Dr Frédéric Moulin Cardiologie - CHU de Nancy L’angor est un diagnostic CLINIQUE Le reste de la démarche diagnostique risque d’être particulièrement faussée par une mauvaise ou une non évaluation clinique Le temps fondamental de la clinique est l’INTERROGATOIRE La biologie, l’ECG ou autres examens ne font pas le diagnostic d’angor mais en donnent les niveaux de gravité Angor avec sus décalage du segment ST Angor et troponines positives revascularisation en urgence Infarctus du myocarde Eur Heart J 2002, 23: 1153-76 Prendre le temps de faire préciser au patient les caractéristiques de la douleur Mode de survenue Durée Modalités d’arrêt (trinitrine) Type de douleur (constrictive, brulure…) Localisation de douleur Irradiations…. Facteurs favorisants ou aggravants Evolution dans le temps, rythmicité Examen clinique est généralement très pauvre dans un contexte d’angor Rechercher les signes associés OAP Tachycardie, arythmie Signes de choc (hypoTA, sueurs, marbrures, détresse respiratoire…) Rechercher des signes orientant vers des causes d’angor secondaire Souffle cardiaque de rétrécissement aortique Anémie (pâleur, tachycardie régulière…) Tachycardie, arythmie Hypoxie…. L’examen doit rechercher des signes orientant vers une éventuelle pathologie autre que l’angor Examen pulmonaire Examen de la région abdominale Examen vasculaire Examen de la région pariétale thoracique Eur Heart J 2002, 23: 1153-76 L’analyse du terrain est primordiale Facteurs de risque de maladie coronaire HTA Diabète Tabac Dyslipidémie ATCD de maladie vasculaire Infarctus du myocarde AVC Artérite des membres inférieurs ATCD d’angioplastie ou pontage Traitements du patient Trois intérêts majeurs: Identifier rapidement les patients à haut risque Permet une stratification de risque Repérer ceux chez qui le diagnostic est peu probable (bas risque) ECG Rechercher des anomalies portant sur le rythme, le segment ST, les ondes T et l’apparition d’une onde Q Sensibilité pour ischémie 50% 2 à 4% des patients ayant une nécrose évolutive sortent avec faux diagnostic (ECG normal) Sus ST: marqueur le plus sensible et spécifique de nécrose myocardique (8090% des cas) mais 30 à 40% des IDM n’ont pas de sus ST initial Ondes Q: très spécifiques T<0: peu spécifiques 1/3 des patients admis pour douleur thoracique ont ECG normal, et parmi eux, 5 à 40% ont une nécrose évolutive. Pronostic est relié à l’ECG d’admission A ce stade, tous les patients ayant un ECG normal et ayant ou ayant eu une douleur thoracique compatible avec une étiologie ischémique doivent être surveillés dans une unité adaptée (UHCD ou Unité de Douleur Thoracique) Troponines T ou I, CPK, myoglobine Myoglobine: meilleur pour délai de 3 à 6h Dans 6 premières h, CK MB et tropo ont meilleure valeur prédictive négative que myoglobine Tropo T et I ont meilleure sensibilité et spécificité que CK MB Lorsque les troponines sont positives d’emblée, le diagnostic de SCA est très probable et le patient doit être référé rapidement au service de cardiologie Marqueurs négatifs à l’admission répéter les dosages de troponines 6 et 12h après la douleur initiale Si à H12 de la douleur, troponines négatives n’élimine pas le diagnostic de SCA (surtout si douleur de courte durée) ou d’angor mais sélectionne des patients à faible risque ne nécessitant pas la poursuite de la surveillance aiguë Peut s’agir aussi de patients ayant un autre diagnostic Importance de la clinique pour diagnostic autre pathologie Troponines ne sont pas des enzymes mais des protéines structurelles du myocarde Le diagnostic d’une douleur ischémique ne requiert pas obligatoirement un dosage positif de troponines Ic Troponines Ic augmentées = consommation de muscle cardiaque Une élévation du taux de troponines Ic ne signe pas une origine ischémique Dans un contexte clinique d’angor, élévation de troponines = Infarctus du Myocarde Nombreuses autres étiologies cardiaques peuvent s’accompagner d’une élévation des troponines Ic Elévation troponines Ic = nécroses cellulaires myocardiques irréversibles = embolisation distale à partir d’un thrombus formé au site de rupture d’une plaque d’athérome sur une artère épicardique. Troponines = marqueur d’athérothrombose active A confronter au tableau clinique (douleur thoracique +++) European Heart Journal 2000;21:1502-13 Seuls vrais « faux positifs » dans insuffisance rénale et myopathies périphériques ou rhabdomyolyses Normalement la tropo Ic n’est présente que dans le myocarde Facteur de mauvais pronostique (causes non ischémiques) Causes