L’OBSERVANCE THERAPEUTIQUE Une problématique au coeur de la relation soignant-patient L’éclairage du Pr Reach grâce à l’exemple des diabètes Myriam Freret-Hodara Définitions et Problématique • Observance thérapeutique concordance entre les comportements des patients et les recommandations médicales • Pourquoi l’exemple du diabète? -maladie s’inscrivant dans la durée -chiffre anormal plutôt q’un symptôme -complications longtemps invisibles avant de devenir terminales -traitement complexe Devant la maladie aux contraintes indéfinies qu’est le diabète, comment améliorer l’observance thérapeutique? CAS CLINIQUE Mme N., 60ans, originaire du Maroc Hospitalisée pour prise en charge d’un diabète déséquilibré cortico-induit et insulino-requérant ATCD familiaux: DID chez fils et la soeur, sarcoïdose chez fils ATCD médicaux: sarcoïdose pulmonaire (1991) + diabète cortico-induit (1999) ATCD chirurgicaux: appendicectomie, varices à D ATCD gynéco: G12P9, ménopausée à 46 ans (Lutenyl de 98 à 2003) Histoire de la maladie 1991: Sarcoïdose pulmonaire stade IV avec localisations cutanée, musculaire, lacrymale et salivaire. Mise sous Cortancyl (10mg)+ Imurel 50 3*/j. Oxygénothérapie nocturne et en journée à l’effort. Nombreuses hospitalisations en Pneumologie 1998: lors d’une hospitalisation en pneumologie découverte d’une intolérance au glucose (glycémie post-prandiale à 1,80 et à jeûn à 0,93g/L) PEC diététique et éducation à l’autosurveillance glycémique entreprise. 1999: Diabète avec glycémies à jeun 1,70g/L, Hb1Ac=7,4% Traitement par ADO Metformine Entre 1999 et 2011: pas de suivi diabétologique, suivi par médecin traitant Juillet 2011: consulte un diabétologue dans un dispensaire pour glycémies déséquilibrées. Diabétologue diminue corticothérapie à 10mg au lieu de 12,5mg + Décision de démarrage d’un traitement par insuline Octobre 2011: voyage au Maroc, syndrome polyuro-polidipsique 8 Novembre 2011: adressée par son médecin traitant pour diabète très déséquilibré. Hospitalisation en endocrinologie. Histoire récente de la maladie et complications du diabète 12/11/2011 Ancienneté du diabète: 14ans. Traitement en cours: Insulatard 28UI le soir, Novorapid 48-50-0, Imurel 50 1cp 3/j, Cortancyl 5mg 2cp/j, Seretide 250 1pulv 3/j, Pulmicort 1pulv 4/j Hb1Ac= 9,7% Enquête alimentaire: 3 repas + 2 collations; alimentation équilibrée, mange au moins 5 fruits et légumes par jour. La patiente a son appareil de surveillance et s’autosurveille 5*/j, pas de carnet. Elle admet qu’elle fait mal ses injections d’insuline car “le diabétologue ne m’ a pas bien expliqué”. Glycémies de 2,29 à 4,24g/L. Sur le plan des complications Microangiopathie: Microalbuminurie à 7,4mg/24h, MDRD=99mL/min Neuropathie périphérique à type de paresthésies, gênantes, invalidantes avec retentissement sur le quotidien de la patiente. Hypoesthésie au test au monofilament Macroangiopathie: Aucune FDR: Aucuns Traitements envisagés: - Introduction de la Lantus en remplacement de l’Insulatard - Education à l’ insulinothérapie - Assurer le suivi diabétologique Motif d’hospitalisation Prise en charge d’un diabète déséquilibré cortico-induit et insulino-requérant car la patiente ne sait pas comment accomplir le geste thérapeutique=ne se soigne pas Problèmes : ne sait pas faire correctement ses “piqûres” d’insuline, confrontée à la PEC de 2 maladies chroniques Conséquence: - inefficacité des traitements - plan économique Perspective historique de l’observance thérapeutique “Il faut observer les fautes des malades; il est arrivé plus d’une fois qu’ils aient menti au sujet des choses prescrites; ne prennant pas les breuvages désagréables, soit purgatifs, soit autres remèdes, ils ont succombé; et le fait ne s’avoue pas, mais l’inculpation est rejetée sur le médecin.” Hippocrate 1975: entrée du terme “compliance” dans le vocabulaire médical 1979: Haynes. Premiers travaux sur la compliance Changement de terminologie : Compliance ≠ Observance Intérêt pour l’observance thérapeutique largement développée au cours des 30 dernières années avec une remise en question de la relation thérapeutique. Amélioration de l’ observance = participation du patient au projet thérapeutique Méthodes d’évaluation de l’ observance thérapeutique • - Observance à la prise médicamenteuse. Méthodes d’évaluation: Autoquestionnaire Avis des soignants Décompte des comprimés Analyse du renouvellement des ordonnances Dosage des principes actifs dans le sang ou dans l’urine Evaluation de l’effet du traitement Absence de “gold-standard” dans l’évaluation de l’observance Idem pour chacun des aspects du traitement (régime, activité physique, soins des pieds, dents…) Devant l’absence de procédure diagnostique de référence, Comment évaluer l’observance thérapeutique? Quels sont donc les déterminants de l’observance thérapeutique ? I.Déterminants de l’observance thérapeutique 5 facteurs en cause liés au : 1. patient 2. système de soin et médecin 3. la maladie 4. traitement 5. l’environnement