1 Représentation d`un application linéaire par une matrice

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Matrices et applications linéaires
Introduction
Un hommage à René Descartes (17ième siècle) : en fixant un repère (resp. une base) un point
M(resp. un vecteur) objet ométrique est «numérisé» et devient alors un couple de nombres, ses
coordonnées (x, y), donc un objet numérique. De même une droite est alors représentée par une
équation cartésienne par exemple y= 2x3 ou une équation paramétrée (x(t), y(t)) = (t, 2t3), c’est-
à-dire une relation vérifiée par les coordonnées. Tout objet géométrique admet ainsi une représentation
numérique plus ou moins simple. Le cercle unité a par exemple pour équation cartésienne x2+y2= 1,
ou pour paramétrage (x(t), y(t)) = (cos t, sin t), le demi-plan supérieur a pour équation y>0...
De même, les transformations géométriques classiques, translations, rotations, homothéties (on dit
«zoom» en infographie), symétries seront codées par des matrices. Cette numérisation, permet de
faire de la géométrie en faisant des calculs dans le monde numérique. Il est intéressant à ce titre de
regarder avec votre moteur de recherche favori les mathématiques utilisées en infographie...
Si l’on change de repère ou de base, les coordonnées et les équations sont modifiées. Certaines
bases permettent d’avoir des calculs plus simples. La problématique du changement de base est donc
un enjeu majeur de l’Algèbre linéaire, qui est en quelque sorte «la géométrie dans des espaces de
dimension quelconque».
La morale de ce chapitre pourrait se résumer à ceci : je veux étudier un endomorphisme ude
E. Pour cela je cherche une «bonne» base dans laquelle la matrice de uest «sympatique», l’idéal
étant qu’elle soit diagonale (car faire des calculs avec une matrice diagonale, c’est très simple). Pour
trouver de bonnes bases, très souvent, on décompose Een somme directe de «bons» sous-espaces, et on
recolle les bases des sous-espaces pour obtenir une base de E. L’année prochaine, vous apprendrez des
techniques qui permettent d’obtenir ces bonnes bases, les polynômes annulateurs de matrices joueront
un rôle majeur.
1 Représentation d’un application linéaire par une matrice
1.1 Application linéaire canoniquement associée à une matrice
On considère la matrice Ade M3,2(K) et l’application linéaire u:K2K3définies par :
A=
2 3
4 5
3 7
et u(x, y) = (2x+ 3y, 4x+ 5y, 3x+ 7y).
Observons le produit matriciel
2 3
4 5
3 7
x
y!=
2x+ 3y
4x+ 5y
3x+ 7y
.
On dit que u∈ L(K2,K3) est l’application linéaire canoniquement associée à la matrice A. On
peut l’indentifier à l’application linéaire ˜u:M2,1(K)→ M3,1(K) définie par ˜u(X) = AX.
Grâce à cette identification, on pourra parler de noyau et d’image de la matrice A, qui s’identifieront
au noyau et à l’image de l’application linéaire ˜u. On remarque alors que :
les colonnes de Aengendrent l’image
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les lignes de Adonnent un système d’équations cartésiennes du noyau.
Remarquons enfin que si (e1, e2) est la base canonique de K2et (f1, f2, f3) celle de K3, on a :
u(e1) = f(1,0) = (2,4,3) = 2f1+ 4f23f3et u(e2) = 3f1+ 5f2+ 7f3.
Autrement dit, les coefficients de ces deux combinaisons linéaires constituent les colonnes de la
matrice A. C’est ce point de vue avec les bases que nous allons généraliser dans la sous-section suivante.
1.2 Matrice d’une application linéaire
Définition 1 Soit u∈ L(E, F ),BE= (e1,...,ep)une base de Eet BF= (f1,...,fn)une base de F.
On appelle matrice de urelative aux bases BE,BF, la matrice de Mn,p(K)notée MatBE,BF(u)dont les
coefficients ai,j sont définies par la relation :
jJ1, pK, u(ej) =
n
X
i=1
ai,j fi.
Réciproquement si A= (ai,j )est une matrice de Mn,p(K), il existe une unique application linéaire
u∈ L(E, F )telle que A=MatBE,BF(u).
Remarques :
si uest un endomorphisme de Edonc E=F, on prend en général la même base de «départ» et
d’«arrivée». On note alors plus simplement MatB(u) au lieu de MatB,B(u).
soit F= (x1,...,xp) est une famille de vecteurs de Fdont les coordonnées dans BFsont définies
par :
jJ1, pK, xj=
n
X
i=1
ai,j fi.
