PETITE HISTOIRE DES THÉORIES DU MANAGEMENT Par Fabien De Geuser – Illustrations de Flying Rogers PETITE HISTOIRE DU MANAGEMENT EN QUATRE TEMPS PRÉAMBULE On n’a jamais autant publié de livres sur le management qu’aujourd’hui. Pourtant on s’aperçoit que des théories et des modèles décrits il y a presque un siècle font encore largement autorité dans les entreprises. Par Fabien DE GEUSER, ESCP Europe Anatole France disait « En histoire, il faut se résoudre à beaucoup ignorer ». En management aussi ! Mais la remise en cause des modèles de direction d’entreprise et de gestion des hommes dans un monde en plein bouleversement impose d’avoir les idées claires. Le management, en tant que discipline, est encore bien Et vous, voici combien de temps que vous n’avez pas ouvert les ouvrages clés de Taylor, Porter, Drucker ou Max Weber ? Vous souvenez-vous encore des apports de Mc Gregor, Simon, March ou Beck ? Et ces livres de management tous neufs qui trônent dans votre bibliothèque, avez-vous eu le loisir de les parcourir en profondeur ? histoire. Nous non plus ! Prisonniers du quotidien et passionnés d’actualité, nous n’avions pas révisé depuis longtemps les fondamentaux du management et avions peine à nous y référer. Alors nous avons demandé à Fabien De Geuser, un enseignant-chercheur de talent qui exerce notamment à ESCP Europe, de nous préparer cette petite histoire des théories du management. Le dessinateur Flying Rogers y apporte sa plume originale et acérée. fondateur du management scientifique, ensuite l’apogée du jeune par rapport à d’autres corps académiques comme les mathématiques, la médecine ou la philosophie, et les historiens commencent à peine à analyser son parcours. Il n’existe donc pas de structure communément acceptée pour raconter cette Nous avons choisi de l’organiser en quatre temps, suivant ainsi la préconisation de l’historien Daniel Wren (2004), mais en adaptant les trois derniers moments des travaux de Kiechel (2012). On abordera le temps pré-managérial, puis l’épisode managérialisme, et enfin l’époque actuelle qui est un moment Le patron de droit divin, un modèle qui a fait son temps… de remise en question. Fabien DE GEUSER SOMMAIRE Bonne lecture ! 4 L’ère pré-managériale : l’apparition du manager et les nouvelles bases de sa légitimité 6 L’ère de l’exactitude scientifique et de l’élitisme managérial 8 L’apogée du managérialisme et du management comme système 12 La crise du management Fabien De Geuser est Professeur Associé au sein du département Contrôle et Pilotage des Organisations du campus Paris d’ESCP Europe. Il est titulaire d’un Doctorat ès Sciences de gestion obtenu en 2006 à HEC Paris sur le sujet « Travail du manager et ergonomie des instruments de gestion ». Il est en outre diplômé de HEC Paris, d’un DEA de sociologie de l’université Paris IX Dauphine et d’un DESS d’ergonomie de l’Université Paris I La Sorbonne. 10 Bibliographie 1 L’ÈRE PRÉ-MANAGÉRIALE : L’APPARITION DU MANAGER ET LES NOUVELLES BASES DE SA LÉGITIMITÉ Dater l’origine du management semble impossible. On trouve des codes de gestion extrêmement anciens. Un des plus célèbres est celui d’Amourabi (1800 av. J.-C.) ou encore l’Economique de Xenophon (362 av. J.-C.). Sun Tsu (500 av. J.-C.), Machiavel (XVIème), ou Adam Smith et sa fabrique d’aiguilles sont également souvent cités en arrièreplan historique. Cependant, nombreux sont les historiens du management qui mettent en lumière le rôle central de Max Weber et de Henri Fayol dans la fondation des sciences de gestion. LA LÉGITIMITÉ DE L’ORDRE COMME OBJET DE MANAGEMENT : MAX WEBER Max Weber (1864-1920), sociologue allemand connu notamment pour son livre « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme », s’est intéressé en particulier à ce qui rend acceptable un ordre de la part d’une personne envers d’autres. Il en tire une structure théorique pour la notion de commandement en distinguant trois sources à la légitimité d’un ordre : la tradition, le charisme et, ce qu’il appelle le rationnel-légal, c’est-à-dire le fait que cet ordre s’appuie sur un raisonnement explicite et une référence à des règles, voire des lois. Cette légitimité rationnelle-légale, prônée par Weber, fonde l’organisation dite bureaucratique qui constituera alors l’idéal type à viser pour garantir l’efficacité, selon Weber. Ce faisant, Weber inscrit le management à la rencontre entre l’analyse rationnelle et la construction de règles. 