Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
LIMITE DUNE SUITE
1GÉNÉRALITÉS SUR LES SUITES RÉELLES
Définition (Suite réelle) On appelle suite (réelle) toute fonction ude Ndans R. Pour tout nN, on préfère noter unle
réel u(n), et (un)nNou (un)n¾0la suite u.
Explication
On travaillera seulement dans ce chapitre avec des suites définies sur tout N, mais on pourrait bien sûr travailer avec
des suites définies sur des ensembles de la forme ¹n0,+¹avec n0N.
Il existe au moins deux manières courantes de représenter une suite (un)nN:
soit comme une fonction de Ndans R, c’est-à-dire de manière plane avec Nen abscisse et Ren ordonnée,
soit comme un ensemble de points le long d’un axe.
n
un
01 2
u0
u1
u2
u3
u4u5
u6
u7
u8
u9
u10 u11
u12
Définition (Vocabulaire usuel sur les suites réelles) Soit (un)nNune suite réelle.
On dit que (un)nNest majorée si unnNest une partie majorée de R, i.e. si : MR/nN,unM.
Un tel Mest appelé UN majorant de (un)nN. On dit aussi que (un)nNest majorée par M ou que M majore (un)nN.
On dispose bien sûr d’une définition analogue des suites minorées.
On dit que (un)nNest bornée si elle est à la fois majorée et minorée, i.e. si : KR+/nN,|un|K.
On dit que (un)nNest positive si elle est minorée par 0, i.e. si pout tout nN:un¾0.
On dispose bien sûr d’une définition analogue des suites négatives.
On dit que (un)nNest croissante (resp. strictement croissante) si pour tout nN:unun+1(resp. un<un+1).
On dispose bien sûr de définitions analogues des suites décroissantes et strictement décroissantes.
On dit que (un)nNest monotone (resp. strictement monotone) si elle est croissante ou décroissante (resp. stricte-
ment croissante ou strictement décroissante).
$ATTENTION !$Une suite majorée ne possède JAMAIS UN SEUL MAJORANT. Une suite majorée par 2 l’est aussi par
3, π,p15.. . Par ailleurs :
Les majorants d’une suite sont par définition des constantes. Une majoration de un
par un réel QUI DÉPEND DE nNE montre PAS que la suite (un)nNest majorée.
En pratique Pour montrer qu’une suite (un)nNest monotone, deux méthodes courantes :
étudier le signe de un+1un,
SI un>0POUR TOUT nN:étudier la position de un+1
un
par rapport à 1 — méthode intéressante
surtout lorsque unest défini par des produits et des quotients et qu’on peut espérer des simplifications.
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Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
Exemple Pour tout nN, on pose : un=2n
n+1. Alors la suite (un)nNest croissante.
En effet Les deux méthodes de différence et quotient sont envisageables ici. Au choix, donc, pour tout nN:
Différence : un+1un=2n+1
n+22n
n+1=2n
(n+1)(n+2)2(n+1)(n+2)=2nn
(n+1)(n+2)¾0.
Quotient : un>0ET un+1
un
=2n+1
n+2×n+1
2n=2(n+1)
n+2=(n+2) + n
n+2=1+n
n+2¾1.
Définition (Propriété vraie à partir d’un certain rang) Soient (un)nNune suite et P= (Pn)nNune suite de
propositions portant sur (un)nN. On dit que (un)nNvérifie la propriété Pà partir d’un certain rang s’il existe NNtel
que pour tout n¾N, la proposition Pnsoit vraie.
Explication Ce qu’une suite a d’intéressant, ce ne sont pas ses premiers termes mais son comportement « à
l’infini ». Si par exemple tous ses termes sont majorés par 1 sauf les 30 premiers, on a bien envie de dire que la suite est
« presque » majorée par 1. Pour être exact, on dit qu’elle est majorée par 1 à partir d’un certain rang.
