LES COMMUNICATIONS NON VERBALE Plusieurs travaux de recherche se sont attachés à faire la part du verbal et du non verbal dans notre communication quotidienne. Il est toujours étonnant de constater à quel point notre « non-verbal » prédomine. La communication non verbale peut être définie par : « Tout facteur entrant dans le phénomène communicatif qui ne concerne pas directement l’oral et l’écrit ». Il ne s’agit pas là que des gestes, mais aussi des territoires, des codes de la « tribu », des distances qui nous séparent des autres, des postures, de la tessiture et des modulations de la voix, des artifices de l’homo sapiens (parfum, tenue vestimentaire…) De fait, nos comportements peuvent nous servir…ou nous desservir ! Fort de ce constat, il devient légitime pour le manager de s’approprier un minimum de techniques et de travailler pour améliorer la transmission de ses messages professionnels. I- Impossible non communication… L’interaction est une séquence de messages échangés par des individus en relation réciproque, en une boucle circulaire caractérisée par des rétroactions positives ou négatives. L’observation de séquences d’interactions permet de noter que les processus d’influence vont jouer toujours dans les deux sens. Le premier postulat de l’école de Palo Alto est qu’il est impossible de ne pas communiquer car tout à valeur de communication, même si celle-ci n’est pas réalisée de façon consciente, ainsi, le silence, le retrait, les gestes sont porteurs de sens. 70% de la communication est d’ailleurs non verbale. En 1971, Albert Meharabian publie les chiffres combinés de ces expériences, représentant les parts que prennent le verbal, le para verbal et le non verbal, dans l'attribution du degré de sympathie lorsque quelqu’un vous parle. C’est ainsi que 7% de la communication passe par le verbal, 38% par le para-verbal et 55% par le non verbal. Malgré les précautions à prendre lorsque l'on cite les chiffres de Mehrabian, il apparaît que le non verbal tient bien une place prédominante et primordiale dans notre appréciation des situations et de notre communication. E.T. Hall parle d’un « langage silencieux » qui nous trahit. Indispensable à verbaliser comme à écouter, ce langage est essentiel à toute construction et maintien d’une relation. II- Les territoires et zones d’interaction Plusieurs types de territoire peuvent être identifiés au travers des travaux sur la communication non verbale. En effet, au quotidien nos territoires sont régis par des lois (la propriété privée) des usages (un bureau attribué en organisation) ou des nécessités fonctionnelles (une salle de restauration collective). 2-1- Les types de territoires Le territoire tribal Appartenir à un « clan », une tribu passe par l’adoption de signes de reconnaissances communs. Exemple : les français ont un drapeau, une langue, un hymne, des usages, des produits du terroir… De fait, les codes vestimentaires de l’organisation ou du domaine professionnel considéré appartiennent au type tribal. Le territoire familial Reconnus et validés par la loi, l’appartement, ou la maison sont des territoires naturels de la famille. Les espaces collectifs comme la salle à manger, le salon ou la cuisine sont l’objet de discussion commune sur les choix d’aménagements. Par extension, la salle de réunion ou de délibération du conseil, la cafétéria, le hall d’accueil peuvent être considéré comme des espaces de la famille de l’organisation observée. Le territoire personnel Au travail, l’attribution d’un bureau, individuel ou collectif est un lieu d’appropriation personnelle, par la décoration du mur le plus proche de son bureau, par les objets personnels déposés sur le plan de travail. La façon de s’habiller, de se coiffer donne des précisions sur la perception de soi-même ainsi que sur l’appartenance ou le désir d’appartenance à tel ou tel groupe social. Ces signes marquent également nos territoires. Exemple : un individu habillé de façon décontractée semblera plus accessible qu’un individu habillé de façon stricte. Le territoire ponctuel est un territoire occupé temporairement. Le territoire tribal ponctuel : Dans le métro, vous appartenez à la tribu de « ceux qui prennent le métro pour aller à votre travail ». Dans ce contexte particulier, vous acceptez d’être collés les uns aux autres, d’être ballotés, de sentir des odeurs désagréables sans faire de remarques désobligeantes… Chacun se tourne vers la porte et évite ainsi le regard tout proche de l’autre. Il s’agit d’une façon inconsciente de prendre ses distances malgré la promiscuité. Le territoire familial ponctuel : La plage est un espace collectif public. Que faisons-nous en y arrivant en famille ? Nous étalons tous nos serviettes pour nous ménager un espace bien à nous, faisant barrière avec nos sacs, nos objets de plage…tout individu qui traverse ce territoire virtuel est aussitôt fusillé du regard ! Le territoire personnel ponctuel : Si vous allez au restaurant, surtout seul, et que l’on vous propose un choix entre une table au centre de la salle ou adossée à un mur, vous choisirez de préférence…celle contre le mur. Une fois assis, vous touchez les couverts, repositionnez votre assiette…comme pour organiser votre territoire personnel ponctuel ! 