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Structure de groupe
On suppose construits les ensembles usuels N,Z,Q,Ret Cavec les quatre opérations
classiques. Nous reviendrons plus loin sur les constructions de Zà partir de N,de Qà partir
de Z,de Rà partir de Qet de Cà partir de R.
L’étude préliminaire de l’algèbre linéaire a nécessité l’utilisation des notions de groupe, an-
neau et corps sans une étude très approfondie.
On se propose dans ce chapitre et les deux suivants d’étudier plus en détail ces structures
algébriques de base.
Les résultats de base en algèbre linéaire sont supposés acquis.
Les espaces de matrices (réelles ou complexes) ainsi que les espaces de fonctions polynomiales
(à coefficients réels ou complexes) nous seront utiles pour illustrer certaines notions.
Nous supposerons également acquises les notions basiques d’arithmétique (division eucli-
dienne, pgcd,ppcm,...). Pour a, b entiers relatifs, on note respectivement abet able pgcd
et le ppcm de aet b.
20.1 Loi de composition interne
Définition 20.1 On appelle loi de composition interne sur un ensemble non vide Gtoute
application ϕdéfinie sur G×Get à valeurs dans G.
Si ϕest loi de composition interne sur G, on notera souvent :
(a, b)G2, a ? b =ϕ(a, b).
Il sera parfois commode de noter une telle loi sous la forme additive (a, b)7→ a+bou sous
la forme multiplicative (a, b)7→ a·bou plus simplement (a, b)7→ ab.
On notera (G, ?)l’ensemble non vide Gmuni de la loi de composition interne ?.
Exemple 20.1 L’addition et la multiplication usuelles sont des lois de composition interne sur
N,Z,Q,Ret C.
Exemple 20.2 Si Eest un ensemble non vide et P(E)l’ensemble de toutes les parties de E,
les applications :
(A, B)7→ AB, (A, B)7→ AB, (A, B)7→ A4B= (AB)\(AB)
sont des lois de composition interne sur P(E)(4est l’opérateur de différence symétrique).
377
378 Structure de groupe
Exemple 20.3 Si Eest un ensemble non vide et F(E)l’ensemble de toutes les applications
de Edans E, alors l’application de composition (f, g)7→ fgest une loi de composition interne
sur F(E).
Exemple 20.4 Dans l’ensemble Mn(R)des matrices carrées d’ordre nà coefficients réels les
opérations usuelles d’addition (A, B)7→ A+Bet de multiplication (A, B)7→ AB sont des lois
de composition interne.
Exemple 20.5 Dans l’ensemble GLn(R)des matrices carrées d’ordre nà coefficients réels
inversibles l’addition n’est pas une loi interne (si Aest inversible, il en est de même de B=A
et la somme A+B= 0 ne l’est pas) et la multiplication est une loi interne.
Définition 20.2 Soit Gun ensemble non vide muni d’une loi de composition interne (a, b)7→
a ? b. On dit que :
1. cette loi est associative si :
(a, b, c)G3,(a?b)? c =a ? (b?c)
2. cette loi est commutative si :
(a, b)G2, a ? b =b?a
3. eest un élément neutre pour cette loi si :
aG, a ? e =e?a=a
4. un élément ade Gest dit régulier (ou simplifiable) si :
(b, c)G2,½a?b=a ? c b=c,
b?a=c ? a b=c.
Remarque 20.1 Dire qu’un élément aGest régulier à gauche [resp. à droite] signifie que
l’application g7→ a ? g [resp. g7→ g ? a] est injective.
Si ?est une loi de composition interne associative sur G, on écrira a ? b ? c pour (a?b)? c
ou a ? (b?c).
De manière plus générale, toujours dans le cas d’une loi associative, on peut effectuer les
opérations a1? a2?···? anoù les ajsont des éléments de G, ce que l’on notera n
Q
j=1
ajdans le cas
d’une loi multiplicative ou n
P
j=1
ajdans le cas d’une loi additive. Ce produit (ou cette somme)
est donc défini par a1Get supposant n1
Q
j=1
ajconstruit pour n2,on a :
n
Y
j=1
aj=
n1
Y
j=1
aj? an
le parenthésage étant sans importance du fait de l’associativité.
