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Sociologie des organisations1
Problématiques contemporaines
Sommaire
Introduction : définition de l’organisation
I – Les rationalistes
Weber – Taylor – Fayol
II – L’école des « Ressources humaines »
Mayo – Maslow
III – Les fonctionnalistes et structuralistes
Merton - Parsons
IV – Les systémiques
V – Les analystes stratégiques
Crozier - Sainsaulieu - Schumann
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La sociologie des organisations – initiation Philippe Bernoux
Deux définitions de l’organisation :
 L’organisation processus : fin 19°, début 20°. L’action d’organiser : procédé plus ou
moins volontaire consistant à mettre de l’ordre dans une situation en désordre. Cela fait
appel à la notion de techniques d’organisation ayant pour objectif d’aider des responsables
à organiser de manière à rationaliser2 leur structure. La rationalisation va transformer
profondément la société à tous les niveaux. A partir des années 60 apparaît le concept des
« organisations entités » (assimilées juridiquement à une personne morale). Cette notion
d’organisation rationnelle, formalisée et théorisée au 20° siècle3, avait déjà été abordée par
Platon. Les premières recommandations systématiques vont être formulées sur la
meilleure façon de gérer une organisation.
 Origine de la notion d’organisation : au 18°s. la notion « entité » remplit deux rôles
historiques.
Premier constat : la vie des sociétés modernes s’articulent autour de grands ensembles au
sein desquels les individus passent l’essentiel de leur vie (ex. : organisation école,
entreprise, hôpital…).
Deuxième constat : dans toutes les sociétés les entités administratives ont des
caractéristiques communes avec des objectifs communs quel que soit leur travail
spécifique. Au 20°s., les penseurs vont chercher à comprendre la notion d’organisation
dans la société dans son ensemble (les réalités sociales, économiques) ; cette notion va
constituer une réponse aux questions posées par les nouveaux dirigeants des entreprises.
La croissance des entreprises est de plus en plus importantes (en taille) et les échelons
vont se multiplier entre le patron et ses employés : recherche de nouvelles techniques de
gestion4.
L’esprit rationnel apparaît en France avec le capitalisme (20°s.)
théorie de la main invisible d’Adam Smith (18°s)
4 F. Taylor en 1911 sur la division du travail (1856-1915)
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I - Les rationalistes (Weber, Taylor, Fayol)
A - L’organisation selon Max Weber :
Max Weber a le premier étudié la notion d’organisation5. Au 19°s. il a introduit la notion de
rationalisation dans les sociétés modernes. Selon lui le monde occidental est marqué par un
changement de type de pensées dites rationnelles, et un changement de type d’actions et le
développement d’un type d’organisation particulier : la bureaucratie. Pour Weber, la
sociologie est la recherche du sens que l’acteur donne à son action. L’individu oriente
son action par rapport aux autres et peut être moteur du changement de la société.
Il existe deux types d’actions :
 les actions rationnelles par rapport aux valeurs
 les actions rationnelles par rapport aux buts : qui sont les plus fréquentes dans les
organisations. Les actions sont faites en fonction des objectifs de l’organisation et elles
doivent être légitimées. C’est à dire que l’individu doit croire en la validité du pouvoir de
leur chef (domination légale). Le meilleur exemple d’organisation rationnelle d’après
Weber est la bureaucratie. Ses caractéristiques : a) l’individu n’est pas propriétaire de sa
fonction et ne peut donc pas la transmettre (contrairement à la domination traditionnelle
ou le roi peut transmettre son pouvoir à son fils) ; b) la bureaucratie fonctionne selon des
règles et refuse de traiter tous cas comme un cas particulier ; c) les postes sont définis de
manière très rigoureuse ; d) aux postes correspond une description des fonctions et
compétences ; e) organisation hiérarchique ; f) la bureaucratie emploie des fonctionnaires,
c’est à dire des spécialistes d’un domaine à plein temps.
