Quaternions et arithmétique sur les quaternions entiers

publicité
Quaternions et arithmétique sur les
quaternions entiers
Julie Raniolo
décembre 2016
Université de Fribourg
Département de Mathématiques
Semestre d'automne 2016
Responsable : Dr. Corina Ciobotaru
1
Table des matières
1 Introduction
2 Quaternions et arithmétique sur les quaternions entiers
2.1
2.2
2.3
2.4
2.5
2.6
2.7
2.8
2.9
2.10
2.11
2.12
2.13
2.14
Dénition 1 (quaternions) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dénitions 2 (conjugué et norme) . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Proposition 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dénitions 4 (impair/pair, premier, associé et diviseur à droite)
Proposition 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lemme 6 (Algorithme d0 Euclide à droite) . . . . . . . . . . . . .
Dénition 7 (pgdc à droite) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lemme 8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Théorème 9 (existence du pgdc à droite) . . . . . . . . . . . . . .
Lemme 10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lemme 11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Théorème 12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Corollaire 13 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Corollaire 14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
3
3
3
3
4
4
4
5
6
6
6
6
6
6
7
8
1
Introduction
Ce chapitre du proséminaire sur les graphes expanseurs porte sur les quaternions, en particulier sur les quaternions entiers. Une dénition de l'algèbre des quaternions sur un anneau
commutatif unitaire va être donnée, puis l'intérêt se portera sur les propriétés des quaternions
entiers. Certaines propriétés sont modiées car l'aglèbre des quaternions n'est pas commutative.
Enn, on atteindra l'objectif de ce chapitre qui est de montrer que chaque nombre naturel est
une somme de quatre carrés.
2
Quaternions et arithmétique sur les quaternions entiers
Soit R un anneau commutatif unitaire.
2.1 Dénition 1 (quaternions)
L'algèbre des quaternions sur R, H (R), est une algèbre associative unitaire ayant les
propriétés suivantes :
1.
2.
3.
4.
H (R) est un R-module libre sur les symboles 1, i, j, k, c'est-à-dire H (R) = {a0 + a1 i + a2 j + a3 k | ai ∈ R}.
1 est l'élément neutre de la multiplication.
i2 = j 2 = k 2 = −1
ij = −ji = k
jk = −kj = i
ki = −ik = j
Remarques
H (R) n'est pas commutative. On le voit directement avec k = ij 6= ji = −k .
Une algèbre sur un corps K est une structure algébrique (A, +, ·, ×) t.q.
1. (A, +, ·, ×) est un espace vectoriel sur K,
2. la loi × est dénie de A × A dans A,
3. la loi × est bilinéaire.
Un exemple d'algèbre est C.
2.2 Dénitions 2 (conjugué et norme)
Soit q = ao + a1 i + a2 j + a3 k un quaternion.
Son
est déni par q̄ = ao − a1 i − a2 j − a3 k .
Sa
est dénie par N (q) = q q̄ = q̄q = a2o + a21 + a22 + a23 .
La norme quaternionique est multiplicative, c'est-à-dire que pour q1 et q2 ∈ H (R), on a
N (q1 q2 ) = N (q1 ) N (q2 ) .
conjugué
norme
Exemple :
Soient q1 , q2 ∈ H (Z).
q1 = 1 + 2i + 3j + 4k , q2 = 5 + 6i + 7j + 8k
q1 q2 = −60 + 12i + 30j + 24k
N (q1 q2 ) = (−60)2 + 122 + 302 + 242 = 5220
N (q1 ) = 12 + 22 + 32 + 42 = 30
N (q2 ) = 52 + 62 + 72 + 82 = 174
N (q1 ) N (q2 ) = 30 · 174 = 5220
⇒ N (q1 q2 ) = N (q1 ) N (q2 )
3
2.3 Proposition 3
Soit q = pk avec p un nombre premier impair et k ∈ N.
