aspects epidemiologiques, cliniques et pronostiques de l`infarctus

Auteurs
ADOUBI KASSI ANICET
ADOH ADOH MICHEL
KONIN CHRISTOPHE
NDJESSAN JEAN-JACQUES
NGUETTA ROLAND
Service
Institut de Cardiologie
d’Abidjan
BP V206 Abidjan 06
Correspondance
Dr ADOUBI Kassi Anicet
06 BP 524 Abidjan 06
E-mail: anicetadoubi@
yahoo.fr
Article original
ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES, CLINIQUES ET
PRONOSTIQUES DE L’INFARCTUS DU MYOCARDE
A L’INSTITUT DE CARDIOLOGIE D’ABIDJAN DE
1999 A 2006.
RESUME
La prévalence des infarctus du myocarde, naguère très
faible, est en pleine croissance en Afrique subsaharienne.
L’objectif de cette étude était de déterminer les caractéristiques
épidémiologiques, cliniques et pronostiques de cette affection
chez les patients noirs africains admis à l’Institut de
cardiologie d’Abidjan. Nous avons analysé les dossiers des
patients hospitalisés entre Janvier 1999 et Décembre 2006.
Cent quarante-cinq dossiers ont été retenus (âge : 52,7 ± 11
ans, 124 patients (85,5%) de sexe masculin). Les facteurs de
risque coronariens les plus fréquents étaient l’hypertension
artérielle (50,3%), le tabac (43,4%) et l’hypercholestérolémie
(21,4%). Le délai moyen d’admission était de 66 ± 112 heures
avec cependant 44,1% des patients avant la 12ème heure. Les
patients ST + (ECG avec sus-décalage de ST) constituaient
84,8% des cas. Le territoire antérieur était le plus souvent
intéressé (71,7%). La durée moyenne de séjour était de 16,2
± 7,4 jours. L’évolution a été émaillée de complications dans
45,5% cas, essentiellement des complications hémodynamiques
(44,8%) et rythmiques (22,1%). Treize patients (9% des cas)
sont décédés en cours d’hospitalisation.
L’infarctus du myocarde du noir africain paraît être une
forme particulièrement sévère. Il importe alors d’insister sur
la prévention et la revascularisation.
Mots-clés : Infarctus du myocarde, épidémiologie,
électrocardiogramme, complication, décès, noir africain.
SUMMARY
THE EPIDEMIOLOGICAL, CLINICAL AND PROGNOSTIC
FEATURES OF MYOCARDIAL INFARCTION AT INSTITUT DE
CARDIOLOGIE D’ABIDJAN FROM 1999 TO 2006
Very low in the past decades, the rate of the myocardial infarction
(IM) is raising among black people from sub-Saharan Africa. This is
the reason why we decided to determine epidemiological, clinical and
prognostic feature of black African patients registered in our hospital
(Institut de Cardiologie d’Abidjan (ICA)).
Method : We analyzed in a retrospective study, clinical les of intensive
care unit in-patients from January 1999 to December 2006. These patients
did not receive any reperfusion therapy.
Cah. Santé Publique, Vol. 9, n°1- 2010
© EDUCI 2010
Cah. Santé Publique, Vol. 9, n°1- 2010
© EDUCI 2010
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Result : One hundred and forty ve clinical les were accepted (age : 52.7 ±11 years, 124 males (85.5%)).
The most common coronary risk factors were hypertension (50.3%), smoking (43.4%), hypercholesterolemia
(21.4%) and diabetes (18.6%). The mean of risk factors per patient was 1.3. Mean delay between symptom
onset and hospital arrival was 66 ± 112 hours but 44.1% arrived before the 12th hour. Patient with ST-
segment elevation at EKG was 88.8% and a Q wave of necrosis was in 89% of case. Anterior IM was
the most common type of IM (71,7%). 45.5 % of patients has complicated hospital course. Complications
were in the most part hemodynamic (44.8%) and rhythmic (22.1%). The mean length of stay in hospital
was 16.2 ± 7.4 days. Thirteen patients (9% of cases) died during hospitalization.
Conclusion : Black African myocardial infarction seems to be a particulary severe form one. So, it is
important to organize primary prevention and to get therapeutic of revascularization if we consider the
patients ‘delay of admission and the number of complications we could avoid.