Bureaucratie, légitimité et organisation sont pour Weber les trois concepts qui
expliquent le développement des sociétés industrialisées : à partir de là est née la notion
de sociologie des organisations qui va être une conceptualisation d’un système qui va
rattacher la structure de ce système à une certaine vision du monde et à un système de
valeurs.
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Selon E. Durkheim, fondateur de la sociologie française, la société est prédéterminée : le holisme
3
B - L’organisation selon Ford Taylor :
Ouvrier puis ingénieur autodidacte. Il étudie les organisations industrielles. Il va chercher à
comprendre la prévisibilité obtenue par la standardisation du travail (prévention des
conflits par les tâches définies précisément). Il introduit dans les activités d’exécution de
l’entreprise un modèle rationnalisateur. C’est le « scientific management ». Il revendique
une division « inhumaine » du travail qui à terme ferait éclater la communauté de
l’entreprise ; il est justement controversé. Il pose le principe de l’étude préalable des tâches et
principalement celles de l’ouvrier professionnel de métier. Ce dernier établissait lui-même ses
tâches, ce qui lui donnait une situation de pouvoir, ce qui posait des obstacles à une
production de masse (développée plus tard avec les travailleurs immigrés sans qualification
qui amènera le travail à la chaîne). Taylor veut créer une science du travail et une organisation
scientifique des ateliers. Il classifie et organise les pratiques afin d’imaginer une stratégie de
rentabilité de son entreprise (il est ingénieur). Il cherche également à supprimer les sources
de conflits entre employeurs et salariés dans l’entreprise (relativement à son passage
douloureux d’ouvrier à ingénieur). Pour cela il utilise le concept de science. Il évacue la
notion de pouvoir , de domination et de légitimité (Taylor ignore tout de la sociologie, du
sens qu’un individu donne à son action). Le salaire est la seule source de légitimité qui sera
celle de l’entreprise. La réussite de l’entreprise associée au concept de science doit assurer la
paix sociale et la motivation des individus au travail, du fait aussi que les individus vont voir
leur salaire augmenter en fonction de la réussite de l’entreprise6.
Pour Taylor et Fayol, on parle d’organisation formelle de l’entreprise, la rationalisation
des décisions, la centralisation et la décentralisation : le développement rationnel de la
structure. C’est à dire les relations officielles et prescrites que vont avoir les membres entre
eux de l’organisation. Les relations sont fondées sur la notion de mécanismes de
fonctionnement.
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Voir l’étude menée par Henri Fayol sur la rationalisation du travail en France à partir de la théorie de Taylor.
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II - Relations humaines (Mayo – Maslow)
A - L’organisation selon Elton Mayo début 20°s. :
Apparition du facteur humain dans les études sur les organisations. Premières expériences
sur la Western Electric Hawthorne (sur les éclairages des ateliers : les ouvrières sont soumises
à différentes intensités d’éclairage et on observe comment elles répondent à ces changements ;
ce groupe va en fait chercher à répondre à la demande de l’observateur. Ce comportement ne
va pas répondre à des changements extérieurs (en l’occurrence l’éclairage) mais à des
relations internes au groupe, qui va donc influencer la productivité individuelle des
ouvrières. Les interviews effectués après va constater le désir d’enracinement de chaque
ouvrière à sa fonction. S’il n’y a pas de désir ou intérêt, il va donc y avoir frustration qui
déséquilibrera les rapports au sein du groupe. Apparaît la notion d’interdépendance à
l’intérieur d’une entreprise : la fonction de toute entreprise est double : l’objectif de
production et celui de répondre à l’intérêt individuel. Ne pas tenir compte de cette
interdépendance c’est aller à l’échec.
Lorsqu’il y a projet d’innovations techniques, du fait de cette interdépendance :
a) étudier les réactions prévisibles des ouvriers ;
b) prévoir les problèmes de relations interpersonnelles dans les groupes ;
c) donner les explications à tous les échelons de la société.
