Mouvement brownien d`un colloide anisotrope

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Universités Paris 6 & Paris-Sud, École Normale Supérieure, École Polytechnique.
M2 – Parcours de Physique Quantique ; M2– Parcours de Physique des Liquides
Physique statistique hors équilibre - examen
Mouvement brownien d’un colloı̈de anisotrope
Rédiger cette partie sur copie SÉPARÉE. Elle sera notée sur 10 points.
Les différentes questions sont dans une large mesure indépendantes ; quelques formules utiles
sont rappelées à la fin de l’énoncé.
Introduction. L’étude du mouvement brownien est une affaire de famille. . . Après Jean Perrin,
dont les expériences sur l’équilibre de sédimentation de colloı̈des ont été couronnées du prix
Nobel, Francis, son fils, s’est intéressé dans les années 1930 au mouvement brownien de rotation.
Ces travaux sont revenus sur le devant de la scène avec des expériences récentes (Han et al.,
2006). Nous nous proposons ici d’en établir le cadre théorique.
Dans ces expériences, un colloı̈de de forme ellipsoı̈dale et de taille micrométrique est fortement confiné entre deux plaques en verre parallèles. Le colloı̈de n’a ainsi qu’un seul degré
de liberté de rotation, et son déplacement est bidimensionnel. Ce mouvement, dû aux collisions avec les molécules du fluide porteur (l’eau), peut-être enregistré par une caméra CCD.
Nous considérerons dans toute la suite que la trajectoire de cet objet est celle d’une “particule”
brownienne anisotrope confinée dans un plan : la position est repérée par un vecteur à deux composantes cartésiennes ~r = (x1 , x2 ), et un angle noté θ. Ces coordonnées obéissent aux équations
de Langevin sur-amorties suivantes
dxi
= Ri ,
dt
avec i = 1, 2 ,
et
dθ
= ξθ .
dt
(1)
Les termes de bruit R1 , R2 et ξθ représentent des variables aléatoires de moyenne nulle, et de
corrélations :
hRi (t)Rj (t′ )i = 2kT µij [θ(t)] δ(t − t′ )
′
′
hξθ (t)ξθ (t )i = 2Dθ δ(t − t )
(2)
(3)
Les valeurs moyennes portent sur les degrés de liberté du fluide porteur –auxquels on ne
s’intéresse pas– à configuration colloı̈dale donnée. On prendra garde au fait que les crochets
n’ont pas le même sens dans les équations (2) et (3) : ils portent sur les réalisations de Rx et
Ry dans (2), à θ fixé, alors que dans (3), ils portent sur ξθ . La température T du fluide porteur
qui apparaı̂t dans (2) est la signature d’une relation de fluctuation-dissipation, qui fait comme
de coutume intervenir la mobilité du colloı̈de. Il s’agit ici d’une matrice µij et non d’un scalaire,
car le colloı̈de n’est pas isotrope ; cette matrice dépend par ailleurs de l’angle instantané θ, et
nous la caractériserons plus tard.
A/ Diffusion rotationnelle
L’équation de Langevin vérifiée par θ est notablement plus simple que celle qui concerne (x1 , x2 ),
car elle est découplée des autres degrés de liberté. A priori, θ est une variable dans [0, 2π[, mais
puisque l’on peut suivre la particule dans son mouvement, on peut très bien considérer que
θ ∈ ] − ∞, ∞[, ce qui simplifie le travail. À l’instant t = 0, l’angle est fixé : θ = θ0 .
A-1/ Quelle est la dimension de Dθ , qui mesure l’amplitude du bruit angulaire ? Question
subsidiaire : en estimer l’ordre de grandeur pour un objet micrométrique dans l’eau à température
ambiante.
1
x2
bb
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
θ
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
0000000000000000000000000
1111111111111111111111111
~r
b
a
x1
Figure 1 – Représentation du colloı̈de ellipsoı̈dal, et définition des principales notations. Les
vecteurs b
a et bb, qui correspondent aux axes principaux du colloı̈de, sont orthogonaux. On note
les vecteurs unitaires avec des chapeaux (c
. . .).
A-2/ Quelle est l’équation de Fokker-Planck vérifiée par p(θ, t), la densité de probabilité de θ à
l’instant t ?
A-3/ Que valent hθi et h(θ − θ0 )2 i ?
A-4/ Donner l’expression de p(θ, t), qui peut s’obtenir directement à partir de l’équation de
Langevin, ou en résolvant l’équation obtenue à la question 2.
A-5/ Déduire de ce qui précède que
hcos(nθ)i = cos(nθ0 ) e−an
2
Dθ t
(4)
où a est une constante que l’on précisera, et n est un entier.
A-6/ On cherche à résoudre ici l’équation
∂p
∂2p
= Dθ 2
∂t
∂θ
avec
θ ∈ [0, 2π[
et
p(θ, t = 0) = δ(θ0 ).
(5)
Pour ce faire, on décompose p en série de Fourier :
p(θ, t) =
∞
X
an (t) cos[n(θ − θ0 )].
(6)
n=0
Donner l’expression de an (t). Que vaut p(θ, t) aux temps longs (interpréter) ? Calculer hcos(nθ)i.
Retrouve t-on la formule (4) ?
A-7/ Donner l’expression de hcos[2(θ − θ0 )]i (peut se trouver sans calcul à partir de ce qui
précède). En déduire h(θ − θ0 )2 i aux temps courts, c’est-à-dire pour Dθ t ≪ 1, et montrer qu’on
retrouve là un résultat attendu.