Key Words : myocardial infarction, epidemiology, electrocardiogram, complication, prognosis,
death, black African
INTRODUCTION
L’infarctus du myocarde (IDM) représente une cause majeure de morbidité et de
mortalité dans le monde, en particulier dans les pays occidentaux. S’il est vrai que
l’incidence de cette affection est en baisse depuis ces 20 dernières années dans les
pays sus cités, il n’en est pas de même en Afrique subsaharienne, zone en transition
épidémiologique, où l’incidence des maladies non transmissibles est en pleine croissance
(Goldberg RJ a, 1999 ; Akinboboye O, 2003). En effet, selon Gillum RF, l’acculturation
avancée, l’urbanisation, la consommation de tabac, la consommation excessive de sel
et d’acides gras saturés qui caractérisent la nouvelle société africaine sont à la base de
l’augmentation de la fréquence de ces maladies cardiovasculaires (Gillum RF, 2001).
Parmi ces maladies cardiovasculaires, nous nous sommes donc intéressés aux
caractéristiques que présente l’IDM dans notre contrée, ceci à partir des données
épidémiologiques, cliniques et évolutives des patients noirs africains hospitalisés à
l’Institut de Cardiologie d’Abidjan.
PATIENTS ET MÉTHODES
Nous avons réalisé une analyse rétrospective de dossiers de patients hospitalisés pour
IDM de Janvier 1999 à Décembre 2006 à l’Institut de Cardiologie d’Abidjan.
Tous les patients ont été hospitalisés en unités de soins intensifs avec comme diagnostic
principal l’IDM à la phase aigue et respectaient les critères suivants :
- IDM dé ni selon les critères du consensus des experts de l’ESC/ACCF/AHA/
WHF (Thygesen K, 2007) : toute détection d’élévation et/ou de baisse des marqueurs
biochimiques de l’infarctus (de préférence la troponine) avec au moins une valeur au
dessus du 99ème percentile de la valeur limite associée à des signes évidents d’ischémie
myocardique qui sont au moins l’un de ces signes : symptômes d’ischémie (la douleur),
modi cations électrocardiographiques témoins d’une nouvelle ischémie, développement
d’une onde Q pathologique, ou perte de la viabilité myocardique à l’imagerie ;
- Sujets de race noire.
Nous avons exclus de notre étude les patients aux dossiers incomplets, les patients
revascularisés.
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ADOUBI KASSI ANICET & al. : Infractus du myocarde à Abidjan pp. 65-72
RÉSULTATS
Sur 163 patients admis pour IDM, 145 dossiers de patients remplissaient les critères
de sélection. Deux patients avaient été revascularisés par thrombolyse, 2 patients avaient
des dossiers incomplets et 14 patients étaient de race caucasienne ou arabo-berbère.
Il s’agissait de patients âgés en moyenne de 52,7 ± 11,2 ans (extrême 28 ans et 82
ans) avec 24,1% de moins de 45 ans. La prédominance masculine était forte avec un
sex ratio de 6 hommes pour une femme.
Les facteurs de risque coronariens majeurs modifiables étaient dominés
par l’hypertension artérielle (50,3% des patients), suivis du tabac (43,4%), de
l’hypercholestérolémie (21,4%) et du diabète (18,6%). Le nombre moyen de facteurs de
risque modi ables étaient de 1,3 ± 0,9 par patients et celui de tous les facteurs de risque
(sexe, âge, hérédité compris) de 3,1 ± 1,4 par patients. Il faut souligner que 19,3% des
patients étaient sans aucun facteur de risque majeur.
Tableau I : Données épidémiologiques concernant les 145 patients atteints d’IDM
Données Epidémiologiques Nombre de cas (%)
N= 145 (100)
Age (ans)
Age < 45 ans
Sexe Masculin
52,7±11,2
35 (24,1)
124 (85,5)
Facteurs de risque
Hypertension artérielle
Tabac
Hypercholestérolémie
Diabète
Obésité
73 (50,3)
63 (43,4)
31 (21,4)
27 (18,6)
15(10,3)
Le maître symptôme, la douleur, était présent chez 144 patients (97,5%).
