1. Le raisonnement de Laffer repose sur un principe général : seul le secteur privé est créateur
de richesses ; en prélevant des impôts, l’Etat évince des dépenses privées productives pour
financer des dépenses publiques improductives. Pour se trouver dans la partie croissante de la
courbe, il faut que l’Etat se contente de prélever les impôts finançant les dépenses minimales
lui permettant de remplir ses fonctions régaliennes.
2. Parmi les dépenses improductives qui sont généralement mises en avant :
- les dépenses de fonctionnement : on retrouve ici notamment les arguments sur la
bureaucratie (Niskanen) ou la sclérose institutionnelle (Olson)
- les dépenses de redistribution qui se heurtent au dilemme équité-efficacité voire qui sont
issues d’un Etat influencé par des groupes de pression ; une telle « socialisation » de
l’économie risquant de conduire à la faillite de l’Etat.
II.B. … ou favorisant la croissance économique (donc les recettes de l’Etat) ?
1. L’histoire du développement économique ne semble pas correspondre au schéma
pessimiste précédent. Au contraire, les recettes et les dépenses des Etats augmentent sur le
long terme. La cause n’est pas seulement que la structure des besoins se modifie en faveur de
services non marchands fournis par l’Etat, mais aussi que les dépenses de l’Etat contribuent à
la croissance économique. Qu’il s’agisse du take off au XIXe siècle ou, plus récemment, des
pays émergents, les recettes des Etats augmentent parce que l’augmentation des
prélèvements permet de mobiliser des capitaux (épargne forcée) et de financer des dépenses
d’infrastructures, d’éducation, etc., facteurs de croissance.
2. Les théories de la croissance endogène apportent un fondement à une telle conception du
rôle de l’impôt. Une accumulation optimale de capital physique ou humain nécessite, du fait
des externalités positives, en particulier des subventions, notamment pour favoriser le
décollage des pays en retard. Si, chez Barro (1990), il existe effectivement, dans le cas du
capital public, un taux d’imposition optimal (les effets désincitatifs de l’impôt n’étant plus
compensés par les effets positifs des dépenses d’infrastructure au-delà d’un certain seuil), son
modèle ne conduit pas au point de vue radical de Laffer.
II.C. L’impôt : un mal nécessaire lorsqu’il sert à diminuer la dette publique ?
1. En revenant à un horizon de court-moyen terme, un autre argument remettant en cause la
relation négative entre pression fiscale et recettes de l’Etat concerne le cas particulier d’un
Etat fortement endetté. La charge de la dette constitue en effet des dépenses qui, d’une part,
ont des chances d’être improductives et, d’autre part, risque d’augmenter de manière
incontrôlable lorsque les conditions d’un effet boule de neige sont remplies. A l’extrême,
l’issue est une crise financière. L’impôt peut alors être l’instrument permettant d’éviter une
telle issue qui serait synonyme d’effondrement de l’activité économique, donc des recettes de
l’Etat.
2. Il faut néanmoins préciser que le recours à un tel instrument risque de ne pas avoir les effets
escomptés lorsqu’il est utilisé en période de récession. Dans ce cas en effet, la hausse des
prélèvements obligatoires risque de créer un effet récessif (effet multiplicateur) tel que les
recettes de l’Etat vont diminuer. C’est un des enjeux essentiels des débats sur les solutions
face à la montée des dettes publiques depuis 2008.