Pour n= 0,il sera commode de noter n
Q
j=1
aj= 1 (ou n
P
j=1
aj= 0 dans le cas d’une loi additive).
Loi de composition interne 379
Dans le cas où tous les ajsont égaux à un même élément a, ce produit est noté anet on dit
que c’est la puissance n-ième de a. On retiendra que ces éléments de Gsont donc définis par la
relation de récurrence : ½a0= 1
nN, an+1 =an? a
Dans le cas où la loi est notée additivement, on note plutôt na au lieu de an.
On vérifie facilement que an? am=am? an=an+m[resp. (na)+(ma)=(ma) + (na) =
(n+m)apour une loi additive] pour tous n, m dans N(voir le théorème 20.9).
Exemple 20.6 Les opérations usuelles d’addition et de multiplication sont commutatives et
associatives sur G=N,Z,Q,Rou C.0est un élément neutre pour l’addition et 1est un
élément neutre pour la multiplication pour chacun de ces ensembles. Tous les éléments de G
sont simplifiables pour l’addition et tous les éléments de G=G\ {0}sont simplifiables pour
la multiplication.
Exemple 20.7 Si Eest un ensemble non vide, les opérations et sont commutatives et
associatives sur P(E).L’ensemble vide est un élément neutre pour et Eest un élément
neutre pour l’intersection .
Exemple 20.8 Si Eest un ensemble non vide la composition des applications est associative
et non commutative dans F(E).L’identité est un élément neutre pour cette loi.
Exemple 20.9 Dans Mn(R)l’addition est associative et commutative et la multiplication est
associative et non commutative.
Exercice 20.1 Montrer que le produit vectoriel est une loi de composition interne non asso-
ciative sur R3.
Solution 20.1 On rappelle que ce produit vectoriel est la loi interne définie par :
x
y
z
x0
y0
z0
=
yz0y0z
x0zxz0
xy0x0y
.
En désignant par ³
ı ,
,
k´la base canonique de R3,on a :
³
k´=
ı=
k , ³
j
´
k=
0
k=
0.
Cette loi n’est donc pas associative.
Comme
u
v=
v
u , cette loi n’est pas commutative (il existe des vecteurs tels que
v
u6=
0).
Théorème 20.1 Soit (G, ?)un ensemble non vide muni d’une loi de composition interne. Si
Gadmet un élément neutre, alors ce dernier est unique.
Démonstration. Soient e, e0deux éléments neutres. On a alors e=e?e0puisque e0est
neutre et e0=e?e0puisque eest neutre, ce qui implique e=e0.
Définition 20.3 Soit (G, ?)un ensemble non vide muni d’une loi de composition interne et
admettant un élément neutre e. On dit qu’un élément ade Gest inversible s’il existe un élément
a0dans Gtel que a ? a0=a0? a =e. On dit alors que a0est un inverse (ou un symétrique) de
adans G.
380 Structure de groupe
Théorème 20.2 Soit (G, ?)un ensemble non vide muni d’une loi de composition interne as-
sociative et admettant un élément neutre e. Si aGadmet un inverse dans G, alors ce dernier
est unique.
Démonstration. Supposons que aGadmette deux inverses a0et a00.On a alors :
a0?a?a00 = (a0? a)? a00 =e ? a00 =a00
puisque la loi est associative et a0est inverse de aet :
a0?a?a00 =a0?(a?a00) = a0? e =a0
puisque a00 est inverse de a, ce qui implique a0=a00.
Remarque 20.2 Pour une loi non associative, l’unicité du symétrique n’est pas assurée. Par
exemple dans l’ensemble G={0,1,1}muni de la loi définie par la table :
?01 1
0 0 1 1
1100
1 1 0 0
0est neutre et 1?1 = 1 ?(1) = 0.
En cas d’existence, on notera a1un inverse de adans (G, ?),la loi ?étant associative.
Dans le cas d’une loi de composition interne notée de façon additive, on notera plutôt a
un inverse de aet on l’appellera opposé.
Exemple 20.10 Dans (N,+) seul 0a un opposé et dans (N,·)seul 1a un inverse.