4 PETITE HISTOIRE DES THÉORIES DU MANAGEMENT L’APPARITION DU MANAGER : HENRI FAYOL Henri Fayol (1841-1925), lui, va se concentrer sur le dirigeant et sur la structure des entreprises. Il est une des rares références françaises dans l’histoire du management, ce qui a d’ailleurs ralenti sa diffusion dans un monde majoritairement angloaméricain. Pourtant son apport est essentiel. En effet, Fayol, s’appuyant sur son expérience de dirigeant d’un groupe d’entreprises minières, publie en 1916 L’administration industrielle et générale. Dans ce livre, il expose la spécificité du rôle du manager (qu’il appelle administrateur) par différence avec les autres fonctions de l’entreprise (production, commerciale,…). Puis Fayol suggère que ce rôle d’administrateur se décompose en 5 dimensions : Prévoir, Organiser, Commander, Coordonner et Contrôler. C’est le célèbre POCCC, qui sera continuellement repris par la suite pour caractériser le travail du manager. Fayol complète l’apport de Weber en mettant en lumière le rôle spécifique du manager, et justifie alors la nécessité de lui apporter des méthodes et des outils spécifiques. C’est la tâche à laquelle vont s’atteler les tenants du management scientifique. LES 10 PRINCIPES DU FONCTIONNEMENT BUREAUCRATIQUE SELON MAX WEBER : 1 Les individus sont soumis à une autorité uniquement dans le cadre de leurs obligations impersonnelles officielles 2 Les individus sont répartis dans une hiérarchie d’emplois clairement définie 3 Chaque emploi a une sphère de compétences clairement définie 4 L’emploi est occupé sur la base d’un contrat 5 Le recrutement se fait sur la base des compétences (diplômes et/ou expérience) 6 La rémunération est fixe, en fonction du grade hiérarchique 7 L’emploi est la seule occupation du titulaire 8 Logique de carrière : la promotion dépend de l’ancienneté et de l’appréciation des supérieurs hiérarchiques 9 Les individus ne sont pas propriétaires de leur outil de production 10 Les individus sont soumis à un contrôle strict et systématique dans leur travail POCCC : LES ÉLÉMENTS D’ADMINISTRATION SELON FAYOL PRÉVOIR Imaginer l’avenir et le préparer par un « programme d’actions » ORGANISER Munir l’entreprise de tout ce qui est utile à son fonctionnement COMMANDER Faire fonctionner le corps social COORDONNER Mettre l’harmonie entre tous les actes de l’entreprise CONTRÔLER Vérifier que tout se passe conformément au programme d’actions, aux ordres donnés et aux principes admis. Signaler les fautes et les erreurs afin qu’on puisse les réparer et éviter leur répétition L’ÉCOLE DES RELATIONS HUMAINES : MOTIVATION ET RECONNAISSANCE AU SERVICE DE LA PRODUCTIVITÉ TAYLORIENNE Le management, ça se modèlise ! 2 L’ÈRE DE L’EXACTITUDE SCIENTIFIQUE ET DE L’ÉLITISME MANAGÉRIAL TAYLOR ET LE MANAGEMENT SCIENTIFIQUE Le management « scientifique », par opposition à une sorte d’amateurisme qui aurait caractérisé l’ère prémanageriale, vise avant tout à augmenter la productivité à travers une étude systématique des pratiques, et grâce à l’application de démarches rigoureuses ou « scientifiques ». Frederick Taylor (1856-1915) en est le représentant le plus connu, grâce en particulier à des livres comme les Principes du Management Scientifique (1911). L’approche taylorienne, par sa perspective « scientifique » et objectivante, avait eu tendance à négliger les dimensions psychologiques de la motivation au travail, réduisant souvent celle-ci au simple jeu de la carotte et du bâton. Les expériences dites Hawthorne, réalisées par des chercheurs de Harvard entre 1924 et 1932 dans une usine de Western Electric et continuées par les travaux de Elton Mayo vont réintroduire cette dimension dans les sources de productivité. Durant ces expériences, les chercheurs ont modifié les conditions de travail (la luminosité en particulier) et les systèmes incitatifs des ouvrières pour observer l’impact sur la productivité (Roethlisberger et Dickson, 1939). L’objectif est de trouver, puis d’imposer, la meilleure manière de travailler (« one best way »). Taylor et ses disciples (parmi lesquels les époux Gilbreth, Henry L.Gantt et ses célèbres diagrammes permettant de suivre l’avancée des projets,…) vont pour cela s’appuyer sur la décomposition des actions en unités de base, et chercher à en optimiser les conditions de réalisation tout en proposant les systèmes incitatifs les plus adaptés. La productivité sera alors fonction de la « scientificisation » des analyses managériales. Taylor est souvent considéré comme