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vedettes de l’alimentation ont toutes été consacrées grâce à des investissements importants en publicité.
Pensons à Coca-Cola, Budweiser, McDonald's, Evian, Nescafé. Ce sont des marques-reines.
Aussi faut-il ajouter un montant important au prix de revient pour construire l’image de marque d’un
produit car c’est l’image de marque qui donne de la valeur ajoutée à un produit, qui permet de le vendre à
un prix supérieur aux autres. Cela n’a pas nécessairement à voir avec la qualité. Un Coke se vendra le
double du prix d’un « Cola sans nom » alors que les deux produits sont indifférenciables : 500 ml d’eau à
laquelle on a ajouté dix cuillérées de sucre, de la saveur artificielle et quelques bulles. Est-il besoin de
consommer autant d’eau sucrée dans un Québec parsemé de 50,000 grands lacs ? Est-il normal, année
après année, de boire notre eau dans un milliard de bouteilles de plastique à remplissage unique ? Sans
doute pas, mais les gens d’argent éprouvent une soif inextinguible… d’argent.
Or, les entreprises qui détiennent les grandes marques investissent en publicité un plus fort
pourcentage de leurs revenus que leurs concurrents du même secteur d'activité.
Les gens de marque
Au début de l’industrialisation, disons vers 1800, l’argent des riches était nécessaire pour permettre
aux entrepreneurs d’acquérir les machines dispendieuses nouvellement inventées. Or, après avoir acheté
pratiquement toutes les entreprises détenant une part intéressante (et rentable) du marché, les grands
capitalistes comprirent, au tournant des années 1980, qu’ils n’avaient même plus besoin de risquer leur
capital dans des organisations de production ; il vaut bien mieux acquérir les droits sur des noms de
marque prestigieux et louer chèrement ces noms à des entrepreneurs qui mettent en marché un produit
sous ce nom. C’est ainsi que les publicitaires se servent du nom du carrossier Bentley pour vendre les skis
Bentley Supersport : pour 10,000$ vous aurez les skis, les bâtons ainsi qu’un sac de rangement. L’eau
Vittel pare une ligne de cosmétiques d’une aura alpestre. Le nom Cadbury donne de l’élan à la crème
glacée d’une grande laiterie.
Les grandes marques font saliver les consommateurs qui sont désormais prêts à dépenser davantage
pour afficher ces grands noms. Des consommateurs acceptent de payer chèrement ces objets dont
l’obsolescence a été planifiée… et qui aboutiront donc rapidement à la décharge publique. L’économie
poursuit ainsi sa « croissance ».
La croissance
Tout le système capitaliste, je ne sais exactement pour quelle raison bizarre, se fonde sur la
croissance. Chaque année, en vertu de cette loi qui nous est présentée comme implacable, nous devons
produire davantage et donc, consommer davantage. Et donc gaspiller davantage. Produire pour répondre à
nos besoins, je comprends, oui. Mais la croissance pour la croissance, pourquoi ?
Si l’économie produit davantage, on devra conséquemment adapter la demande à l’offre (et non pas
l’offre à la demande, la production aux besoins). On y arrive en titillant avec insistance les désirs afin
d’écouler cette production, cette surproduction. C’est ici qu’intervient la publicité. À chaque trimestre,
Statistique Canada publie son taux de croissance. Taux annuel moyen entre 2003 et 2007 : 2%. Bravo !
Les agences de publicité elles-mêmes sont des entreprises qui croissent. Au cours des dernières
années, elles croissent même plus rapidement que le produit intérieur brut. La publicité pèse donc de plus
en plus sur le prix de vente. Voyons l’accroissement annuel de 2007 sur 2006, chiffres dont je dispose et
publiés par le magazine Advertising Age : 1er Procter&Gamble +11,2% (Tide, Ivory, Head&Shoulder,
Pantene, Clairol et autres M. Net) ; 2e Unilever +16% (Cutex, Axe, Dove, Pond’s, Elizabeth Arden, Finesse,
etc.) ; 3e L’Oreal +12% (Maybelline, Lancôme, Biotherm, Helena Rubinstein, Fructis, Ambre Solaire, etc.)
Voyez-vous ce que je vois ? Procter&Gamble qui détiennent 300 marques dépensent chaque année
10,000 millions de dollars pour me faire répandre des produits chimiques dans la nature.
Eh oui, les grands annonceurs dépensent une part de plus en plus grande de leurs revenus en
publicité. Selon le secteur d’activité, l’entreprise ou la stratégie annuelle, de 2% à 50% du montant que
l’on paye pour un produit sert à défrayer les coûts de la publicité. N’est-ce pas cynique?
L’hyperconsommation
Hyper-consommer, c’est se faire du mal à force de consommer trop par rapport à ses besoins. Les
Nord-américains souffrent d’embonpoint à force d’obéir aux publicitaires qui les incitent à coeur de soirée à
s’empiffrer, ils étouffent sous le smog à force de rouler à bord d’automobiles gourmandes, ils détruisent les
forêts tropicales ou assèchent leurs propres rivières simplement pour produire de nouveaux biens qui
remplaceront, sous la pression de tendances suscitées par la publicité, des biens qui sont encore
fonctionnels. Pensons à la vitesse à laquelle les jeunes remplacent leurs téléphones cellulaires. Tous
succombent à la pression publicitaire. Les technofans du monde entier ont dépensé pour 10 milliards $ de
sonneries téléphoniques en 14 mois, une somme suffisante pour reconstruire Haiti détruite par le
tremblement de terre de janvier 2010 (Carnets du Devoir, 25 janvier 2010).
Nous consommons trop et les pays pauvres rêvent de faire comme nous. Or, comme le dit Serge
Mongeau : « Des millions de personnes dans le tiers monde manquent de l’essentiel. […] Comment croire