c`est a lui que l`on doit un

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Éthique du leadership,
condition du leadership
éthique
Notes bibliographiques accompagnées de
quelques commentaires
(Jacques A. Plamondon)
1
Intérêt historique pour les hommes
influents
• Depuis toujours, les hommes ont nourri une curiosité
certaine pour leurs «leaders» (hommes politiques, chefs
de guerre, grands hommes…)
• Que l’on pense, à titre d’exemples, aux écrits
historiques d’Hérodote (Enquête), de Thucydide (La
Guerre du Péloponèse) ou de Xénophon (Les Mémorables);
ou encore, chez les romains, au traité de Plutarque sur
La vie des hommes illustres et aux écrits de Tite-Live
• Ces écrits font une large place aux chefs de file (aux
leaders, comme on les nomme maintenant) des sociétés
dont on relate l’histoire et leurs auteurs les citent en
exemples aux lecteurs
2
Machiavel (1469 – 1527)
• C’est à lui que l’on doit un traité, Le Prince, qui fait une
étude politique du leader, en décrivant comment il doit
agir pour obtenir le pouvoir et le conserver dans les
principautés ou les républiques
• Le politicologue et philosophe Léo Strauss, dans Pensées
sur Machiavel (1958), lui attribue ce qu’il appelle « la
redécouverte des problèmes permanents » de
l’humanité
• Parmi ceux-ci, la question de la fin et des moyens. La
fin justifie-t-elle les moyens? Ou encore existe-t-il des
principes moraux qui doivent prédominer lors des
choix politiques dans un État?
3
Machiavel (suite)
• Ici, j’omets d’examiner le vigoureux débat pour
déterminer si Machiavel était aussi «machiavélique»
qu’on le dit parfois, ou encore pour décider s’il était un
partisan des principautés, vassal des princes, ou un
républicain de cœur, patriote italien qui rêvait de
l’unification de l’Italie de la Renaissance
• Voir à ce propos le livre de Claude Lefort, Le travail de
l’œuvre (1972), qui discute en 780 pages les
interprétations diverses du petit traité énigmatique
qu’est Le Prince
4
Machiavel (suite)
Traité énigmatique, en effet, vu les interprétations
diverses auxquelles il a donné lieu:
• Machiavel est-il «un ennemi du genre humain qui a
écrit Le Prince avec les doigts de Satan» (une formule
lapidaire de C. Lefort)?
ou encore
• «un honnête homme et un bon citoyen qui feignant de
donner des leçons aux rois en a donné de grandes aux
peuples. Le Prince de Machiavel est le livre des
républicains» (J.-J. Rousseau)?
5
Machiavel (suite)
• Force est de reconnaître, en fait, que Machiavel
demeure très conscient que les distinctions du bien et
du mal, du vrai et du faux, etc. ne sont pas toujours
pertinentes en politique et que le Prince qui veut réussir
ne doit pas s’en encombrer outre mesure
• Il doit agir tantôt «comme le renard», tantôt «comme le
lion» (chap. XVIII et XIX)
• Machiavel lui prescrit même d’agir en «bête fauve»,
surtout au moment de la conquête du pouvoir, de
feindre la vertu pour en donner les apparences
6
Machiavel (suite)
• À propos de lui-même, il écrit dans une lettre :
«Il y a beau temps que je ne dis jamais ce que je
crois et que je ne crois jamais ce que je dis, et s’il
m’échappe parfois quelques brins de vérité, je
l’enfouis dans tant de mensonges qu’il est
difficile de la retrouver»
(Voir E. Barricou, Toutes les lettres de Machiavel,
Paris: Gallimard, 1955, T.2, p.447)
7
Machiavel (suite)
• Raymond Aron, le politicologue et philosophe français,
nous invite à réfléchir à la question morale que l’on
pose ici:
• «… la politique est action et l’action tend à la réussite. Si
la réussite exige l’emploi des moyens moralement
répréhensibles, le Prince doit-il renoncer au succès? Se
salir les mains? Sacrifier le salut de son âme au salut de
la cité? Où s’arrêtera-t-il sur la voie qu’il ne peut pas ne
pas emprunter? Quel mensonge refusera-t-il s’il
précipite sa perte en avouant la vérité?»
(Raymond Aron, «Préface au Prince», in Le Prince, Paris:
Livre de Poche, 1962)
Chez lui, on a quand même un traité sur le leadership qui
a fait date… Voyons l’époque contemporaine…
8
Études modernes du «leadership»
• Depuis 1977, l’année de publication du fascicule
de Robert K. Greenleaf The Servant as Leader, il y
a eu aux États-Unis un foisonnement d’études
sur le leadership
• Michel Leclerc, dans un livre récent, en
dénombre trente, échelonnés entre 1978 et 2005
(Voir Michel Leclerc, Qu’est-ce que le leadership?,
Cap-Rouge: Presses interuniversitaires, 2009, pp.