2-2- Le décodage territorial Le codage territorial s’appuie particulièrement sur nos cultures mais pas uniquement. E.T. Hall dit à ce sujet : « Selon sa culture, son environnement social, sa position hiérarchique et l’attitude de son interlocuteur, l’homme délimite son type de relation spatiale ». Cette approche renvoie également aux rituels, comme celui de la bise au travail1. Dans nos pays occidentaux, le moment du repas est un temps de partage ou invités et hôtes s’assoient à la même table pour profiter du repas préparé. Dans d’autres cultures, comme au Tibet, les invités mangent en premier, les hôtes assis en retrait. Les hôtes ne mangeront qu’après que les invités aient quitté l’espace du repas. La culture peut aussi relever du statut social. Un dirigeant n’organise pas son espace de bureau de la même façon qu’un chargé de projet de son organisation. Son emplacement de stationnement est rarement situé avec celui des autres collaborateurs. Ou si tel est le cas, un « Président » est inscrit avec plus ou moins de discrétion afin que chacun sache, que même en l’absence d’autre place disponible il n’est pas autorisé de stationner à la place du « patron ». Dans la relation à l’autre, la position de chacun peut également être l’objet d’un décodage. Pour cela, le schéma sur les trois C est riche d’exploitations possibles. 1 Cf. : cours d’application spécifique à ce sujet et éléments théoriques sur les rituels. 2-3- Les zones d’interaction Au-delà des éléments évoqués en 2.3, l’espace qui nous sépare d’autrui est porteur de sens. A tel point que cela conditionne les rapports humains et les ressentis individuels. Les travaux d’E.T. Hall amènent à distinguer 4 zones d’interaction : Zone intime Longueur de l’avant-bras +/- 50cm Zone personnelle Longueur du bras tendu 60cm à 1m20 Zone sociale Cumul de deux Z. Perso. 1m20 à 3m Zone publique Au-delà de la zone sociale Relations de séduction Réservée aux personnes très familières Zone des secrets et des chuchotements L’agressif entre dans cette zone pour nous faire peur Relation de deux amis qui se parlent Zone de convivialité Chacun montre à l’autre sa non-agressivité Accepter autrui dans cette zone, c’est accepter le contact Relationnel courant Permet de se saluer en se serrant la main Permet : échange, interview, entretien, négation Souvent un bureau séparateur en milieu professionnel Zone de discours Prises de parole en public Rarement utilisée à deux Echanges peu personnalisés Suivant les travaux de recherche post E.T. HALL, les distances proposées varient. A titre individuel, nous avons un rapport très personnel à ces distances qui peuvent être hors de ces normes générales. Il convient donc d’en retenir le principe et d’apprendre à se connaître. 2-4- Les bonnes questions à se poser pour progresser a- Tribal, Familial, Personnel, quelle zone choisit mon interlocuteur pour notre rencontre ? b- Intimes, personnelle, sociale ou publique, y a-t-il conformité entre la zone utilisée et ce qu’il dit ? c- Quel est le ton utilisé en fonction de la zone choisie ? d- Dans quelles zones suis-je à l’aise ? Et mon interlocuteur ? Dois-je m’adapter et donc faciliter ou rompre et donc déstabiliser ? III- Les postures corporelles, arrêt sur image. La façon de tenir son corps, de bouger ou de rester immobile donne un sens à ce qui est dit et peut même remplacer la communication verbale. Exemple : s’enfoncer au fond d’un siège peut signifier l’absence de concentration, le désintérêt pour ce que l’autre communique. L’analyse des postures est un élément important du décodage des attitudes non verbales. Arrêt sur image plus ou moins fixe et long, la posture renseigne sur la façon dont un acteur vit la relation du moment. Quatre postures sont distinguables : de contraction, d’extension, d’approche ou de rejet. Elles constituent ce que l’on nomme les postures globales. Elles sont complétées par des postures partielles qui renforce ou déstructure la posture globale exprimée. Cela peut engendrer des cassures de comportement. Spiegle et Machotka parlent de « grimace du corps » à propos de ce phénomène. 