Résumé Dans la schizophrénie, le déficit d’insight est d’une importance clinique majeure de fait de son lien étroit avec l’observance médicamenteuse, l’alliance thérapeutique et l’évolution du trouble. L’étiologie de l’insight et donc sa prise en charge restent insuffisamment explorées. Ce travail propose au moyen de trois études portant sur l’insight et ses corrélats cognitifs, métacognitifs et de mémoire autobiographique, l’exploration du concept d’insight, précisant les mécanismes cognitifs sous-tendus et évaluant les effets de 3 nouvelles prises en charge sur son niveau d’évolution. Nous nous sommes basés pour cela sur trois modèles théoriques, celui de Conway (2005) qui établit des liens étroits entre le self et la mémoire autobiographique, celui de Larøi et al., (2004) suggérant à l’origine du déficit d’insight un trouble de la conscience autonoétique en lien avec la mémoire autobiographique, et enfin, celui de Agnew et Morris (1989) incriminant une palette de troubles cognitifs et métacognitifs dans le déficit d’insight. Les résultats soulignent le rôle primordial de la mémoire autobiographique dans le déficit d’insight et notamment la qualité des souvenirs sur la période supérieur à >20 ans. Cette période est pour l’adulte sain, propice pour le développement de l’identité personnelle et correspondent dans la schizophrénie à l’entrée dans la maladie mentale. Nous avons ensuite exploré d’une part l’implication de trois modèles explicatifs, cognitifs, métacognitifs et autobiographiques dans le déficit d’insight et d’autre part l’implication de ces trois modèles dans l’amélioration du niveau d’insight au cours de la prise en charge. Nos résultats indiquent que, les modèles autobiographique et métacognitif prédisent mieux le déficit d’insight comparés au modèle cognitif de base. Le modèle cognitif prédit peu le déficit d’insight, alors que l’amélioration de la conscience symptomatique dépend de l’amélioration du fonctionnement cognitif. Bien que, le modèle autobiographique explique de façon modéré le déficit d’insight, l’amélioration de la qualité de la mémoire autobiographique prédit l’amélioration d’une seule dimension, celle de la conscience symptomatique. Enfin, le modèle métacognitif explique de façon modéré le déficit d’insight pour l’ensemble des dimensions mesurées, et l’amélioration de cette variable prédit deux des dimensions de l’insight, la conscience du bénéfice d’un traitement et l’attribution symptomatique. Parmi les trois programmes thérapeutiques administrés dans l’étude, le programme RECOS Remédiation Cognitive des patients souffrant de schizophrénie et troubles associés (Vianin, 2007), améliore de manière significative le fonctionnement cognitif. Le programme REMAu Réminiscences Autobiographique (Piolino, 2006), visant la reconstruction des souvenirs autobiographique en lien avec le self, améliore de façon significative la conscience du trouble mental et la qualité du rappel épisodique. Le programme MBCT Thérapie cognitive basée sur la méditation en pleine conscience, visant la prise de conscience du moment présent, améliore de façon significative la capacité à attribuer la symptomatologie à la maladie mentale, l’estime de soi et la théorie de l’esprit. Ces résultats nous amènent à proposer un modèle explicatif et multidimensionnel du déficit d’insight dans la schizophrénie, intégrant les trois modèles étudiés ; cognitif, métacognitif et autobiographique.