Alors, il existe x, y ∈ Fq t.q. x2 + y 2 + 1 = 0.
Exemples
Dans F3 : 12 + 22 + 1 = 0.
Dans F9 : 12 + 52 + 1 = 0.
A partir de maintenant, on se restreint aux quaternions entiers, c'est-à-dire à H (Z).
Soit U (H (Z)) le groupe des unités dans H (Z).
U (H (Z)) = {±1, ±i, ±j, ±k}.
2.4 Dénitions 4 (impair/pair, premier, associé et diviseur à droite)
Soit q ∈ H (Z).
q est dit
(resp.pair) si N (q) est impaire (resp.paire).
q est dit
si
impair
premier
1. q ∈
/ U (H (Z))
2. q = α · β ⇒ α ou β ∈ U (H (Z)).
associés
Deux quaternions q1 et q2 ∈ H (Z) sont
s'il existe 1 , 2 ∈ U (H (Z)) t.q. q1 = 1 · q2 · 2 .
δ ∈ H (Z) est un
de q ∈ H (Z) s'il existe γ ∈ H (Z) t.q. q = γ · δ .
Exemples
diviseur à droite
q = 1 + 2i + 3j + 4k ⇒N (q) = 12 + 22 + 32 + 42 = 30 ⇒ q est pair.
q1 = 1 + 2i + 3j + 4k , q2 = −2 + i − 4j + 3k ⇒ q1 et q2 sont associés car q2 = i · q1 · 1.
q1 est un diviseur à droite de q2 car q2 = i · q1 .
Remarques
N () = 1 pour tout ∈ U (H (Z)).
⇒ ”être associés” dénit une relation d'équivalence qui préserve les propriétés arithmétiques
(pair/impair, premier, unité, ...).
La dénition de premier et irréductible ne sont pas équivalentes dans H (Z) car H (Z) n'est pas
commutative. Un diviseur à droite de xy n'est en général pas un diviseur à droite de x.
2.5 Proposition 5
Chaque quaternion α ∈ H (Z) est un produit de quaternions premiers.
Preuve
par induction sur N (α)
Hypothèse : tout quaternion est un produit de quaternions premiers.
Si N (α) = 1, cela signie que α est une unité (cf. remarque ci − dessus). Il n'y a donc rien à
montrer.
On prend donc le cas où N (α) > 1. On suppose que l'hypothèse est vraie pour tout quaternion
de norme < N (α)
Si α est premier, il n'y a rien à montrer.
Si α n'est pas premier ⇒ α = β · γ où β et γ ∈
/ U (H (Z))
⇒ N (β) < N (α) et N (γ) < N (α)
⇒ L'hypothèse est vraie pour β et γ , c-à-d que β et γ sont des produits de quaternions
premiers.
⇒ α est aussi un produit de quaternions premiers.
4
Remarque
On a aussi une telle factorisation dans Z qui est unique à associés près.
Dans H (Z), elle n'est pas forcément unique.
Ex : 13 = (1 + 2i + 2j + 2k) (1 − 2i − 2j − 2k) = (3 + 2i) (3 − 2i)
L'algorithme d'Euclide existe aussi dans H (Z). Cependant, il est un peu modié. On se
restreint à la multiplication à droite et à β impair.
On trouve un résultat analogue pour la multiplication à gauche, pour γ 0 ,δ 0 ∈ H (Z) t.q.
α = β · γ 0 + δ 0 et N (δ 0 ) < N (β). γ 0 et δ 0 ne sont pas forcément les mêmes que γ et δ du lemme
ci-dessous.
2.6 Lemme 6 (Algorithme d0 Euclide à droite)
Soient α, β ∈ H (Z) t.q. β est impair.
Alors, il existe γ, δ ∈ H (Z) t.q. α = γ · β + δ et N (δ) < N (β).
On va d'abord montrer une armation qui va nous être utile pour la preuve.
Armation
Soit σ = s0 + s1 i + s2 j + s3 k ∈ H (Z).
