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Un licenciement disciplinaire ne peut être fondé sur la
vie privée du salarié
le 18 mars 2011
SOCIAL | Rupture du contrat de travail
Soc. 9 mars 2011, FS-P+B, n° 09-42.150
La Cour de cassation, dans un arrêt du 9 mars 2011, confirme, une nouvelle fois, sa jurisprudence
relative aux troubles résultant d’un fait de vie personnelle en prohibant la voie du licenciement
disciplinaire. En matière de faute du salarié et de licenciement subséquent, la chambre sociale de
la Cour de cassation opère, on le sait, une distinction selon que le fait fautif ait été commis soit à
l’encontre des obligations contractuelles du salarié dans le cadre de l’entreprise, soit dans le cadre
de sa vie privée. Dans le second cas, le salarié bénéficie, a priori, grâce à l’article 9 du code civil,
d’une immunité pour les actes relevant de sa vie personnelle, à moins que la révélation du fait
fautif n’entraîne des troubles objectifs dans l’entreprise (sur le concept de trouble objectif, V. P.
Waquet, Le « trouble objectif dans l’entreprise » : une notion à redéfinir, RDT 2006. 304 ).
Ainsi, lorsque le comportement crée un tel trouble, compte tenudes fonctions du salarié et de la
finalité de l’entreprise, le salarié peut voir son contrat de travail rompu (Soc. 20 nov. 1991, Bull. civ.
V, n° 512 ; D. 1992. IR 25 ; Dr. soc. 1992. 79), le trouble devant être objectif (Soc. 16 mars 2004,
n° 01-45.062, RTD civ. 2004. 729, obs. J. Mestre et B. Fages ). Quoi qu’il en soit, le trouble, même
manifeste, ne peut justifier un licenciement disciplinaire (Soc. 26 janv. 2010, n° 08-41.052, RDSS
2010. 380, obs. D. Boulmier ; 27 janv. 2010, n° 08-45.566, RDSS 2010. 382, obs. D. Boulmier ).
En l’espèce, le directeur général adjoint de Radio France internationale (RFI) avait publié, en 2004,
à titre personnel, un ouvrage, « Le Mur de Sharon », dénonçant la politique israélienne. À l’occasion
de la promotion de l’ouvrage, il s’était exprimé sur une autre radio de façon « intolérable » selon les
syndicats du personnel de RFI (les thèses développées par l’auteur dans son ouvrage ont été
qualifiées de « caractéristiques de la propagande antisémite […] aussi absurdes que dangereuses
», Le Monde diplomatique, juill. 2005). Outre de nombreux courriels indignés reçus par RFI, ce qui
constituait, selon l’employeur, un premier trouble au sein de l’entreprise, le quotidien Libération a
ensuite publié de nouveaux propos polémiques du directeur général, article ayant conduit à
l’adoption d’une motion par une assemblée générale appelée par toutes les formations syndicales
de RFI, puis à un licenciement pour faute.
La cour d’appel de Paris, dans un arrêtdu 6 mars 2009, avait infirmé la décision prud’homale en
estimant que les propos litigieux avaient été émis « dans le cadre de la liberté d’expression de
l’auteur, insusceptible de tomber sous le coup du pouvoir disciplinaire de l’employeur ». La Cour de
cassation reste, quant à elle, fidèle à sa jurisprudence et approuve le raisonnement des juges du
fond : les faits commis en dehors de l’entreprise échappent au contrôle de l’employeur et ne
peuvent justifier un licenciement disciplinaire. Ainsi, lorsque le fait relevant de la vie personnelle du
salarié occasionne un trouble au sein de l’entreprise, il ne peut donner lieu à sanction disciplinaire
puisque le droit disciplinaire ne trouve à s’exercer que dans le cadre du contrat de travail ; il ne
peut conduire, donc, qu’à une mesure destinée à mettre fin au trouble (qui, en pratique, aura
cependant la même finalité que le licenciement disciplinaire, à savoir la rupture du contrat de
travail). L’employeur se doit donc, dans un tel cas de figure, d’être particulièrement attentif à
l’esprit et à la motivation du licenciement.
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