On dit que la matrice A= (ai,j ) est la matrice de la famille Fdans la base BF.
En particulier, si un vecteur xde Fa pour coordonnées (c1,...,cn) dans BF, sa matrice dans
BFest la matrice colonne t(c1···cn).
1.3 Un véritable dictionnaire : correspondance entre opérations sur les applica-
tions linéaires et opérations sur les matrices
Proposition 2 (Dictionnaire et opérations)
1. Soit uet vdans L(E, F ),λK,BE= (e1,...,ep)une base de Eet BF= (f1,...,fn)une base
de F. Alors
MatBE,BF(λu +v) = λMatBE,BF(u) + MatBE,BF(v)
2. Soit u∈ L(E, F ),v∈ L(F, G). Alors
MatBE,BG(vu) = MatBF,BG(v)×MatBE,BF(u)
Remarques :
comme on a prouvé que la composée d’applications linéaires était bilinéaire et associative, on en
déduit que le produit matriciel est bilinéaire et associatif.
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A l’inverse, une information sur la matrice donne de l’information sur l’application linéaire : si
par exemple Ap= 0 Aest la matrice d’un endomorphisme u, alors up= 0.
L’application u7→ MatBE,BF(u) est ainsi un isomorphisme entre les espaces vectoriels L(E, F )
et Mn,p(K). Cela permet de retrouver que
dim L(E, F ) = dim E×dim F.
Proposition 3 (Dictionnaire et inverse) Soit Eet Fdeux K-espaces vectoriels de même dimen-
sion de bases respectives BEet BF. Soit u∈ L(E, F )et Asa matrice relative aux bases Bet B. Alors
on a : uest un isomorphisme de Esur Fssi la matrice Aest inversible, et alors
MatB,B(u)1=MatB,B(u1)
Remarque : cela fournit un nouveau moyen de prouver qu’une matrice est inversible. Par exemple,
on peut montrer que la matrice A∈ Mn+1(K) définie par ai,j =j1
i1est inversible car matrice dans
la base canonique de Kn+1[X] de l’endomorphisme bijectif P7→ P(X+ 1).
Corollaire 4 (Inverse à gauche ou à droite suffit) Soit A∈ Mn(K). Les trois propositions sui-
vantes sont équivalentes :
Aest inversible
il existe B∈ Mn(K)tel que AB =In.
il existe C∈ Mn(K)tel que CA =In.
Remarque : la preuve de ce corollaire repose sur le fait qu’un endomorphisme en dimension finie
est bijectif ssi il est injectif.
Proposition 5 (Dictionnaire et image d’un vecteur) Soit u∈ L(E, F )et Asa matrice dans les
bases BEet BF. Soit xun vecteur de Eet Xla matrice colonne de ses coordonnées dans BE. Alors
la matrice colonne des coordonnées du vecteur u(x)dans la base BFest la matrice colonne AX.
Remarque : on retrouve donc que si uest l’endormorphisme de K2canoniquement associé à la
matrice A= 1 3
2 4!, on a u(2,3) = (11,16), car 1 3
2 4! 2
3!= 11
16!
1.4 Notion de rang d’une matrice
Proposition 6 (dictionnaire) Soit A∈ Mn,p(K). On appelle rang de la matrice Ale rang de la
famille (C1,...,Cp)de Knformée par les colonnes de A. Le rang de Aest aussi égal au rang de toute
application linéaire représentée par Apar rapport à n’importe quel couple de base.
Application : on calcule rg(A), on en déduit la dimension du noyau et on obtient alors rapidement
une base du noyau sans résoudre le système linéaire AX = 0. Par exemple, soit ul’endomorphisme de
K3canoniquement associé à la matrice
A=
2 2 6
3 0 9
4 4 12
.
On a rg(A) = rg(C1, C2, C3) = rg(C1, C2)=2 car C3= 3C1et (C1, C2) libre. Ainsi Im uest engendré
par (2,3,4) et (2,0,4). De plus, par le théorème du rang dim Ker u= 3 rg(u) = 1. Or C3= 3C1
donne u(e3) = 3u(e1) donc u(e33e1) = 0. Le vecteur e33e1constitue donc une base du noyau car
de dimension 1.
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Corollaire 7 (Propriétés du rang d’une matrice)
Soit A∈ Mn,p(K)on a rg(A)6min(n, p).
Soit A∈ Mn(K),Aest inversible ssi rg(A) = n.
Le rang d’une matrice n’est pas modifié si on la mulitiplie par une matrice inversible.