le fondateur de toutes les démarches managériales, et la plupart des outils et des pratiques actuelles se réfèrent encore à lui, souvent pour s’en distancer. Faire la lumière sur la productivité 6 PETITE HISTOIRE DES THÉORIES DU MANAGEMENT Curieusement, cette productivité augmentait même quand la luminosité se dégradait. Et elle s’améliorait même chez les ouvrières qui ne faisaient pas partie de l’expérience. Les raisons en étaient que les ouvrières étudiées s’étaient senties valorisées par le fait d’être observées, écoutées et consultées par des chercheurs. En outre, elles avaient été souvent rassemblées par ces derniers et avaient alors constitué un collectif. Tout cela avait stimulé leur motivation et renforcé leur productivité. Ces expériences ont ouvert la voie aux pratiques de reconnaissance des individus au travail et de motivation, souvent appelées école des Relations Humaines. L’ÉLITISME MANAGÉRIAL ET LA TAYLORISATION Cependant, Taylor et l’école des Relations Humaines partagent une attitude « élitiste » d’un management qui doit être entièrement décideur. Les collaborateurs doivent être « écoutés » chez Taylor, « reconnus » par l’école des Relations Humaines mais pour autant cela n’implique en rien un système participatif qui concernerait les décisions. Ce modèle institutionnalise une sorte d’infantilisation des employés (par exemple : les ouvrières sont continuellement appelées « the girls » dans les études de Hawthorne) dont la tâche sera de réaliser exactement ce qui leur sera demandé par des managers éclairés scientifiquement, et dont la légitimité ne pourra être discutée. D’autre part, ce management est totalement tourné vers l’intérieur de l’organisation, et oublie l’environnement. LE DÉVELOPPEMENT DE LA PENSÉE STRATÉGIQUE 3 En attendant la génération Z ? L’APOGÉE DU MANAGÉRIALISME ET DU MANAGEMENT COMME SYSTÈME A partir de la deuxième guerre mondiale, le management va se transformer et adopter une approche systémique, c’est-à-dire conçue comme un ensemble de relations entre des éléments dont il faudra comprendre les sources d’équilibre. Ce système est d’abord social, mais il est aussi ouvert sur l’environnement. DRUCKER ET LE MANAGEMENT HUMANISTE Le chercheur incarnant peut être le mieux cette approche est Peter Drucker (1909-2005). A travers des livres comme Concept of the Corporation (1946), The Practice of Management (1954) et Managing for Results (1964), Drucker, a amené le management à considérer chacun comme un potentiel de créativité (et non pas seulement une force de travail à motiver et à surveiller), et donc l’organisation comme un ensemble d’individualités à respecter. Ceci suppose que le rôle du manager soit d’équilibrer toutes ces individualités qui ne partagent pas toutes les mêmes objectifs. 8 PETITE HISTOIRE DES THÉORIES DU MANAGEMENT Le conflit devient alors inhérent au travail de management, de même que la négociation. Drucker reprend en cela les conclusions de Mary Parker Follett qui préconisait de passer d’un « power over » à un « power with », et ouvre la voie à des apports de psychologie et de sociologie humaniste par opposition aux conceptions instrumentalisantes de Taylor et de l’école des Relations Humaines. Cette conception constituera un changement paradigmatique pour le management, résumé par la célèbre opposition, faite par McGregor (1960), entre une théorie dite « X », où l’homme est considéré comme paresseux et stupide, et une théorie « Y » où l’homme souhaite contribuer si l’organisation du travail lui en donne les moyens. De là vont découler les études sur la décentralisation, la responsabilisation, l’empowerment, mais aussi sur la fixation des objectifs par la négociation, la budgétisation,…. qui permettent, selon Drucker et ses disciples, de mobiliser le potentiel des individus. Mais le management ne peut pas rester tourné que vers l’intérieur. Le système doit s’ouvrir à son environnement. La deuxième guerre mondiale a diffusé l’idée de la stratégie, et celle-ci va incarner la relation que les organisations doivent construire avec le monde qui les entoure, et en particulier vis à vis des concurrents et des clients. Avant de se formaliser en stratégie, la réflexion managériale sur la relation que l’organisation doit avoir avec son milieu avait pris la forme de ce que les théoriciens avaient appelé la contingence. Il s’agissait d’adapter l’organisation (ses pratiques, ses structures,…) à l’environnement concurrentiel, à son