B/ Couplage rotation-translation
L’équation de Langevin vérifiée par (x1 , x2 ) est couplée à la valeur de θ, via la matrice de mobilité.
La forme anisotrope de l’objet diffusant impose que la friction hydrodynamique dépend de la
direction de la vitesse instantanée. Avec les notations de la figure 1, la friction suivant l’axe
principal b
a est ainsi bien plus faible que la friction ressentie lors d’un déplacement suivant la
direction perpendiculaire bb.
B-1/ Sans calcul, expliquer succinctement dans quelle direction (b
a ou bb, c’est à-dire dans le
référentiel de la particule) la diffusion va être la plus “efficace”.
B-2/ Sans calcul, commenter succinctement la figure 2.
2
Figure 2 – Tracé d’une succession de positions du centre de masse d’un ellipsoı̈de brownien (que
l’on a représenté à l’échelle à l’instant initial où il se trouve en (0,0)). La durée de l’enregistrement
est 1/Dθ . On a ici θ0 = 0. L’insert montre la même quantité mais pour une particule isotrope
(le disque grisé centré en (0,0) représente la particule à l’instant t = 0). D’après Han et al.
Figure 3 – Même graphe que pour la figure 2, insert excepté. Ici, la durée de l’enregistrement
n’est pas 1/Dθ , mais 100/Dθ . L’unité de graduation des axes est arbitraire, mais elle est commune aux deux figures. La trajectoire complète est représentée en grisé (peu visible, mais sans
importance) ; les points noirs montrent la position échantillonnée à intervalle de temps réguliers
(la ligne noire qui joint les points noirs ne correspond donc pas à la trajectoire réelle). D’après
Han et al.
B-3/ Sans calcul, discuter la différence entre la diffusion dans le régime des temps courts, et
celle aux temps longs. En quoi peut-on dire que le processus de diffusion “devient isotrope” ?
Interpréter en ce sens la figure 3
B-4/ Lorsque le colloı̈de est soumis à une force dirigée suivant l’axe principal b
a, sa mobilité est
µa : sa vitesse (stationnaire) est ainsi ~v = µa f b
a. Il apparaı̂t de même une friction µb lorsque la
force est suivant la direction perpendiculaire : ~v = µb f bb. En déduire que la matrice de mobilité,
3
qui relie la vitesse à la force appliquée, se met en général sous la forme
µa − µb
µa + µb
1 0
cos 2θ sin 2θ
,
+
µ =
0 1
sin 2θ − cos 2θ
2
2
{z
}
|
matrice M (θ)
(7)
expression qui spécifie complètement la fonction d’auto-corrélation du bruit dans l’équation (2).
B-5/ En écrivant le déplacement ∆xi de la particule entre l’instant initial et l’instant t comme
une intégrale du bruit agissant sur la composante i en question (i = 1 ou 2), montrer que
h∆xi ∆xj i = 2D t δij + (∆D) Mij (θ0 ) τ (t)
(8)
où l’on explicitera le sens des différentes quantités, et où la matrice M a été définie dans l’équation
(7). La valeur moyenne porte ici à la fois sur les bruits Ri et ξθ . Discuter de nouveau, quantitativement cette fois, le régime des temps courts et des temps longs. Quelle est l’échelle de temps
associée au changement de régime ? Montrer en particulier que l’on retrouve bien les coefficients
de diffusion attendus, aux temps courts, suivant les deux axes propres de la particule.
C/ Discussion
C-1/ Écrire les équations de Langevin vérifiées par x1 , x2 et θ lorsqu’une force extérieure
(conservative) est appliquée au système. Dans ce contexte, retrouver les relations de fluctuationdissipation (2) et (3).
C-2/ Nous avons travaillé dans le cadre d’équations de Langevin sur-amorties. Comment écrire
ces équations dans le cas où l’inertie est prise en compte ? Comment peut-on justifier de ne pas
avoir inclus cette complication dans l’analyse ?
C-3/ On peut mesurer les déplacements dans le référentiel du laboratoire (∆x, ∆y), ou dans
le référentiel de la particule (∆e
x, ∆e
y , avec ∆e
x = ∆~r · b
a). Parmi les lois de probabilité de ces
déplacements, certaines sont gaussiennes, et d’autres ne le sont pas. Lesquelles ?
C-4/ Si le mouvement du colloı̈de n’est plus confiné à deux dimensions, mais au contraire
tridimensionnel, que devient l’expression de hcos2 (θ − θ0 )i ? On pourra prendre θ0 = 0, partir
de l’équation de diffusion angulaire vérifiée par p(θ, t), et calculer dhcos2 θi/dt ; c’est la méthode
employée par F. Perrin. Vérifier les préfacteurs obtenus par le calcul de hθ2 i aux temps courts.
On rappelle que
• la densité de probabilité de la position d’une particule brownienne se déplaçant sur une
ligne, et partant du point x = x0 , est une gaussienne centrée sur x0 .
• cos(2θ) = 2 cos2 θ − 1 ; sin(2θ) = 2 cos θ sin θ.
∞
X
exp(i kθ) = 2π δ(θ)
•
k=−∞
Références :
→ F. Perrin, Étude mathématique du mouvement brownien de rotation, Thèse de doctorat (1928).
→ Brownian motion of an ellipsoid, Y. Han, A. Alsayed, M. Nobili, J. Zhang, T. Lubensky, A.
Yodh, Science 314, 626 (2006).
4
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