macroscopique (comme sa pression, sa température, sa chaleur spécifique ou sa viscosité).
Les équations différentielles régissant la dynamique des positions et vitesses des
constituants élémentaires s’écrivent formellement sans peine, mais elles sont inexploitables.
La difficulté réside dans le nombre gigantesque de variables : 1 mm
3
d’air comporte 3.10
16
molécules ! Une telle masse de données ne pourra jamais être manipulée, même à l’aide des
moyens informatiques les plus puissants, et il est totalement impensable de caractériser
dans quel état microscopique se trouve le gaz qui nous intéresse.
La description théorique détaillée d’un système individuel étant inaccessible, il reste
une échappatoire : étudier non pas un échantillon particulier de gaz, mais un ensemble
statistique d’échantillons, tous préparés dans des conditions macroscopiques similaires. Si
par exemple on ne se donne que le nombre de particules et leur énergie totale, les positions
et vitesses des molécules constitutives restent largement indéterminées ; on doit alors se
contenter d’une étude statistique. On abandonne ainsi une description déterministe
inaccessible au profit d’une description probabiliste, qui se révèle maîtrisable. Dans ce
cadre, rien a priori n’interdit à une grandeur collective macroscopique comme la pression
du gaz de faire l’objet de fluctuations statistiques : cette grandeur pourrait être mal définie,
varier dans l’espace ou dans le temps. Mais l’immensité du nombre de molécules, qui nous
avait interdit de concevoir une description détaillée du gaz, a une contrepartie favorable. En
théorie des probabilités, la loi mathématique des grands nombres permet de faire certaines
prévisions avec une quasi certitude malgré le caractère aléatoire des processus
élémentaires ; par exemple, lors d’un grand nombre N de lancers d’une pièce de monnaie, le
rapport entre les nombres de pile et de face sera presque toujours voisin de l’unité, à 1/√N
près. De même, malgré notre énorme incertitude sur les positions et vitesses des molécules
individuelles, les fluctuations statistiques de la pression sont négligeables grâce au grand
nombre de particules, de sorte que cette grandeur apparaît à notre échelle comme bien
définie, uniforme et constante dans le temps. Bien que la théorie parte d’une description
microscopique fortement aléatoire, elle permet d’établir un comportement macroscopique
bien déterminé, en accord avec l’observation.
Ce genre d’approche, où des systèmes formés d’un très grand nombre de
constituants élémentaires sont traités par des méthodes probabilistes, a connu tout au long
du XX
e
siècle des développements considérables, donnant naissance à l’une des branches le
plus vivantes de la physique théorique contemporaine, la physique statistique. A l’échelle
atomique, tous les matériaux ont une structure simple et universelle : ils sont constitués de
noyaux atomiques et d’électrons en interaction coulombienne. L’état d’un objet, caractérisé
à notre échelle par un nombre relativement faible de variables collectives, est décrit à
l’échelle microscopique par une loi de probabilité, et c’est de celle-ci que l’on cherche à
déduire le comportement macroscopique de l’objet. On a réussi ainsi à comprendre et
calculer les propriétés macroscopiques les plus diverses (mécaniques, thermiques,
électriques, optiques, magnétiques, dynamiques, etc.) de toutes sortes de matériaux. De
plus, on retrouve les « principes » de la thermodynamique comme de simples conséquences
des lois microscopiques. Un aspect remarquable de ce passage du microscopique au
macroscopique est l’émergence de phénomènes qualitativement nouveaux comme
l’irréversibilité ou les transitions de phase. Grâce à la loi des grands nombres, le caractère
aléatoire microscopique est masqué au profit d’un déterminisme macroscopique. La théorie
rend aussi compte des fluctuations statistiques, observables dans certaines circonstances.
Chaos déterministe. La dynamique des fluides peut exhiber à notre échelle un
caractère aléatoire d’un autre type, la turbulence. Dans un écoulement laminaire, comme