exposé le type d’analyse que nous mènerons.
Le niveau positionnel (niveau 3) mobilise des explications ayant trait aux positions sociales
des individus telles qu’elles peuvent exister à l’intérieur, mais aussi en dehors, de la situation
expérimentale. Les célèbres expérimentations de Milgram sur la soumission à l’autorité sont
emblématiques de ce niveau d’analyse, bien que l’auteur n’ait jamais précisé exactement quel type
principal d’explication il sollicitait. Mais ce flou interprétatif est aussi l’occasion de souligner
l’intérêt qu’il y a à articuler plusieurs niveaux d’analyse. En effet, Doise rappelle que l’état
agentique étudié au cours de ces expériences suscite chez Milgram différents types d’explications.
Si l’on analyse le passage à l’état agentique comme une interaction marquée par la mise en acte,
de la part d’un sujet, des prescriptions d’un autre individu, la référence aux rapports inter-
individuels et intra-individuels suffit. Cependant, les différentes variantes de l’expérience montrent
que le statut de l’expérimentateur (celui qui ordonne) influe nettement sur le taux d’obéissance.
Une analyse de niveau positionnel est alors nécessaire. Mais il semble aussi que Milgram complète
ses explications par l’évocation de l’idéologie dominante. En l’occurrence, le fait que les sociétés
occidentales fassent de la science un champ de pratiques socialement valorisé et légitimé, peut
expliquer la soumission des sujets à des ordres contraires à la morale. Ceci renvoie au quatrième
niveau d’analyse conceptualisé par Doise : le niveau idéologique (niveau 4). Les travaux de
Milgram, bien sûr, mais aussi ceux de Lerner ou de Deconchy se situent à ce niveau d’explication.
La Croyance en un Monde Juste (Lerner, 1980) illustre très bien un processus idéologique visant à
justifier l’ordre social et ses inégalités. L’auteur expliquera les résultats observés au cours des
expériences sur « la victime innocente » par l’existence chez les gens d’une conviction que le
monde est juste, et que par conséquent les personnes qui souffrent méritent nécessairement leur
sort. Les travaux de ce type, même s’ils ne représentent pas la part essentielle des recherches en
psychologie sociale, révèlent le poids important de facteurs positionnels et idéologiques dans les
phénomènes touchant au thème de l’ordre social. De façon plus générale, il semble que ce type de
facteurs puissent être déterminants dans les processus psychosociaux :
« Pour étudier l’articulation entre le psychologique et le sociologique, il faut précisément introduire dans les modèles
explicatifs des variables préexistant à la situation expérimentale, telles que : rapports de domination et de pouvoir
entre catégories sociales, ou conceptions idéologiques des sujets. » (Doise, 1982, p.26)
Ce bref aperçu des types d’explication proposés par la psychologie sociale à propos du
thème du pouvoir et de l’ordre social n’entend pas refléter une distinction aussi nette dans la
réalité des recherches. La plupart du temps, les travaux font références à plusieurs niveaux
d’analyse simultanément. Cependant il faut noter que certains sont plus fréquents que d’autres.
Doise a ainsi mis en évidence la prévalence d’analyses de type intra-individuel et inter-individuel
dans le paysage psychosocial international, les analyses de niveau positionnel et idéologique y
étant en minorité. Si les analyses faisant appel à l’interaction de différents niveaux sont fréquentes,
les explications de niveaux 3 et 4 ne sont, dans la plupart des cas, sollicitées que « dans la mesure