Explication On peut définir une suite principalement de deux façons — soit explicitement, soit implicitement par
récurrence. Ceci ne veut pas dire qu’il y a deux sortes de suites, ce sont là seulement deux manières de les définir. Une suite
géométrique, par exemple, peut être définie aussi bien explicitement — « un=qnu0» — que par récurrence — « un+1=qun».
Suites définies explicitement : Définir une suite (un)nNexplicitement, c’est la définir à l’aide d’une certaine fonc-
tion fpar une expression « un=f(n)». Avec une telle définition il n’est pas difficile de calculer u1000, on calcule
directement f(1000).
De nombreuses propriétés de fse transmettent alors telles quelles à (un)nN, qui n’est après tout que la restriction de
fàN— ainsi la monotonie, le signe et le caractère majoré/minoré/borné.
fest bornée... .. . donc (un)nNest bornée. fest croissante... .. . donc (un)nNest croissante.
Suites récurrentes définies par une relation « un+1=f(un)» : On peut définir une suite (un)nNpar récurrence par
la donnée de son premier terme u0et d’une relation « un+1=f(un)» où fest une fonction. Une telle définition présente
un énorme inconvénient, on est obligé pour calculer u1000 de calculer les uns après les autres u1,...,u999,u1000.
$ATTENTION !$
Pour une suite récurrente (un)nNfest croissante =(un)nNest croissante.
définie par une relation
«un+1=f(un)» : fest décroissante =(un)nNest décroissante.
y=f(x)
y=x
u0
u1
u2
u3
...
fest croissante MAIS (un)nNdécroissante.
y=f(x)
y=x
u0
u1u2
u3u4
u5...
fest décroissante MAIS (un)nNn’est même pas monotone.
Nous reviendrons plus longuement dans un prochain paragraphe sur les suites récurrentes « un+1=f(un)».
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2LIMITE DUNE SUITE RÉELLE DANS R
La notion de voisinage, issue d’une partie des mathématiques appelée topologie, n’est pas au programme de MPSI mais
elle facilite grandement la compréhension des limites. Je ne vous en donne ci-dessous qu’une DÉFINITION SIMPLIFIÉE.
Définition (Voisinage d’un point dans R, définition simplifiée) Soit R. On appelle voisinage de (dans R) :
si R, tout intervalle de la forme ]ǫ,+ǫ[avec ǫ > 0,
si = +, tout intervalle de la forme ]A,+[avec AR,
si =−∞, tout intervalle de la forme ]−∞,A[avec AR.
Explication L’idée, c’est qu’un voisinage de contient tous les réels « à proximité immédiate » de .
−∞ +∞ −∞ +∞ −∞ +
Voisinage de −∞
A
ǫ
Voisinage de RVoisinage de +
A
Théorème (Deux points distincts ont des voisinages disjoints) Soient ,R. Si 6=, il existe un voisinage Vde
et un voisinage Vde pour lesquels V ∩ V =.
Démonstration Nous ne traiterons que deux cas caractéristiques, les autres se traitent de la même manière.
−∞ +
ǫ ǫ ǫ
VVCas où ,Ravec ℓ < ℓ:Posons : ǫ=
3, puis : V= ]ǫ,+ǫ[et
V= ]ǫ,+ǫ[. Alors Vest un voisinage de ,Vun voisinage de et : V V =.
−∞ +
1
2
VVCas où Ret = +:Posons : V= ]1,+1[et V= ]+2,+[. Alors
Vest un voisinage de ,Vun voisinage de = +et : V V =.
La définition suivante est l’objet central de ce chapitre.
Définition (Limite d’une suite) Soient (un)nNune suite et R.
Définition générale : On dit que (un)nNadmet pour limite si tout voisinage de contient tous les unà partir
d’un certain rang, i.e. si :
pour tout voisinage Vde ,unappartient à Và partir d’un certain rang.
Cas d’une limite finie : Lorsque R, on dit que (un)nNadmet pour limite si :
ǫ > 0, NN/nN,n¾N=⇒ |un|< ǫ,
ou bien de manière plus concise, si : ǫ > 0, NN/n¾N,|un|< ǫ.