psycho-social 1. Facteurs liés au patient Pour accomplir un geste thérapeutique, le patient doit: - savoir ce qu’il doit faire - croire qu’il peut le faire - croire qu’il est utile de le faire - croire qu’il n’est pas dangereux de le faire - croire que les bénéfices du geste l’emportent sur les inconvénients - désirer le faire - avoir les ressources nécessaires 2. Facteurs liés à l’organisation des soins - disponibilité du médecin - temps passé à donner des explications (consultation courte) - qualité de la relation avec le soignant - pas toujours le même docteur - cohérence +/- bonne des messages médicaux au sein de l’équipe - intérêt de l’équipe soignante pour l’observance 3. Facteurs liés à la maladie Portrait-robot de la maladie où le risque de non-observance thérapeutique est grand: - maladie chronique - pas d’inconfort immédiat, manque de symptômes - symptômes constants, auxquels on s’est habitué - absence de gravité de la maladie (ressentie de manière subjective par le patient) Facteurs intéressent: -le patient dans son environnement Facteurs qui dépendent et d’autres -la nature de la maladie et le ttt proposé qui ne dépendent pas du patient -la qualité du système de soins d’où l’importance de communication entre patients et soignants Modèles comportementaux de l’observance thérapeutique • L’observance thérapeutique: - rencontre de 2 rationalités, celle du prescripteur et celle du patient - mise en relation d’états mentaux, présents dans 2 esprits différents CROYANCES=rôle majeur dans le déterminisme du comportement et donc de l’observance, représentations paQent ≠ représentations soignant ”L’insuline fait baisser la glycémie” • Le médecin ne croit pas, il a l’impression de savoir = connaissance et non croyance Evidence based-medicine: médecine fondée sur les preuves ( affirmation p<0,05) Devoir médecin = observance aux recommandations faites par les autorités de tutelle Force de conviction du prescripteur a une influence sur l’observance du patient Plus on est convaincu, plus on est convaincant Complexité de la relation thérapeutique • • Médecin connaît mieux mon corps que moi confiance du patient dans son médecin? mais moins bien que moi mon esprit! adaptation du médecin à chaque patient, intérêt pour “monde réel” de chacun Education thérapeutique au service de l’observance • PEC patient diabétique est l’adoption de comportements de santé appropriés dans: - recommandations alimentaires - activité physique - autosurveillance glycémique et urinaire - prise médicamenteuse (ADO et/ou insuline) - réalisation d’examens (HbA1c trimestrielle, FO annuel…) - soins pieds, soins dentaires… diminution de la fréquence des comas diabétiques par acidocétose, des amputations, réduction des dépenses de santé responsabilité par les patients de leur traitement grâce à un partage des croyances entre le soignant et le soigné La relation thérapeutique Réalisation répétée du geste thérapeutique par le patient (observance thérapeutique) dépend donc: - de connaissances et compétences nécessaires - de son intention de le faire, faite de ses croyances, désirs et émotions - de ses moyens La relation thérapeutique doit explorer l’ensemble de ses “états mentaux” si elle veut être efficace et servir l’observance thérapeutique. Importance de la relation empathique et de la confiance entre soignant/soigné dans l’observance Mme N: un dialogue empathique sur les difficultés légitimes à suivre le ttt doit permettre de fixer des objectifs réalistes et acceptables Carl Rogers, psychologue humaniste américain XXème • Percevoir le monde subjectif d’autrui “comme si” on était cette personne, • sans jamais perdre de vue qu’il s’agit d’une situation analogue “comme si” Maïmonide, médecin, rabin et philosophe XIIème • “Fais que mes malades aient confiance en moi” • Comprendre la singularité de l’expérience du patient, capacité de construire un véritable partenariat et de manifester du respect Empathie et confiance, clef de voûte de l’observance • Conseils du médecin au patient dans un climat de confiance • Partage des croyances = base de la relation thérapeutique • TTT ajusté à la vie du patient, et non l’inverse Réalité clinique exige une approche nuancée ds choix du ttt • Considérer le caractère mouvant de l’état d’autonomie des patients ART MEDICAL: être capable de choisir, au moment opportun, face à des patients toujours différents, le bon modèle thérapeutique En conclusion • Cette patiente présentait deux pathologies chroniques, soit probablement une plus grande difficulté à s’occuper de son diabète (apparu plus tard). • Il aurait été intéressant de connaitre l’évolution de son poids, et différentes HBA1C (de 1998-2011). Pendant 10 ans, on ne connait pas l’escalade thérapeutique (nombre d’ADO), posologie). Ce suivi aurait pu être l’occasion d’expliquer l’insulinothérapie à venir. En Juillet 2011, il aurait sans doute fallu lui proposer une Hospitalisation de Jour ou un suivi IDE pour débuter l’insulinothérapie.