Cette théorie n’a pas été exploitée sur le terrain. L’école de relations humaines se caractérise
dans un effort de connaissance du groupe pour mieux rationaliser sa conduite, mais le groupe
n’est pas considéré comme autonome.
Elton Mayo et ses disciples de l’école de relations humaines vont être les premiers à étudier
l’organisation comme un système social. En opposition au taylorisme, c’est un système
d’activités individuelles au sein de relations sociales privilégiées. Ils font ressortir
différents types de comportements à l’intérieur de l’entreprise : ceux des cadres et ceux des
ouvriers. Apparaît la notion de logique : le raisonnement des cadres est logique celui des
ouvriers ne l’est pas. Logique = coût et efficacité. Non logique = parce que les relations entre
les ouvriers relèvent de sentiments. Critique : la logique et la rationalisation ne sont pas
forcément du côté des cadres et cela exclue le facteur humain chez les cadres. L’expérience à
la Western Electric démontre qu’il n’y a pas de prises en compte de l’environnement social.
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B - L’organisation selon Maslow (années 50-60) : psychosociologue
La théorie des motivations et des besoins a eu un impact important sur les organisateurs et
les promoteurs d’une nouvelle forme d’organisation du travail. Introduction de la redéfinition
des tâches en répondant aux besoins des individus et non plus seulement à ceux des cadres
et équipes managériales. Motivation plus grande pour l’individu afin qu’il s’intègre au mieux
au monde de l’entreprise.
Pour Maslow, les besoins sont inhérents à l’individu et s’impose à lui de manière
contraignante et sont d’origine instinctive et sociale. Les besoins sont aussi hiérarchisés ; ils
engendrent des motivations traduit par la pyramide des besoins :
Les besoins
Leur traduction en termes sociaux
la réalisation de soi
accomplissement
sociale de soi par le métier,
estime
compétence, prestige social
appartenance
classe sociale, syndicats…
sécurité
emploi, sécurité sociale
organiques
revenus, salaires
Cette hiérarchisation nous permet de nous interroger sur les besoins sociaux : l’être humain
est une unité. Pour Maslow, un enfant qui ne répond pas à tous ses besoins aura des difficultés
à se développer, d’où sa théorie pyramidale.
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III - L’organisation selon les modèles fonctionnalistes et structuralistes
A - Robert King Merton7 et T. Parsons8
Cette théorie s’est construite en critiquant point par point tous les autres concepts. La théorie
des besoins et des motivations ne prend pas en compte la relation de l’individu à
l’organisation, elle oublie la notion de rôles de fonction et d’intégration. Ce courant est né
dans les années 50-60 ; il porte sur deux points :
 les conflits d’intérêts entre les acteurs (critique Mayo et Taylor)
 critique la théorie des relations humaines
Pour les fonctionnalistes, tout système a des besoins et ses membres vont ajuster leurs
comportements en conséquence. C’est un système de rôles, de fonction d’ajustement et de
fonctions. La question essentielle des fonctionnalistes c’est la survie de l’organisation.
Trois concepts :
-
fonction manifeste
-
fonction latente
-
dysfonction (rôle du marginal)
Les fonctions manifeste et latente peuvent avoir des objectifs précis mais avec des résultats
imprévus.
Cette théorie ne prend pas en compte la notion des changements sociaux.
Parsons insiste sur le fait que toute organisation impose des normes en relations avec des
valeurs. L’organisation est un système social organisé pour la réalisation de certains buts.
L’organisation se structure en fonction de ses buts à atteindre et elle doit tenir compte que les
individus sont différents. Les fonctions sont liées aux valeurs et systèmes de valeurs. Un
système social est défini par des valeurs, et la connaissance de ces valeurs permet aux
individus ou au groupe d’élaborer un comportement correct en relation avec les attentes des
autres à leur égard réciproquement.