Cas de la limite +:On dit que (un)nNadmet +pour limite si :
A>0, NN/nN,n¾N=un>A,
ou bien de manière plus concise, si : A>0, NN/n¾N,un>A.
Cas de la limite −∞ :On dit que (un)nNadmet −∞ pour limite si :
A<0, NN/nN,n¾N=un<A,
ou bien de manière plus concise, si : A<0, NN/n¾N,un<A.
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En pratique On peut montrer que les inégalités strictes « |un|< ǫ », « un>A» et « un<A» peuvent être
remplacées par des inégalités larges « |un|ǫ», « un¾A» et « unA», cela n’affecte pas la notion de limite. Pour une
raison qui dépasse ce cours, les mathématiciens considèrent que les inégalités strictes sont plus adaptées, mais les inégalités
larges vous sembleront peut-être plus facile à manipuler.
Inégalités STRICTES ou inégalités LARGES, choisissez ce que vous préférez.
Explication Ces définitions un peu obscures au premier abord satisfont en réalité parfaitement l’intuition que
nous avons des limites. Nous nous contenterons de trois remarques en guise d’explication.
Trois voisinages V1,V2et V3ne suffisent pas à forcer (un)nNà tendre vers . Il est essentiel que la définition de la
limite commence par : « POUR TOUT voisinage Vde ».
V1
ǫ1
Tous les un
à partir de N1
V2
ǫ2
Tous les un
à partir de N2
V3
ǫ3
Tous les un
à partir de N3
Ces figures illustrent le cas d’une limite finie mais le principe est le même dans les cas infinis.
Intuitivement, les premiers termes de la suite (un)nNne doivent pas compter quand on s’intéresse à sa limite. C’est
pour cela que la définition de la limite piège undans des voisinages de À PARTIR DUN CERTAIN RANG.
Intuitivement, plus le voisinage Vest petit, plus le rang Nest grand.
Théorème (Unicité de la limite) Soit (un)nNune suite. Si (un)nNpossède une limite, elle est unique et notée lim
n+un.
Pour tout R, la relation : lim
n+un=est souvent notée : un
n+.
Démonstration Soient ,R. On veut montrer, sous l’hypothèse que (un)nNadmet et pour limites,
que : =. Supposons par l’absurde que : 6=. Il existe alors un voisinage Vde et un voisinage
Vde pour lesquels : V ∩ V =. Or, par hypothèse : un∈ V à partir d’un certain rang Net :
un V à partir d’un certain rang N. Si nous posons : n0=max ¦N,N©, alors : un0 V V =
contradiction !
V
Tous les un
à partir de n0
V
Tous les un
à partir de n0
FOLIE !
Explication Il y a une idée importante dans cette preuve que nous allons retrouver tout au long du chapitre. Si
une certaine propriété P1est vraie à partir d’un rang N1, une certaine propriété P2vraie à partir d’un rang N2... et enfin
une certaine propriété Pkvraie à partir d’un rang Nk, alors à partir du rang : n0=max ¦N1,...,Nk©, les propriétés
P1,...,Pksont TOUTES vraies en même temps.
Définition (Convergence/divergence) Soit (un)nNune suite. On dit que (un)nNest convergente ou qu’elle converge si
elle possède une limite FINIE. On dit sinon qu’elle est divergente ou qu’elle diverge.
Limite
finie
Limite
±∞
Pas de
limite
Convergence Divergence
$ATTENTION !$« Converger » n’est pas « avoir une limite » mais « avoir une
limite FINIE ». « Diverger » n’est pas « avoir ±∞ pour limite », mais éventuellement
« ne pas avoir de limite ».
Théorème (Convergence et caractère borné) Toute suite convergente est bornée.
