RISQUES : RÉALITÉ ET PERCEPTION
13
© Éditions d’Organisation
sieurs acteurs économiques, et leurs conséquences devenaient plus lourdes à
supporter, voire dramatiques.
La conscience que le risque n’est pas une fatalité, mais la résultante d’une com-
binaison d’événements fut aussi le moteur de la notion d’entreprise, tant il est
vrai qu’entreprendre est savoir prendre des risques, ce qui ne pouvait que favori-
ser le développement industriel, domaine privilégié de la prise de risque volon-
taire et rationnelle.
Le XIXe siècle verra ces facteurs se conjuguer dans la spirale de notre monde
moderne : la conscience de la logique déterministe du risque, qui justifie qu’on
« tente sa chance » au travers du système industriel capitaliste, la complexité du
risque créé par ce même système, enfin les modèles mathématiques permettant
la prédiction sur la base des observations, fondements de l’assurance. Les entre-
preneurs, soutenus par la prise de risque du capital, développent grâce aux
scientifiques la machine industrielle sous la protection de l’assurance qui garan-
tit que seul restera le risque de gagner ! La synergie entre l’esprit d’aventure, qui
projette dans l’avenir, et la peur de l’échec, qui impose anticipation et assurance,
permettront le formidable développement du monde moderne.
On voit bien qu’au moment où ils comprenaient qu’un événement est le résultat
d’une chaîne d’évènements antérieurs, complexe mais déterministe, nos pères
ont intuitivement séparé les chances de gagner, qu’ils ont jugé être le fruit de
l’esprit d’entreprise, de celles de perdre, qu’ils ont confiées aux assureurs. Cette
dichotomie, pour ne pas parler de schizophrénie, persiste encore aujourd’hui :
l’entrepreneur se juge maître des risques qu’il veut prendre, et n’hésite pas à bâtir
des « arbres des causes » complexes pour atteindre ses objectifs, mais refuse de
faire la même analyse pour les risques négatifs, car ce sont pour lui des échecs
qu’il refuse d’envisager, mais aussi parce que l’assurance en fait son affaire...ou
tout au moins le lui laisse croire !
Ainsi s’explique que la Gestion des Risques ait autant de mal à émerger, alors
que jamais elle n’a été aussi nécessaire qu’aujourd’hui, les risques croissants
pour l’entreprise comme pour la société, et l’assurance réduisant chaque jour la
réponse qu’elle peut y apporter.
Panorama des risques aujourd’hui
Les risques sont une composante incontournable de la vie. Sans risque, il n’y a
pas de vie. Cependant, la vie moderne fait peser sur le citoyen des risques qu’il
ne maîtrise pas, qui lui font peur, et qu’en règle générale il refuse en fonction de
l’analyse intuitive qu’il fait entre risque et bénéfice, analyse qui dépend statisti-
quement de nombreux facteurs, tels que l’âge, le sexe, le niveau d’éducation,
etc.
3