
246 | La Lettre du Neurologue • Vol. XII - n° 8 - octobre 2008
Prise en charge des encéphalopathies épileptiques
de l’enfance passées à l’âge adulte
MISE AU POINT
ou causes d’ordre général (affection intercurrente,
complication traumatique intracérébrale, trouble
métabolique, etc.). Ils peuvent être précédés par un
“syndrome de menace d’état de mal”, avec des crises
en série plus fréquentes et qui réagissent moins bien
au traitement habituel (2).
Électroencéphalogramme (EEG)
Les crises enregistrées par EEG sont souvent difficiles
à identifier : elles se limitent à une désynchronisa-
tion brutale du tracé, avec ou sans activité rapide
tonique de bas voltage, apparemment diffuse sur
le scalp et très souvent masquée par des artéfacts
musculaires. En l’absence de vidéo-EEG, ce type
de crise peut passer totalement inaperçu. C’est
particulièrement vrai au cours du sommeil. L’EEG
intercritique peut paraître normal, même dans
certaines formes sévères d’EE. La réalisation d’EEG
du sommeil est indispensable, même à l’âge adulte :
les anomalies peuvent n’apparaître qu’au cours du
sommeil, évoquant parfois de véritables états de
mal “électriques” durant toute la nuit, perturbant
le rythme nycthéméral et très probablement l’état
cognitif.
Difficultés thérapeutiques
La gravité des crises et leur pharmacorésistance habi-
tuelles expliquent l’importante polythérapie (jusqu’à
4 ou 5 médicaments au moins) dont les patients
sont souvent les “victimes”. Les conduites peuvent
parfois se révéler contradictoires : essai systématique
des nouvelles molécules (des difficultés méthodo-
logiques étant constatées dans certains protocoles
d’essais thérapeutiques) avec une accumulation des
premiers médicaments, ou, à l’inverse, abandon
des essais thérapeutiques sans remettre en cause
le maintien de traitements antérieurs, diversement
associés à des posologies variables (tout peut se voir,
des doses chroniquement toxiques aux doses a priori
infrathérapeutiques, avec maintien de traitements
qui théoriquement semblent pourtant inactifs et
potentiellement délétères sur l’état général et même
sur l’épilepsie…). Paradoxalement, il est souvent
très difficile de changer le traitement : toute modi-
fication, même mineure et théoriquement justi-
fiée, peut altérer un équilibre fragile, ce qui n’est
généralement pas compris et est mal accepté par
l’entourage du patient. Il apparaît néanmoins légi-
time de tenter de réduire prudemment le nombre de
molécules ou de limiter la posologie des traitements
à la dose minimale afin de permettre un équilibre
satisfaisant, surtout quand l’augmentation n’a pas
apporté d’amélioration clinique à terme. Avant toute
modification thérapeutique, il est cependant indis-
pensable d’obtenir la participation de l’entourage
(famille et milieu psycho-éducatif), parfois à l’issue
de longues discussions… Après avoir obtenu un équi-
libre relativement satisfaisant entre l’épilepsie et le
comportement, avec une qualité de vie définie par
l’entourage comme “plutôt bonne”, il faut savoir ne
rien changer malgré la persistance des crises.
Certains médicaments antiépileptiques (AE) peuvent
aggraver l’EE (3, 4) ; il s’agit généralement des
mêmes que pour l’épilepsie idiopathique. Les AE
réservés a priori uniquement à l’épilepsie focale
lésionnelle doivent être prescrits avec prudence.
Néanmoins, en pratique, tous les AE, mais égale-
ment les surdosages thérapeutiques, sont suscep-
tibles d’aggraver l’épilepsie et surtout l’état général
du patient. La prescription de benzodiazépines au
long cours est souvent utilisée – parfois même en
associant plusieurs molécules de cette famille –
compte tenu de leur efficacité initiale. Malgré
le risque de tolérance, les doses sont parfois
très importantes, finalement inefficaces, et elles
induisent de réelles difficultés pour le sevrage. En
revanche, le traitement intermittent par benzodia-
zépines (dans notre expérience : clobazam 20 mg,
1 à 2 fois par jour pendant 1 à 3 jours, 1 à 2 fois par
mois chez l’adulte de poids moyen) est utile pour
passer les périodes difficiles de recrudescence des
crises, ou même à titre préventif, pour éviter les
crises avant un événement important comme une
fête ou un voyage, par exemple (5). Les crises en
série, lorsqu’elles sont intenses ou prolongées (en
théorie dès la deuxième crise généralisée lorsqu’elles
sont immédiatement successives ou très rappro-
chées, ou dès 20 minutes de crises partielles subin-
trantes, c’est-à-dire environ dès la quatrième ou la
cinquième crise), justifient plutôt l’administration
de diazépam intrarectal (2 à 3 ampoules de 10 mg
pour un adulte de poids moyen), dont l’action est
plus rapide que celle de l’administration per os ou
en suppositoire (15 minutes environ au lieu d’une
heure au moins) [6]. En milieu institutionnel, le
personnel apprend à connaître les patients pour
lesquels l’injection peut attendre (crises en série peu
intenses et habituellement spontanément résolu-
tives en moins de 30 minutes) et ceux pour lesquels
la prescription doit être systématique, parfois dès la
première crise, en raison du risque d’état de mal. La
voie intramusculaire est à éviter (toxicité locale et