Exemple 20.11 Dans (Z,+) tout élément admet un opposé et dans (Z,·)les seuls éléments
inversibles sont 1et 1.
Exemple 20.12 Dans (R[x],+) tout élément admet un opposé et dans (R[x],·)les seuls
éléments inversibles sont les polynômes constants non nuls.
Exemple 20.13 Le cours d’algèbre linéaire nous dit que l’ensemble des éléments inversibles de
(Mn(R),·)est GLn(R).
20.2 Groupes
Définition 20.4 Un groupe est un ensemble non vide Gmuni d’une loi de composition interne
?possédant les propriétés suivantes :
la loi ?est associative ;
il existe un élément neutre epour la loi ?;
tout élément de Gadmet un symétrique.
Si de plus la loi ?est commutative, on dit que le groupe Gest commutatif ou abélien.
En général, s’il n’y pas de confusion possible, on dira tout simplement que Gest un groupe
pour (G, ?)est un groupe et on notera ab ou a+ble résultat de l’opération a ? b. Avec la
première notation, on dit que Gest un groupe multiplicatif et on notera 1l’élément neutre,
a1le symétrique d’un élément ade Get avec la seconde notation, on dit que Gest un groupe
additif et on notera 0l’élément neutre, ale symétrique qu’on appelle opposé.
Groupes 381
Exemple 20.14 Les ensembles Z,Q,Ret Cmunis de l’addition usuelle sont des groupes
abéliens.
Exemple 20.15 L’ensemble Nmuni de l’addition usuelle n’est pas un groupe du fait qu’un
élément non nul de Nn’a pas d’opposé dans N(l’équation a+x= 0 avec a6= 0 dans Nn’a pas
de solution dans N).
Exemple 20.16 Les ensembles Q,Ret Cmunis de la multiplication usuelle sont des groupes
abéliens.
Exemple 20.17 L’ensemble Zmuni de la multiplication usuelle n’est pas un groupe du fait
qu’un élément de Z\{−1,0,1}n’a pas d’inverse dans Z(l’équation ax = 1 avec aZ\{−1,0,1}
n’a pas de solution dans Z).
Exemple 20.18 Si Eest un ensemble non vide, l’ensemble P(E)est alors un groupe pour
l’opération de différence symétrique : (A, B)7→ A4B= (AB)\(AB).
Exemple 20.19 Si Eest un ensemble non vide, l’ensemble des bijections de Edans lui même
muni de la composition des applications est un groupe (en général non abélien). Ce groupe est
le groupe des permutations de E, il est noté S(E)ou S(E).
Exemple 20.20 L’ensemble Mn(R)des matrices carrées d’ordre nà coefficients réels est un
groupe additif, mais non multiplicatif.
Exemple 20.21 L’ensemble GLn(R)des matrices carrées d’ordre nà coefficients réels et in-
versibles est un groupe multiplicatif, mais non additif.
Théorème 20.3 Dans un groupe (G, ?)tout élément est simplifiable.
Démonstration. Soient a, b, c dans G. Si a?b=a ? c, on a alors a1? a ? b =a1? a ? c,
soit b=c. De même si b?a=c ? a, alors b ? a ? a1=c?a?a1,soit b=c.
Exercice 20.2 Montrer que si (G, ?)est un groupe, alors pour tout aG, la translation à
gauche ga:x7→ ax[resp. à droite da:x7→ xa] est une bijection de Gd’inverse ga1[resp.
da1].
Solution 20.2 L’égalité ga(x) = ga(y)équivaut à ax=ayet multipliant à gauche par
a1,on en déduit que x=y. L’application gaest donc injective.
Pour yG, l’équation ga(x) = yéquivaut à ax=y, ce qui entraîne x=a1y. L’application
gaest donc surjective.
En fait comme, pour tout yG, l’équation ga(x) = ya pour unique solution x=a1y, on
duit immédiatement que gaest bijective d’inverse ga1.
Exercice 20.3 Montrer que si (G, ?)est un groupe et Eun ensemble non vide, alors l’ensemble
GEdes applications de Edans Gmuni de la loi ·définie par :
(f, g)GE×GE,xE, (f·g) (x) = f(x)? g (x)
est un groupe et que ce groupe est commutatif si Gl’est.
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