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Sociologue américain
Sociologue américain
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IV - La théorie des systèmes
Les théoriciens des systèmes ne s’intéressent plus aux parties (hiérarchie…) mais aux
interactions et interdépendances que ces parties vont avoir entre elles. La première
représentation est de type organique, sur le modèle du corps humain, qui doit se tenir le plus
possible en état d’équilibre. Chaque partie doit recevoir ce qui lui est nécessaire pour
fonctionner et faire fonctionner les autres parties. Les autres représentations sont des modèles
naturel, mécanique et mathématique et sont fondés sur le principe d’autorégulation. Ce ne
sont plus les objectifs idéaux qui sont primordiaux mais la manière de les atteindre.
Dans le modèle mathématique, toute modification d’un élément entraîne la modification de
tous les autres jusqu’à entraîner une impossibilité de fonctionner. Les 3 modèles organique,
naturel et mécanique renvoient à la notion d’équilibre ; cet équilibre est programmé à
l’avance par l’organisation, les contraintes de l’environnement et l’utilisateur. Les
changements interviennent de façon automatique. Seul le modèle mathématique peut
permettre de comprendre les entreprises.
Un acteur va faire ses choix en fonctions des interactions et interdépendances entre les
parties.
V - L’analyse stratégique
Crozier – Sainsaulieu – Schumann
Représentée dans les années 80 par Michel Crozier. Au départ, il critique Taylor (car pour un
problème il n’y a qu’un chemin possible), la théorie des relations humaines (car cette théorie
aboutit à des comportements se déroulant dans le vide, indépendamment du contexte et des
choix que peuvent faire les individus), et la théorie fonctionnaliste (car les analystes
stratégiques leur reprochent l’aspect rationnel d’une fonction et la conformité des occupants
d’un rôle en fonction des attentes d’un partenaire).
Il pose plusieurs postulats :
 les hommes n’acceptent jamais d’être traités comme des moyens au service des
organisateurs, chacun a ses buts et ses objectifs propres
 l’acteur est libre et autonome dans son interprétation d’un rôle
 les stratégies des acteurs sont toujours rationnelle mais la rationalité va être limitée.
Chacun voit l’organisation sous l’aspect de ses objectifs personnels et va défendre son
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domaine. Son comportement est actif et rationnel mais il se définit en fonction des
opportunités que lui apporte l’organisation (ou le comportement des autres acteurs) que
par rapport à des objectifs ou des projets cohérents.
Il pose trois concepts :
 la notion de pouvoir (au sens de compétences à employer ses ressources)
 d’incertitude : incertitude des interactions entre les acteurs, chacun cache on jeu. La
liberté du joueur est limité par des règles du jeu qui font le système et en définissent les
marques.
 de systèmes d’actions : désigne la manière dont les acteurs vont réguler leurs relations,
les règles qu’il s vont se donner pour faire fonctionner l’organisation et les alliances qu’ils
vont nouer. Renvoie à l’idée de coordination des actions.
Culture, identité et innovation sont les thèmes principaux9 des débats actuels sur la théorie
des organisations.
Dans la construction de l’identité des organisations, on va inclure les notions
psychanalytiques. Sainsaulieu étudie les rapports de pouvoir et de situation de travail avec
les modèles culturels. Les logiques d’acteurs au travail se font dans la reconnaissance de soi,
et à travers la mise en cause des identités individuelles par les contraintes sociales.
La culture en tant que telle pose le problème de l’intégration d’un individu dans
l’organisation. Comment recréer une unité sociale dans une organisation parallèlement à la
rupture actuelle du lien social.
L’innovation, le changement dans les organisations : S. Schumann. Les managers vont
essayer de recréer des nouvelles formes de rapports sociaux, à travers des nouveaux types
de communication. En France, on observe que l’entreprise devient le premier lieu de
sociabilisation (avant c’était l’école après la famille). Les jeux entre les acteurs sont étudiés
comme créateurs de la relation sociale.
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Renault Sainsaulieu : étude de l’impact culture et identité dans l’organisation
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