Une histoire de salaires : stagnation et croissance des

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Une histoire de salaires : stagnation et croissance
des inégalités pour le 1 %
Par Nicolas Zorn
GRAPHIQUE 11
Évolution des revenus(*) du 1 % le plus riche et le 90 % le moins
riche avant et après impôts au Québec, base 100 en 1982, 19822011
Source : Statistique Canada, tableau CANSIM 204-0002.
*
( )
Les revenus ont été ajustés à l’IPC.
C
e graphique présente une histoire de salaires. Comme dans la plupart des pays développés, les revenus de la grande
majorité des travailleurs ont stagné; leur rapport de force s’est affaibli lors des négociations salariales (individuelles ou
collectives), sous l’effet (à différents degrés) de la mondialisation du commerce (augmentation de la concurrence), des nombreuses innovations technologiques (nécessitant moins de travailleurs), du recul de l’État-providence (renforçant la dépendance des revenus des individus au marché du travail), des politiques monétaires priorisant la lutte à l’inflation (parfois au
détriment de l’emploi) et de la pression des actionnaires sur les entreprises pour maintenir un niveau élevé de profitabilité à
court terme. Parmi les conséquences de ces phénomènes, notons les nombreuses pertes d’emplois du secteur manufacturier
(souvent bien payé, mais nécessitant peu de qualifications). Inversement, les revenus des mieux nantis ont significativement
augmenté, notamment à cause des bénéfices que procurent la financiarisation de l’économie et le rapport de force favorable
aux dirigeants d’entreprises, aux cadres et à certains professionnels, lors de la négociation de leurs salaires, ce qui peut être
une forme d’extraction de rentes (sans gains de productivité ou avantage économique en échange).
Résultats : de 1982 à 2011, les revenus après impôt du 1 % ont presque doublé, avec une croissance annuelle moyenne
de 2,2 %. En 2011, un revenu avant impôt d’au moins 185 000 $ était nécessaire pour faire partie du premier centile, dont le
revenu moyen s’établit à 375 000 $ (263 000 $ après impôt). Ensemble, ce groupe d’environ 60 000 individus ont capté près
de 12 % de tous les revenus. Pour la même période, le revenu après impôt du 90 % le moins riche a crû de 0,4 % et, sans l’intervention de l’État, il aurait même légèrement reculé. En 2011, un revenu avant impôt inférieur à 72 000 $ était nécessaire
pour faire partie de ce groupe, dont le revenu moyen s’établit à 22 000 $ (25 000 $ après impôt). Ensemble, ces 5,6 millions
d’individus ont capté 61 % de tous les revenus.
Les nombreuses baisses d’impôts des trois dernières décennies permettent d’expliquer pourquoi les revenus après
impôts des deux groupes se sont proportionnellement améliorés davantage que leurs revenus marchands. Ces statistiques
ne prennent toutefois pas en compte les changements des services publics fournis à la population ni la hausse des taxes et
tarifs, beaucoup plus régressifs que l’impôt sur le revenu. Étant donné la croissance économique atone et l’état des finances
publiques, cet enjeu gagne à se trouver au cœur de la présente campagne électorale.
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