non cardiaques: hémopathies, Kc bcho-pulm, Polyarthrite Rhumatoïde, certains AC ESC Guidelines NSTEMI 2007 Lors d’une rhabdomyolyse (chute pers âgée qui reste +rs h au sol), les CPK augmentent à des niveaux élevés Il est fréquent que les troponines Ic augmentent dans ce contexte Ex : CPK 2500, CKMB 45, tropo Ic 0,4 = cas très fréquent Ne peut pas être d’origine cardiaque car les MB devraient être à environ 250 Les tropo devraient être entre 50 et 80 si origine ischémique et cardiaque Les tropo Ic sont un peu augmentées car leur sensibilité et surtout leur spécificité n’est pas de 100% TIMI IIIB Trial Antman EM. N Engl J Med 1996;335:1342-49 ESC Guidelines 2011 – EHJ Tient compte d’éléments simples (âge, TA, FC, créat, ins card …) Donne un score correspondant à un risque de décès, ou « décès ou IDM » en phase H ou pdt les 6 mois suivants Plus le risque est élevé plus le traitement devrait être agressif et interventionnel Intérêt particulier pour un diagnostic rapide quand les troponines I ou T sont encore négatives (< H6) Amélioration sensible du rendement diagnostique de la tropo hs (90 vs 83%) Weber M. AHJ 2011; 162: 81-8 Patients ayant tropo T négatives (< 0,04 ng/ml soit 40 pg/ml): Tropo T hs permet de stratifier des niveaux de risque de mortalité à moyen terme très différents chez patients ayant présenté un syndrome coronarien aigu Weber M. AHJ 2011; 162: 81-8 Cinétique et amplitude des variations de la tropo us établir ou éliminer le diagnostic en 3 heures Faut une augmentation franche entre admission et la 3° h Si tropo us reste négative à H3 diagnostic éliminé Si tropo us très élevée dès admission ou franche augmentation à H3 diagnostic de SCA confirmé Si tropo us modérément augmentée à admission, stable à H3 autre diagnostic que SCA SCA ST+ transfert en salle d’HDI sans délai ++++ Si diagnostic certain ou probable de SCA non ST+ en cardio USIC hospit Cas plus problématique du patient ayant ou ayant eu une douleur plus ou moins typique, sans critère de risque (ECG, marqueurs bio) transfert dans une unité dédiée à surveillance adaptée (clinique, ECG, bio) spécialisée (UDT!!!) ou UHCD Dans tous les cas de tableau compatible avec SCA, il faut au moins avoir un recul de 8h par rapport au début de douleur pour laisser sortir le patient Epreuve d’effort est indiquée rapidement (I-A) Ne pas oublier que plus de 50% des douleurs sont de diagnostic non organique ESC Guidelines non STEMI 2011 Myocardite Tableau le plus proche du SCA ST+ Seuls critères discriminatifs sont absence de miroir si ST+ Douleur pouvant varier avec la respiration Attitude identique au SCA ST+ Embolie pulmonaire Douleur plus localisée et souvent plus périphérique que dans l’angor Douleur n’excédant pas quelques dizaines de minutes Contexte Peu d’arguments positifs, et/ou pathognomoniques Diagnostic difficile et souvent le plus redoutable Dissection aortique Douleur proche de l’angor avec quelques spécificités souvent absentes Douleur migrante Contexte d’HTA Classiquement « une douleur thoracique angineuse sans modification ECG est une dissection aortique jusqu’à preuve du contraire » Diagnostic clinique difficile car peu de signes positifs Souvent évoqué mais reste rare Diagnostic paraclinique le plus souvent Péricardite Douleur souvent évocatrice, variation avec les mouvements respiratoires, la position du tronc Contexte d’infection virale+++ Patients souvent très jeunes Douleur très intense et parfois dyspnéisante ECG : modifications caractéristiques Sus décalage du ST sans miroir Sous décalage du PQ Si élévation des troponines = myopéricardite Eur Heart J 2002, 23: 1153-76 ESC Guidelines 2011 NSTEMI Cause très fréquente d’admission au SAU ou d’appel pour intervention SAMU Toujours garder en tête qu’il peut s’agir d’un SCA EVALUATION CLINIQUE est primordiale : l’angor est un diagnostic clinique Aucune modification ECG n’est spécifique d’une origine ischémique myocardique hormis peut-être le sus ST (type onde Pardee) Une élévation des marqueurs sériques de nécrose (tropo) ne signe pas l’origine ischémique mais une destruction de myocytes Si origine ischémique probable ou affirmée, élévation tropo = Infarctus du Myocarde Ne jamais laisser sortir un patient à faible risque sans une surveillance suffisante de 8 à 12 h sauf si le diagnostic de douleur pariétale est évident Ce type de prise en charge est inscrit clairement dans les recommandations européennes Structure cardiologique dédiée à la surveillance des patients à faible risque est aujourd’hui indispensable (UDT)