3-1- Postures et attitudes La posture de référence qui permet de catégoriser ces quatre postures est l’homme debout, droit, les bras le long du corps, les pieds joints, le menton à l’horizontal. La posture est kinésique (le corps) alors que l’attitude est psychique (le ressenti). Ces quatre postures physiques globales génèrent des attitudes différentes qui peuvent marquer l'auditoire. Elles se décomposent en deux familles : Rapport à la verticalité : L'extension : attitude de domination ou de quant-à-soi. La contraction : attitude de soumission Rapport au mouvement : L’approche, en avant : attitude de partage et d'ouverture aux autres. Le rejet, en arrière : attitude de refus de fuite et de crainte. L'idéal est d'être dans sa verticalité, ni en extension, ni contracté, tiré vers le haut, le buste en ouverture. Les cassures ou ruptures sont importantes à analyser. En entretien avec un interlocuteur, vous comme lui changez de posture. Vous réagissez ainsi à ce qui est dit et au comportement de l’autre, posture et attitude. Ces modifications, à analyser en direct, renseignent sur la bonne posture à adopter. Passer ainsi de l’ouverture au rejet n’est pas neutre. 3-2- Posture partielle, jeux de mains Les bras et les mains sont représentatifs des attitudes qui sous-tendent nos postures. La poignée de main : La position des paumes : Tournées vers le ciel et ouverte : « Je veux bien partager avec vous ». Elles apportent bienveillance. Tournées vers le sol : « Vous travaillez sous mon autorité ». Sorte de couvercle qui apaise mais aussi qui pèse suivant le contexte. Parallèles, perpendiculaires au sol : « Vous êtes en liberté surveillée ». Elles marquent l’attachement à un argument, la préservation d’un objet ou d’une idée. En avant (bras tombant le long du corps) : « Je ne sais pas, je ne peux pas ». L’impuissance des mains vides marque l’incapacité. En avant vers l’autre (levées devant le buste) : « Ne me parlez pas de cela ». Cette posture est utilisée dans la peur, l’interdit. Cachées : « Il faut se battre et y aller ». Les doigts se referment et marquent la menace, la colère, la tension mais aussi l’énergie. 3-3- Les trois CO : cohérence, consonance, congruence La cohérence est le rapport entre le fond de ce qui est dit, le sens des mots, et la posture adoptée. Il y a incohérence dès que la posture n’est pas en adéquation avec les mots. Exemple : « Je suis prêt à prendre ce dossier supplémentaire », traduit un effort professionnel certain mais serait mis à mal par une posture en contraction. La consonance est l’adéquation entre une posture globale et une posture partielle. Dans le cas contraire, il s’agit de dissonance. Exemple : « On se sent bien chez vous ! », mais les pieds sont croisés nerveusement et la personne est assise à peine sur une fesse au bord du fauteuil proposé. La congruence est l’adéquation des postures entre deux interlocuteurs en situation de communication. A l’opposé, la situation est qualifiée d’incongruence. Plusieurs études montrent que le rapprochement de deux personnes s’établit davantage sur des comportements semblables que sur une convergence d’opinion. Exemple : « Je ne partage pas votre opinion mais je respecterai la décision collective », mais le locuteur croise les mains sous la table de réunion au niveau de son estomac, affaissé sur son siège dans une posture de recul, indiquant son refus de partager. IV- Le visage, ce traître au mensonge De façon naturelle, le visage est ce que nous regardons, observons, le plus lors d’échanges interpersonnels. Il est le siège privilégié de la traduction de nos émotions. Tomkins affirme que « l’affect est, au premier chef, un comportement facial ». Mais avec plus de 400 combinaisons possibles, il est difficile de s’y retrouver dans une même culture, et encore plus entre culture d’origine. Darwin a été le premier a porter un intérêt d’étude au visage. Il a demandé à une vingtaine de correspondants dans le monde ce que signifiaient pour eux, et donc leurs cultures respectives, diverses expressions et mouvements du visage. Il a pu ainsi déterminer 6 émotions fondamentales partagées par toutes les cultures. Certains chercheurs y ajoutent : l’horreur, la satisfaction ou l’intérêt. Il est essentiel de garder en mémoire que ce que nous lisons sur le visage d’autrui, autrui peut aussi le lire sur notre visage. Nous apprenons à tromper notre monde, soit en s’interdisant de manifester des mimiques révélatrices de nos attitudes, soit en remplaçant une mimique par une expression différente. Exemple : Izard, en sectionnant les muscles bilatéraux du singe Rhésus met en évidence le rôle facial. Le singe dont la face est devenue inexpressive