Soit m un nombre entier impair et positif.
Alors, il existe γ ∈ H (Z) t.q. N (σ − γ · m) < m2 .
Preuve de l'armation
∀si ∃ri ∈ Z t.q. mri − m/2 < si < mri + m/2.
On a une inégalité stricte car m est impair.
On pose :
si = mri + ti t.q. |ti | < m/2,
γ = r0 + r1 i + r2 j + r3 k .
⇒ σ − γ · m = s0 + s1 i + s2 j + s3 k − mro − mr1 i − mr2 j − mr3 k
= mro + t0 + mr1 i + t1 i + mr2 j + t2 j + mr3 k + t3 k − mr0 − mr1 i − mr2 j − mr3 k
= to + t1 i + t2 j + t3 k
⇒ N (σ − γ · m) = t20 + t21 + t22 + t23 < 4 · (m/2)2 = m2 car |ti | < m/2
Preuve du lemme
Pour la preuve du lemme, il sut de poser :
m = N (β) = β β̄ , m est bien impair car β est impair par hypothèse,
σ = αβ̄ .
Par l'armation au-dessus, il existe γ ∈ H (Z) t.q. N (σ − γ · m) < m2 .
m2 = N (β)2 = N (β) N β̄
N (σ − γ · m) = N αβ̄ − γ · β β̄ =N (α − γβ) N β̄
⇒ N (β) N β̄ > N (α − γβ) N β̄
⇒ N (β) > N (α − γβ)
On pose δ = α − γβ .
⇒ N (β) > N (δ) et α = γβ + δ .
5
2.7 Dénition 7 (pgdc à droite)
Soient α, β ∈ H (Z).
δ ∈ H (Z) est dit
(pgdc)
1. Si δ est un diviseur à droite de α et de β ,
2. Si δ0 ∈ H (Z) est un diviseur à droite de α et β ,
alors δ0 est un diviseur à droite de δ .
On écrit δ = (α, β)r .
S'il existe, δ = (α, β)r est unique à associés près.
le plus grand diviseur commun
à droite de α et β
Les résultats suivants ne vont pas être prouvés, mais ils vont nous être utiles pour la preuve
d'un théorème et de corollaires importants.
2.8 Lemme 8
Soit α ∈ H (Z). Alors, il existe une factorisation unique α = 2k · π · α0 ,
avec k ∈ N, π ∈ {1, 1 + i, 1 + j, 1 + k, (1 + i) (1 + j) , (1 + i) (1 − k)} et α0 ∈ H (Z) impair.
2.9 Théorème 9 (existence du pgdc à droite)
Soient α, β ∈ H (Z) t.q. β est impair. Alors, (α, β)r existe.
Remarque
On a la version suivante de la relation de Bézout :
∃γ, δ ∈ H (Z [1/2]) t.q. (α, β)r = γα + δβ , où Z [1/2] = {k/2n |k ∈ Z, n ∈ N} .
2.10 Lemme 10
Soit α ∈ H (Z) et m ∈ Z impair.
(m, α)r = 1 ⇐⇒ (m, N (α))r = 1
2.11 Lemme 11
Hypothèses :
p ∈ N premier et impair,
α ∈ H (Z) t.q. p ne divise pas α, mais p divise N (α),
(α, p)r = δ .
Armation : δ est premier dans H (Z) et N (δ) = p.
Remarque
Ce lemme nous dit que si N (δ) est premier Z, alors δ est premier dans H (Z).
2.12 Théorème 12
Pour tout p ∈ N premier impair, il existe δ ∈ H (Z) premier t.q. N (δ) = p = δ δ̄ .
En d'autres termes, p n'est pas premier dans H (Z).
Preuve
Par la proposition 3, on sait qu'il existe x, y ∈ Z t.q. 1 + x2 + y 2 ≡ 0 mod p.
On pose α = 1 + xi + yj .