âge, à sa technologie… Mais ceci confinait le management à un rôle passif : suivre ce que prescrivait l’environnement. Les années 60 remettent l’action managériale au cœur de la relation entre l’organisation et son environnement en ouvrant l’ère de la décision et de la stratégie. Grâce, en particulier, à l’influence des grands cabinets de stratégie, le BCG (Boston Consulting Group) en tête, vont apparaitre et se systématiser les grilles d’analyses du portefeuille de produits, de la gestion de la diversification, de la courbe d’apprentissage…, appuyées souvent sur les grilles SWOT développées avant guerre. Le marketing se renforce conceptuellement et s’incarne dans le célèbre Marketing Mix, souvent attribué à Philip Kotler (1971). Les 4 P (Produit, Prix, Place et Promotion) offrent une manière élégante et structurée de réfléchir à la relation entre l’entreprise et ses clients. Le temps est à la planification stratégique, symbole d’un management imposant son ordre au monde. Michael Porter viendra alors formaliser les grilles d’analyse stratégique grâce aux notions de chaîne de la valeur, d’avantage concurrentiel durable et de stratégies génériques. LES 5 FORCES DE PORTER Selon Porter, cinq forces déterminent la structure concurrentielle d’une entreprise : POUVOIR DE NÉGOCIATION DES CLIENTS POUVOIR DE NÉGOCIATION DES FOURNISSEURS, MENACE DES PRODUITS OU SERVICES DE SUBSTITUTION, MENACE D’ENTRANTS POTENTIELS SUR LE MARCHÉ, INTENSITÉ DE LA RIVALITÉ ENTRE LES CONCURRENTS. t e de la triple bottom line des entreprises. Mais, en parallèle, une partie prenante particulière occupe de plus en plus les préoccupations managériales : la finance. Le management se financiarise autour de la culture P&L, la notion de création de valeur, le renforcement des fonctions financières et la multiplication des reportings, suivis budgétaires,… qui imposent une financiarisation du langage managerial et parfois un court-termisme discutable. LA MOBILISATION DES SUBJECTIVITÉS ET LE DÉVELOPPEMENT PARALLÈLE DU LEADERSHIP La tête de l’emploi ? 4 LA CRISE DU MANAGEMENT La période précédente est celle d’un management humaniste et prométhéen, sûr de lui, conquérant. Mais les années 80 vont marquer un renversement et le management va entrer en crise. 10 LA FIN DES CERTITUDES ET LE MANAGEMENT DE L’INCERTITUDE allocations de ressources et les décisions à long terme. Par ailleurs, les consommateurs des sociétés occidentales ont souvent atteint un état de satiété, et leurs goûts deviennent alors beaucoup plus fluctuants. Enfin, les aspirations démocratiques sont toujours plus présentes, et les attentes individuelles face au travail de plus en plus variées. Dans ce nouveau monde, le management doit se réinventer. La thèse de Simon (1947) sur la rationalité limitée se diffuse en management et met en lumière l’impossibilité pour les individus à traiter l’infinité d’informations engendrées par les situations de gestion. A cela s’ajoute l’accélération des changements technologiques et sociétaux qui rend particulièrement difficile l’anticipation, et donc les La complexité croissante du monde auquel doit faire face le manager s’explique en particulier par l’explosion du nombre de parties prenantes qu’il entend servir : clients, fournisseurs, collaborateurs, société… Les outils liés au suivi de ces parties prenantes se multiplient depuis les années 2000, en particulier autour des réflexions sur la RSE ou PETITE HISTOIRE DES THÉORIES DU MANAGEMENT Face à l’imprédictibilité, le management se doit de mobiliser davantage les subjectivités pour profiter des capacités d’innovation et d’adaptation des personnes dans un monde où les procédures ne suffisent plus. Il s’agit alors de trouver dans ses collaborateurs les ressources pour créer un avantage concurrentiel : c’est l’approche dite Ressource based view of the firm, Wernerfelt, 1984). Puis il faut mobiliser ces collaborateurs, plus divers, plus résistants aux règles, et plus contestataires. Pour cela, apparait en particulier le phénomène du leadership (Bennis, 1989) comme capacité à pleinement faire adhérer les personnes à un projet collectif. Ce nouveau mode de management en appelle toujours davantage à un registre affectif. Le manager est devenu psychologue et séducteur. Mais, dans le même temps, ce nouveau managerleader porte le risque de l’endoctrinement et de la manipulation. Il convient donc de prévenir les dérives par le rappel de l’éthique et par les codes de comportement ainsi