les
résultats sont présentés sous la forme de coefficients bêta
standardisés. Le signe du coefficient indique si la variable a
un effet positif ou négatif et le test indique si la variable est
liée à la qualité de vie de fac¸on significative ou pas. Le seuil
de significativité pour l’ensemble des analyses a été fixé à
0,05. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel
SPSS (version 15,0).
Résultats
Caractéristiques de la population
Cent cinquante-trois sujets ont été inclus. La moyenne d’âge
de l’échantillon était de 37,6 ans (ET 11,2), 96 (63 %) sujets
étaient de sexe masculin. La répartition des formes cliniques
de la maladie était la suivante : 46 (31 %) sujets présentaient
une forme paranoïde, 46 (31 %) une forme résiduelle, 35
(23 %) une forme désorganisée, 20 (13 %) une forme indif-
férenciée et quatre (3 %) une forme psychoaffective. La
moyenne du score total à la PANSS était de 77,2 (ET 19,1).
Environ 40 % des sujets ne sont pas conscients de leur trouble
mental (dimension 1 de la SUMD) ; pour les autres dimen-
sions, les proportions de patients présentant une absence
de conscience varient de 15 à 30 %. La qualité de vie globale
rapportée par les patients est modérée, les patients étant
majoritairement touchés dans leur vie sentimentale (46,1,
ET 32,8) alors que l’appréciation de leur autonomie (64,3,
ET 24,5) est le domaine le moins altéré. Le Tableau 1 détaille
les caractéristiques de l’échantillon.
Relation entre insight et qualité de vie subjective
Les comparaisons des scores moyens de qualité de vie
par domaine en fonction du niveau de conscience sont
rapportées au Tableau 2. Les sujets ayant un niveau de
conscience préservé ou relativement préservé (scores 1 ou
2) rapportent, en général, des niveaux de qualité de
vie, mesurés par l’index de la S-QoL, inférieurs pour
l’ensemble des aspects rapportés par la SUMD, même si
ces différences ne sont pas toutes statistiquement signifi-
catives. La dimension «conscience de la maladie »apparaît
comme celle impactant le plus les niveaux de qualité de
vie. Les scores des domaines «bien-être psychologique »,
«estime de soi »,«bien-être physique »et «autonomie »
sont significativement moins élevés de sept à 12 points
chez les sujets conscients de leurs troubles ; cette dif-
férence n’apparaît pas comme significative sur l’index
global. À l’exception du domaine des relations familiales,
les sujets ayant «conscience des conséquences de leur
trouble mental »présentent des niveaux de qualité de
vie globalement plus bas sans que cela soit significatif,
sauf pour le domaine de l’autonomie. Cette appréciation
significativement plus haute du niveau d’autonomie est
retrouvée dans la population des patients non-conscients
des effets des médicaments. Inversement, les scores des
dimensions «relations familiales »et «relations avec les
amis »sont significativement inférieurs chez les sujets
n’ayant pas conscience du manque de sociabilité. Le niveau
de conscience des épisodes d’hallucinations, d’idées déli-
rantes, de l’émoussement des affects, ou de l’anhédonie ne
modifient pas les niveaux de qualité de vie de la S-QoL, quels
que soient les domaines considérés.
Les résultats des analyses uni- et multivariée sont rap-
portés au Tableau 3. Après ajustement sur les variables
sociodémographiques et cliniques, seule la dimension
«conscience de la maladie »est significativement prédictive
du score global de qualité de vie des patients : les sujets
ayant un trouble de la conscience rapportent un niveau de
qualité de vie plus élevé. Il n’a pas été mis en évidence de
lien entre les autres aspects de la SUMD et l’index S-QoL
(données non-présentées).
Discussion
Cette étude indique que la conscience du trouble mental
est un élément prédicteur d’un mauvais niveau de qualité
de vie du patient souffrant de schizophrénie. Ces résul-
tats peuvent renforcer l’hypothèse selon laquelle un niveau
de conscience bas constituerait une stratégie de défense
face aux difficultés qui se présentent à un individu réa-
lisant qu’il est atteint d’une maladie mentale [12,19,38].
Ainsi, un haut niveau d’insight diminuerait le niveau de
qualité de vie des patients [17,20,32,36]. Ce résultat reste
discuté. Certains travaux concluent à l’absence d’influence
du niveau d’insight sur l’appréciation de la qualité de vie
des patients [4,9,15,37]. D’autres auteurs montrent que
le manque d’insight contribuerait à réduire le fonctionne-
ment psychosocial des patients et ainsi détériorerait leur
qualité de vie [3,25,33,34], même si cette relation n’est
parfois retrouvée que chez les patients avec un haut niveau
d’insight [40].