⇒ p ne divise pas α, mais p |N (α) = 1 + x2 + y 2 .
On peut utiliser le lemme 11 qui nous dit que δ = (α, p)r est premier dans H (Z) et que N (δ) = p.
⇒ δ est le quaternion premier recherché.
6
2.13 Corollaire 13
δ ∈ H (Z) est premier ⇐⇒ N (δ) est premier dans Z
Preuve
⇐ : Soit N (δ) = p t.q. p est un nombre premier dans Z.
Comme chaque quaternion peut être écrit comme le produit de quaternions premiers, on peut
écrire δ = xy .
On prend la norme
N (δ) = N (x) N (y) = p.
Comme p est premier ⇒ N (x) = 1 ou N (y) = 1
⇒ x ou y ∈ U (H (Z))
⇒ δ est premier dans H (Z)
⇒ : On distingue deux cas :
δ est pair :
Par le lemme 8, on a δ = 2k · π · δ0 ,
où k ∈ N, π ∈ {1, 1 + i, 1 + j, 1 + k, (1 + i) (1 + j) , (i + 1, ) (1 − k)} et δ0 impair.
2 n'est pas premier dans H (Z) car 2 = (1 + i) (1 − i) .
⇒ k = 0 car δ ∈ H (Z) est premier par hypothèse.
⇒ δ = π · δ0
Comme δ est premier et pair, on a
1. soit π ∈ U (H (Z)) et δ0 pair,
2. soit δ0 ∈ U (H (Z)) et π pair.
Comme δ0 est impair par hypothèse, on a la deuxième possibilité.
⇒ N (δ0 ) = 1 et π ∈ {1 + i, 1 + j, 1 + k}
⇒ N (δ) = N (π) N (δ0 ) = 2 · 1 = 2
2 est bien premier dans Z.
δ est impair :
Soit p ∈ N un nombre premier qui divise N (δ).
A montrer : N (δ) = p.
Soit α = (p, δ)r .
⇒ δ = γα pour un certain γ ∈ H (Z)
Par le lemme 10, on a (N (δ) , p)r 6= 1 car N (δ) divise p ⇒ (δ, p)r 6= 1 donc α ∈
/ U (H (Z)).
Comme δ est premier dans H (Z) par hypothèse
⇒ γ ∈ U (H (Z))
⇒ α et δ sont associés
⇒ δ est un diviseur à droite de p, p = ψδ pour un certain ψ ∈ H (Z).
On prend la norme
N (p) = p2 = N (ψ) N (δ)
Comme p divise N (δ) par hypothèse, on a p = N (ψ) (N (δ) /p).
Comme p est premier, on a N (ψ) = 1 ou (N (δ) /p) = 1.
Si N (ψ) = 1, alors p et δ sont associés.
⇒ p est premier dans H (Z).
Ceci contredit le théorème 12 qui dit que si p ∈ N est premier, alors p n'est pas premier dans
H (Z).
⇒ (N (δ) /p) = 1 et donc N (δ) = p.
7
2.14 Corollaire 14
Chaque nombre naturel est une somme de quatre carrés.
Preuve
Soit n ∈ N.
Pour n = 0 et n = 1, le résultat est clair.
On prend donc n ≥ 2.
Soit n = 2ro · pr11 · ... · prkk la factorisation de n en nombres premiers t.q. pi impairs ∀i.
Par le théorème 12, il existe δi ∈ H (Z) t.q. pi = N (δi ) = δi δ¯i et 2 = (1 + i) (1 − i) = N (1 + i).
⇒ n = N ((1 + i))r0 N (δ1 )r1 ...N (δk )rk
= N ((1 + i)r0 ) N (δ1r1 ) ...N δkrk
= N (1 + i)ro · δ1r1 · ... · δkrk
par la multiplicativité de la norme quaternionique.
Comme la norme est une somme de quatre carrés (cf. Déf inition 2), alors n est aussi une norme
de quatre carrés.
8
Téléchargement