Nous verrons dans la dernière section, que les opérations élémentaires conservent le rang d’une
matrice, et qu’on pourra ainsi appliquer l’algorithme du pivot de Gauss pour calculer le rang d’une
matrice.
2 Changements de base
Problématique : soit u∈ L(E, F ), On note Asa matrice relative au couple de base (BE,BF) et A
sa matrice relative au couple de base (B
E,B
F). Quel est le lien matriciel entre les matrices Aet A?
2.1 Matrices de passage
Proposition 8 Si Bet si Bsont deux bases de E, on appelle matrice de passage de BàBla matrice
notée Pass(B,B)dont les colonnes sont les coordonnées des vecteurs de Bdans la base B. On a
aussi Pass(B,B) = MatB,B(idE), ainsi l’application identité étant bijective, on en déduit (DICO) que
Pass(B,B)est inversible et que son inverse est Pass(B,B).
2.2 Formules de changement de base
Proposition 9 (Relation entre deux matrices d’une même application linéaire) Si u∈ L(E, F ),
(avec des notations évidentes) si A=MatBE,BF(u), A=MatB
E,B
F(u),P=Pass(BE,B
E)et Q=
Pass(BF,B
F), on a
A=QAP1.
En particulier si uest un endomorphisme donc E=F, on a
A=P AP1.
Exemple «ma première réduction» : soit ul’endomorphisme de K2canoniquement associé à A=
5 4
32!. On sait que le polynôme P=X2Tr(A)X+ det A= (X1)(X2) est annulateur
de A. Les noyaux Ker(uid) et Ker(u2 id) vont ainsi jouer un rôle crucial 1: ils sont engendrés
respectivement par u1= (1,1) et u2= (4,3). La famille (u1, u2) est une base de K2et dans cette
base, la matrice de uest D= diag(1,2). On a ainsi A=P DP 1avec P= 1 4
13!.
Proposition 10 (Formule de changement de coordonnées) Soit xun vecteur de E. Soit Xla
matrice colonne des coordonnées de xdans la base Bet Xla matrice colonne des coordonnées de x
dans la base B. On note P=Pass(B,B). Alors
X=P Xet X=P1X.
1. Vous verrez l’année prochaine, «le lemme des noyaux» qui justifie que l’on aura K2= Ker(uid) Ker(u2 id)
car (X2) et (X1) sont premiers entre eux.
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2.3 Applications des changements de base
En trouvant de «bonnes bases», les objets géométriques (vecteurs ou applications linéaires) ont
des représentations numériques plus simples qui facilitent les calculs :
réduction de coniques en prenant une base polaire.
calculs de puissances et de racines carrées de matrices
calculs de commutants
classification des matrices à équivalence et à similitude près (cf section suivante).
3 Classification des matrices
3.1 Matrices équivalentes
Définition 11 Deux matrices Aet Bde Mn,p(K)sont dites équivalentes s’il existe deux matrices
inversibles PGLn(K)et QGLp(K)telles que A=P BQ. Cela revient à dire que Aet Bcodent
une même application linéaire mais relativement à deux couples de base ventuellement) différents.
Remarque : la relation «matrices équivalentes» est une relation d’équivalence sur Mn,p(K).
Le résultat suivant donne un représentant simple des matrices de rang r.
Théorème 12 (Représentant d’une matrice de rang r)Soit Aune matrice de Mn,p(K)de rang
r. Alors Aest équivalente à la matrice bloc Jr=diag(Ir,0).
Corollaire 13 (Le rang, invariant total) Deux matrices de Mn,p(K)sont équivalentes ssi elles
ont même rang.
Corollaire 14 (Conservation du rang par transposition) Une matrice et sa transposée ont même
rang.
Puisque le rang d’une matrice est le rang des ses vecteurs colonnes, par transposition, on en déduit
qu’il est aussi égal au rang de ses vecteurs lignes.
3.2 Matrices semblables
Définition 15 Deux matrices Aet Bde Mn(K)sont dites semblables s’il existe une matrice inversible
PGLn(K)telles que A=P BP 1. Cela revient à dire que Aet Bcodent un même endomorphisme
mais dans une base différente (sauf si A=B).
Remarques :
la notion de matrices semblables ne vaut que pour des matrices carrées.
la relation «matrices semblables» est une relation d’équivalence sur Mn(K).
Si deux matrices sont semblables, elles sont en particulier équivalentes. La réciproque est fausse,
car par exemple I2et diag(1,1) sont équivalentes car de rang 2 mais non semblables car la seule
matrice semblable à Inest In.
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