Le délai d’admission (début des symptômes – arrivée à l’hôpital) était en moyenne de 66
± 112 heures avec une médiane de 18 heures. Vingt pour cent de patients étaient arrivés
avant les 6 heures et 44,1% dans les 12 heures suivant le début de la douleur ( gure 1).
Du point de vue électrocardiographique, un sus-décalage de ST était observé chez
123 patients (84,8%). Cent quatorze ont évolué vers un IDM avec onde Q et neuf vers un
IDM sans onde Q. Vingt-deux patients (15,2%) avaient, par contre, une absence de sus-
décalage de ST à l’admission mais quinze patients ont développé une onde Q. Au total, 89%
des patients avaient une onde Q de nécrose à L’ECG. Par ailleurs, le territoire antérieur
était le plus souvent intéressé (71,7% des cas) et les infarctus circonférentiels
représentaient 17,5% des cas.
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Tableau II : Données cliniques concernant les 145 patients atteints d’IDM
Données Cliniques Nombre de cas (%)
N= 145
Signes fonctionnels
Douleurs thoraciques
Délai d’admission
Délai moyen (heures)
Arrivée avant la 6ème Heure
Arrivée avant la 12ème Heure
141 (97,3)
66 ± 112
30 (20,1)
64 (44,1)
Electrocardiogramme
Sus décalage ST
IDM avec onde Q
IDM sans onde Q
Absence de sus décalage ST
IDM avec onde Q
IDM sans onde Q
Territoire
antérieur
Non antérieur
Circonférentiel (antérieur + inférieur)
123 (84,8)
114 (78,6)
9 (6,2)
22 (15,2)
15 (10,3)
7 (4,8)
(71,7)
(28,3)
(16,4)
Des complications ont été observées dans 45,6% des cas. Les complications
hémodynamiques étaient les plus fréquentes (41,2%), surtout le stade 2 de Killip (90%)
( gure 2). La durée moyenne de séjour était de 16,2 ± 7,4 jours. Treize patients (9%) sont
décédés en cours d’hospitalisation.
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Tableau III : Données évolutives concernant les 145 patients atteints d’IDM
Données Evolutives Nombre de cas (%)
N= 145
Complications
Hémodynamiques
*Killip 2
Killip 3
Killip 4
Rythmiques
Mécaniques
Péricardiques
Thrombo-embolique
60(41,2)
54 (37,2)
4 (2,8)
2 (1,4)
32 (22)
4 (2,8)
4 (2,8)
3 (2,1)
Durée de séjour
Durée moyenne de séjour (jours) 16,2 ± 7,4
*La classi cation de Killip apprécie la sévérité de la complication hémodynamique. Plus le Killip
est élevé, plus l’atteinte est sévère.
COMMENTAIRES
Quoiqu’il existe des similitudes avec tous les IDM dans le monde, cette étude con rme
l’assertion selon laquelle l’IDM du noir africain présente des particularités. Ceci se voit
à plusieurs niveaux :
Données épidémiologiques
Du point de vue épidémiologique, l’IDM prédomine chez le sujet de sexe masculin.
Cette donnée est con rmée par tous les registres mondiaux et les travaux sur ce sujet en
Afrique. Cependant, le sex ratio est plus faible en Europe et aux Etats-Unis où on retrouve
25 à 37% de femmes (Myerson, 2009 ; Rogers J,2008 ; Di Chiaraa A, 2003 ;Danchin
N,1997) alors que l’on en comptabilise que 14% à 20% dans les données africaines
(Sacca-Vehounkpé,2005 ; Nguetta R, 2003 ; Seck M, 2007 ; Konin C, 2008).
L’IDM survient chez des patients relativement plus jeunes chez le noir africain avec un
âge moyen de 58 ans à Dakar (Seck M , 2007), 55 ans au Burkina (Nébié LV, 2005) et 56
ans à Abidjan (Nguetta R, 2003 ; Konin C, 2008). Dans le registre national américain l’âge
moyen des patients est 64 ans (Rogers, 2008) et dans celui de BLITZ en Italie, il est de 67
ans (Di Chiaraa, 2003). Dans l’étude InterHeart, étude mondiale s’intéressant aux facteurs
de risque impliqués dans la survenue de l’IDM, on voit que les Africains font leur premier
infarctus en moyenne 3,8 ans plus tôt que dans les autres continents (Steyn K, 2005).
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