est relégué tout en bas de la hiérarchie. Les rapports agressifs augmentent. Les zones des yeux et de la bouche (entre le nez et le menton) sont fondamentales. Notamment, car ces zones marquent le sourire. Montrer les dents est une manière de faire peur à l’autre. Le rire est donc, au commencement, une manifestation potentiellement agressive. Le sourire, dents cachés, est entendu chez nous comme un rapprochement spatial et un signe de non-agressivité. Nous nous interdisons par exemple de sourire en disant des choses tristes. Hors les émotions passent par le sourire. De fait, il peut marquer la gêne lorsque nous ne savons pas quel comportement adopté. Il marque cependant davantage la reconnaissance de l’autre, il aide à l’échange. Exemple : un sourire accompagne souvent un bonjour, comme signe de reconnaissance et renforce le souhait de « bonne » journée. Aux Etats-Unis, un « vrai » sourire se caractérise par le fait de montrer les dents du haut et du bas. En France, il serait perçu comme factice. Les discours politique du sénateur A Schartzeneger sont typiques de cet écart. Nota : Comme le bâillement, le sourire provoque une action communicative réflexe. La combinaison des mouvements du regard, du front, de la bouche et de la mâchoire permet d’exprimer les émotions fondamentales, d’accentuer ou de contredire les messages verbaux. Le regard renseigne sur la nature de la relation qui existe entre les interlocuteurs. Il permet de maintenir l'attention de l'auditoire et de vous appuyer sur lui. Il vous permet de percevoir les réactions du public et de les utiliser. Lors d'une prise de parole en public, il faut donc regarder tout le monde et ne pas se limiter à "balayer" du regard. V- Les gestes de nos ancrages culturels Le geste illustre notre propos mais exprime aussi nos attitudes. Il est donc le révélateur de notre état de communicant. Les gestes parasites n'ont rien à voir avec le contenu. Ils sont le signe d'une émotivité ou d'un manque d'engagement. La culture, nos cultures, sont des modeleurs importants de nos gestuelles. Le statut et le rôle accepté ou joué par chacun des acteurs de la communication sont aussi des éléments importants. Exemple : en France pour dire oui, nous pouvons hocher la tête de haut en bas, alors qu’en Bulgarie cela traduit la négation. Les rituels d’appartenance et de salutation, comme la bise au travail, fluctuent en fonction du statut des interlocuteurs, de même niveau hiérarchique ou non, de nos histoires individuelle et collective. 5-1- Les gestes « jour » - « nuit » Les gestes «fermés» sont dirigés vers soi ou en « auto-contact ». Ils ne peuvent convaincre et servent uniquement à se rassurer. Les gestes «ouverts» accompagnent votre message et soulignent certains points. Ce sont des gestes de partage et d'engagement, tournés vers les autres. Il est utile d’utiliser la bi latéralisation du geste en mobilisant les mains droite et gauche. La variété est source d’intérêt et donc enrichie votre discours et l’adhésion de votre interlocuteur. Le geste peut être : Rond : signe de prise en charge et de souplesse. Sec ou saccadé : signe de fermeté ou d'assurance. Des gestes à éviter : § En dessous du coude, il révèle un manque d'assurance. § Autiste, allant vers soi et non vers l’autre, il marque un besoin de se persuader soi-même et se transforme rapidement en auto-contact. § Barrière, il marque une frontière à ne pas franchir. Des gestes à utiliser : § Haut, c'est-à-dire au-dessus du coude, il donne une connotation active et positive. § Ouvert, il est le garant de votre bienveillance, de votre franchise. § Non retenus, ils traduisent votre assurance et votre désir de communiquer. 5-2- Tentative de typologie Déictique pointeur Déictique pince Déictique compteur Idéographe Pictographe (Main ou doigt pointeur) Quantitatif (mains verticales et parallèles : encadrement d’un volume proportionnel à la quantité) Kinétographe (fait par le corps ou une partie du corps) Montre une direction Vise un point ou une personne Indique la précision Marquer un certain ordre Porteurs d’idées, de concepts… Souvent dans un flou artistique Dessine dans l’air les objets évoqués Délimiter un espace Canaliser la pensée en la limitant Jouer la situation racontée Plusieurs gestes peuvent se combiner pour augmenter l’impact sur son interlocuteur. La fréquence de répétition d’une famille donne une impression globale de la présentation et aide à comprendre l’autre. Conclusion : Sources : Jean-Claude MARTIN, « Le guide de la communication », Marabout, 2005. Catherine CUDICIO, « La PNL, Communiquer autrement », Eyrolles, 2003. Guillaume LEROUTIER, « Communiquer efficacement », GERESO, 2010.