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Démonstration Soit (un)nNune suite convergente, disons de limite R. Pour ǫ=1, la définition de la
limite affirme que l’inégalité : |un|<1 est vraie à partir d’un certain rang N. Ainsi pour tout n¾N:
|un|=(un) + |un|+||||+1 d’après l’inégalité triangulaire.
Posons : K=max ¦|u0|,|u1|,...,|uN1|,||+1©. Alors Kest plus grand que |u0|,...,|uN1|, mais aussi que
|un|pour tout n¾N. Conclusion : |un|Kpour TOUT nN, autrement dit (un)nNest bornée.
$ATTENTION !$
La réciproque est fausse, la suite de terme général (1)nest bornée (entre 1 et 1) sans être convergente.
Une suite non bornée n’admet pas forcément +ou −∞ pour limite. La suite de terme général (1)nn, par exemple,
n’est pas bornée et n’a pas de limite — que dire en effet de ses termes d’indice pair/impair ?
En pratique La manipulation des définitions de la limite n’est pas trop difficile si l’on veut bien se conformer aux
recommandations qui suivent. Imprégnez-vous-en comme jamais, sans quoi vous serez vite perdus.
Supposons dans un premier temps que R. Pour montrer que : ǫ > 0, NN/n¾N,|un|< ǫ,
on commence sans réfléchir par : « Soit ǫ > 0. » Ensuite, pour trouver un rang Nà partir duquel : |un|< ǫ, on
essaie de MAJORER |un|EN RESPECTANT DEUX RÈGLES :
La majoration obtenue doit TENDRE VERS 0QUAND nTEND VERS +. Sans cela nous ne pourrons
pas trouver un rang Nà partir duquel : |un|< ǫ quand ǫest trop petit.
La majoration obtenue doit ÊTRE SIMPLE VIS-À-VIS DE LA RECHERCHE DU RANG N. Par exemple, la
majoration « |un|1
n» peut être considérée simple car on peut dans ce cas choisir : N=1
ǫ+1.
Dans le cas où = +, on s’adapte. Pour montrer que : A>0, NN/n¾N,un>A, on commence
sans réfléchir par : « Soit A>0. » Ensuite, pour trouver un rang Nà partir duquel : un>A, on essaie de MINORER
unEN RESPECTANT DEUX RÈGLES :
La minoration obtenue doit TENDRE VERS +QUAND nTEND VERS +.
La minoration obtenue doit ÊTRE SIMPLE VIS-À-VIS DE LA RECHERCHE DU RANG N. Par exemple, la
minoration « un¾n2» peut être considérée simple car on peut dans ce cas choisir : N=pA+1.
Exemple lim
n+
nsin n
n2+2=0.
En effet Nous devons montrer que : ǫ > 0, NN/n¾N,
nsin n
n2+2< ǫ.
Soit ǫ > 0. Pour tout nN, majorons :
nsin n
n2+2=n|sin n|
n2+2n
n2+2n
n2=1
n.
On majore en SIMPLIFIANT et en
vérifiant que ce par quoi on ma-
jore TEND TOUJOURS VERS 0.
On arrête de majorer quand
on se sent capable de trouver
le rang Ncherché.
Posons donc : N=1
ǫ+1. À partir de N, l’inégalité : 1
n< ǫ est vraie, donc a fortiori l’inégalité
nsin n
n2+2< ǫ aussi.
Exemple lim
n+n2+ (1)nn= +.
En effet Nous devons montrer que : A>0, NN/n¾N,n2+ (1)nn>A.
Soit A>0. Pour tout nN, minorons : n2+ (1)nn¾n2n=n(n1)¾(n1)2.
On minore en SIMPLIFIANT et en
vérifiant que ce par quoi on mi-
nore TEND TOUJOURS VERS +.
On arrête de minorer quand
on se sent capable de trouver
le rang Ncherché.
Pour tout nN:(n1)2>An>pA+1. Posons donc : N=pA+2. À partir de N,
l’inégalité : (n1)2>Aest vraie, donc a fortiori l’inégalité : n2+ (1)nn>Aaussi.
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