que par l’appel au « whistleblowing » pour construire les garde-fous d’un management basé sur le soft power. LE MANAGEMENT DE L’INFORMATION, OU KNOWLEDGE MANAGEMENT La rationalité limitée des acteurs couplée à la multiplication de l’information fait apparaitre la nécessité de développer des outils permettant de donner sens à cette information, en plus de la collecter et de l’analyser. Ce sont les deux aspects du Knowledge Management : collecter et analyser. Les systèmes de collecte et de mise à disposition de l’information se multiplient depuis les années 80 grâce en particulier au déploiement des ERP et maintenant aux outils de type Big Data. Les approches basées sur la modélisation (Balanced Scorecard en 1995 ou plus récemment le Business Model Generation de Osterwalder et Pigneur, 2011) répondent à ce désarroi cognitif des managers face au flux inarrêtable d’information. INNOVATION ET APPRENTISSAGE : EXPLORATION ET EXPLOITATION Ces managers, maintenant mobilisés subjectivement, informés et sensibles aux intérêts des différentes parties prenantes, pourront alors s’engager dans une course à l’innovation tout en garantissant la durabilité de leur organisation. Le management devient ambidextre (Tuschman et O’reilly, 1996) reprenant l’injonction paradoxale formulée par James March (1991) : à la fois explorer et exploiter. Et pour maintenir cette ambidextérité, les organisations doivent devenir apprenantes depuis les années 90. On va même jusqu’à créer des CLO : Chief Learning Officers. C’est aussi l’ère des partages d’expériences, des communautés de pratiques ou du benchmarking, dans lesquels on vient puiser inspiration et créativité. LA PEUR ET LA SOCIÉTÉ DU RISQUE Ce management de l’incertitude est aussi entré dans la société du risque (Beck, 2001). Risque externes mais aussi risques internes. Les enjeux peuvent êtres énormes, et l’anxiété ou le stress deviennent alors des éléments structurants du management. Se sont donc développées des méthodes de cartographie des risques (COSO), des fonctions spécialisées (contrôle interne), des mesures (RAROCE), des formes de couverture,… Mais dans le même temps, la peur des conséquences du risque, et la fatigue mentale qu’elle induit, pousse à un repli sur le mimétisme. Le risk management devient risqué lui-même !! BIBLIOGRAPHIE Beck U. (2001), La Société du risque, Aubier, Paris, pp521 Bennis, W. (1989) On becoming a leader, New York, Addison Wesley Drucker P. (1946, 1993), Concept of the Corporation, Translation Publishers, 329p. Drucker P. (1954, 2006), The Practice of Management, Harper Business, 416p. Drucker P. (1964, 2006), Managing for Results, Harper Business, 256p. Fayol H. (1916, 1999), L’administration industrielle et générale, Dunod, Paris Kiechel W. (2012), The management century, Harvard Business Review, Nov., 16p. Kotler P. (1971), Marketing Management, CLM-Publi Union March J. (1991), Exploration and Exploitation in Organizational Learning, Organization Science, 2 :1, pp. 71–87. McGregor, D. (1960). The Human Side of Enterprise, New York, McGrawHill. Osterwalder A. et Pigneur Y. (2011), Business Model Generation, Pearson, Paris Roethlisberger, F. & Dickson, W. (1939) Management and the worker. Harvard University Press, Cambridge, MA. Simon H. (1947), Administrative Behavior, Macmillan, New York Tushman, M. et O’Reilly C. (1996), Ambidextrous Organizations: Managing Evolutionary and Revolutionary Change. California Management Review 38 :4 pp.8–30. Wernerfelt, B. (1984), The Resource-Based View of the Firm, Strategic Management Journal; 5, (2), pp. 171–180. Comment manager les risques du manager ? Pour conclure, l’histoire du management est toujours en construction. On aurait pu évoquer de nombreux autres outils - et il s’en invente continuellement. La discipline est bien vivante. La conscience de son histoire en constitue sûrement une condition. Le danger serait que de nombreux managers ignorent l’histoire de leurs outils ou de leurs concepts. Il serait désolant que le management devienne une discipline sans histoire. Car cela voudrait probablement dire qu’elle serait devenue une discipline sans futur… 12 PETITE HISTOIRE DES THÉORIES DU MANAGEMENT Wren, D. (2004) The Evolution of Management Thought. New York, NY: John Wiley & Sons managerattitude.fr Immeuble Columbus 178-180 boulevard Gabriel Péri 92245 Malakoff cedex Tél. : 01 74 31 75 00 © Edenred. 2015, tous droits réservés. Flying Rogers est représenté par Argos Ltd.