2 ème partie Recherche et enseignement supérieur

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Daniel PAUL
Député de Seine-Maritime
Loi de finances pour 2012 – 2ème partie
Recherche et enseignement supérieur
mercredi 2 novembre 2011 – 1ère séance
Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la recherche
industrielle
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est devenu banal
d’évoquer le triptyque prétendument magique que constitueraient la recherche, l’innovation et
le développement économique. Je dis bien « prétendument » car l’articulation entre ces trois
éléments n’échappe pas aux stratégies des entreprises, elles-mêmes étroitement dépendantes
d’objectifs financiers, en particulier ceux des grands groupes. Elle n’échappe pas non plus à
votre logique qui consiste faire des cadeaux financiers aux entreprises, sous toutes les formes
possibles, au prétexte d’améliorer leur compétitivité.
En mars 2002, les quinze États membres de l’Union européenne décidaient de faire de
l’Union, selon une formule désormais bien connue, « l’économie de la connaissance la plus
compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance
économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi
et d’une plus grande cohésion sociale ».
L’objectif concret était d’atteindre 3 % du PIB pour les activités de recherche et
développement en 2012. Pour cela, vous avez fait le choix de « booster » une niche fiscale, le
crédit d’impôt recherche. Ainsi, au début du quinquennat actuel, vous l’avez modifié de façon
extrêmement favorable aux grands groupes, le transformant en l’une des principales niches
fiscales de notre pays. Au même moment, vous mettiez en place d’autres dispositions
favorables au patronat et aux plus riches du pays, comme le bouclier fiscal.
Près de dix ans ont passé. Qu’en est-il de l’effort des entreprises ? Qu’en est-il de l’évolution
des emplois de chercheurs ? Qu’en est-il des outils mis en place par la puissance publique ?
Bref, l’objectif de Lisbonne a-t-il été atteint ?
Tous les rapports le disent : nous en sommes loin. En 2009, Mme Pécresse parlait de 2,21 %
mais c’était en intégrant le crédit d’impôt recherche. En fait, l’effort moyen des entreprises se
situe aux alentours de 1,3 %, loin de ce qui serait nécessaire.
Si, selon le rapport de 2010 de l’inspection générale des finances, la France est le premier
pays de l’OCDE pour le niveau des aides fiscales et publiques apportées à la recherche et
développement des entreprises, elle souffre d’un trop faible niveau des dépenses privées.
En quelques années, le crédit d’impôt recherche a explosé. Toutefois, il continue d’être
attribué sans contrôle réel, demeure exposé aux risques d’optimisation fiscale et
s’accompagne d’insuffisantes embauches de jeunes chercheurs et de doctorants. Comment
accepter qu’il puisse être considéré comme un moyen de réduire l’impôt sur les sociétés ou
même, comme vous nous l’avez indiqué en commission, monsieur le ministre, comme un
moyen de relocaliser en France des laboratoires – souvent sans lien réel avec les nécessités de
production dans notre pays – à la faveur d’un pur effet d’aubaine mis en évidence dans tous
les rapports ?
Je rappellerai ici la nécessité, non pas de supprimer le crédit d’impôt recherche, mais de
mettre un terme aux dysfonctionnements que je viens d’évoquer et d’orienter l’effort en
priorité vers les PME et PMI. Il convient de développer leurs efforts de recherche tout en
favorisant l’embauche de jeunes scientifiques dont la grande majorité erre de contrat en
contrat dans une précarité inacceptable. Mais sans doute cette précarité va-t-elle, pour vous,
de pair avec la concurrence que vous voulez instituer dans l’ensemble de la société ? À cet
égard, j’insiste sur la nécessité, comme le font les organisations syndicales, de bien lier la
recherche, l’innovation et la production à l’heure où certains résultats de recherches et
d’innovations ayant bénéficié du crédit d’impôt recherche donnent lieu à des délocalisations
de production.
Quant aux pôles de compétitivité, il convient de démocratiser leur fonctionnement, de
favoriser leur mise en réseau et de les transformer en pôles de développement.
Enfin, comment ne pas évoquer la question de l’Agence nationale de la recherche, qui n’a ni
conseil ni commission scientifique, mais des comités d’évaluation dont les membres sont
nommés sans contrôle des élus et soumis aux volontés gouvernementales ?
Monsieur le ministre, le libéralisme ne considère la recherche que comme occasion de
développements profitables, synonymes de mises sur le marché, de brevets, d’avantages
compétitifs. C’est la colonne vertébrale de votre politique. Vous comprendrez que nous ne
l’acceptions pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
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