186)
9
Études modernes (suite)
• L’une des caractéristiques de ces études majoritairement
américaines sur le leadership, c’est que l’on présume
dans la plupart d’entre elles que le leadership, par
définition, est bon (moralement bon)
• Les pages qu’on lui consacre présument que le leader
entraîne ses disciples (i.e. ses followers) en leur assignant
des fins nobles et des moyens rigoureusement moraux
• Or, l’expérience enseigne a contrario qu’il y a des leaders
qui entraînent leurs adeptes dans le mal (Hitler, Staline,
Pol Pot, Milosevic…) et même dans le mal absolu (i.e.
le génocide, par exemple)
10
Développements récents
• C’est donc l’examen de ces «modèles» troublants
qui a engendré une nouvelle littérature sur le
sujet, littérature qui est moins «naïve» du point
de vue éthique
• Parmi les 30 ouvrages recensés par Michel
Leclerc, on trouve celui de Barbara Kellerman,
Bad Leadership, Cambridge : Harvard Business
School, 2004, qui offre un exemple de cette
production plus récente
11
Développements récents
• Mais il y a bien plus…
• On assiste à une réintroduction de l’éthique dans la
problématique du leadership
• Je soutiens pour ma part que (1) cela est nécessaire (2)
qu’il y a lieu de retenir que le leadership acquiert son
sens par son caractère éthique (3) et qu’il sera d’autant
plus éthique que le leader fera preuve de son éthique en
prêchant par l’exemple (i.e. en pratiquant une éthique
du leadership)
• Il reste à faire un relevé d’un certain nombre d’ouvrages
pertinents sur cette question…
12
Terry L. Price,
Understanding Ethical Failure in
Leadership, Cambridge: Cambridge
University Press, 2005
• L’auteur montre que les leaders qui adoptent des
comportements déviants n’ignorent pas où est le l’agir
droit, mais ils estiment que les règles normales ne
s’appliquent pas à eux, puisqu’ils sont les gardiens d’une
finalité plus haute que le commun des mortels. La fin
excuse que l’on utilise des moyens douteux. Quant au
leader, il est affranchi des contraintes du commun…
13
Michael Jinkins and Deborah
Bradshaw, The Character of
Leadership, San Francisco: JosseyBass, 1998
• Un livre qui s’adresse d’abord aux leaders
d’organisations sans but lucratif et qui leur
enjoint d’inscrire au cœur de leur travail les
valeurs éthiques et les subtilités politiques qui
manifestent et proclament aux yeux de tous leur
foi profonde aux finalités qui gouvernent
l’existence même de leur entreprise
14
Thomas Maak and Nicola Pless,
Responsible Leadership, London:
Routledge, 2006
• Produit à la suite du scandale Enron, cet ouvrage plaide
la cause du leadership responsable et intègre. Il s’inscrit
donc sous la bannière de la responsabilité, une notion
introduite assez récemment au cœur de l’éthique
conséquentialiste
• Surtout, l’ouvrage examine les méthodes pour
développer et promouvoir le leadership éthique
15
Joanne B. Ciulla, The Ethics of
Leadership, Belmont: Wadsworth,
2003
• Aussi, de la même auteure:
• Ethics, the Heart of Leadership, Westport: Praeger,
2004
• The Quest for Moral Leaders, Nothhampton:
Edward Elgar, 2005
16
Joanne B. Ciulla (suite)
• Une philosophe qui se reconnaît une dette à l’endroit de
James MacGregor Burns, l’auteur du classique
Leadership (1978) et de Transforming Leadership, N.Y.:
Grove Press, 2003
• Qui développe une pensée pénétrée de part en part par
la préoccupation éthique, alors qu’elle entreprend de
résoudre le paradoxe «Hitler», comme elle l’appelle –
comment expliquer le leadership qui conduit au mal? Et
comment y faire obstacle?
17
Leadership éthique: une
conclusion
• Il est crucial pour l’administration public de compter
sur des leaders compétents, mais aussi pénétrés d’une
intégrité morale supérieure
• Ce leadership éthique , qui repose sur une éthique du
leadership solidement établie, reconnaît un devoir au
leader de respecter ses dirigés (followers)
• À cet égard, on peut se rappeler les analyses pénétrantes
de Hegel sur la dialectique maître – esclave, qui peuvent
être transposées sans difficulté à la relation leader disciples
18
Robert Greenleaf
• On trouve chez Greenleaf des idées fécondes sur le
servant – leader, qui doit d’abord servir avant de diriger et
qui doit continuer de servir en dirigeant
• Son paradigme se trouve dans le récit de Hermann
Hesse, Le voyage en Orient (1936)
• Le personnage se prénomme Léo et il entre en scène
comme le serviteur de voyageurs en route pour
l’Orient, alors que tout va bien
• Pourtant, à un certain moment, l’équipée échoue, suite
au départ inexpliqué de Léo
19
Robert Greenleaf (suite)
• À la fin du récit, le narrateur (Hesse) découvre que Léo
était le maître de la confrérie qui commanditait le
voyage depuis le début et qu’il est un véritable leader
• Greenleaf se sert de cette allégorie pour définir la
relation leader – disciple : pas de leader, sans disciples
(une dialectique) et tout leader doit d’abord servir
• C’est là une vérité fondamentale qui est d’autant plus
importante que l’on œuvre dans l’administration
publique – où on doit trouver les civil servants, qui
exécutent les fonctions de l’État en vue du bien
commun
20
Cependant, et cela dit, il
leur faut conserver leur
indépendance d’esprit
• Ne jamais sacrifier leur sens critique à l’endroit des
puissances de ce monde – n.b. le péril de l’obéissance
hiérarchique, illustré par Eichmann, par exemple
• Développer le courage de rompre le rang lorsqu’un
leadership auquel on est soumis s’avère néfaste
• Toujours se rappeler des résultats obtenus par
Stanley Milgram en 1963 et relatés dans un article Les
dangers de l’obéissance (!974): la soumission aux mauvais
leaders peut être dangereuse et néfaste
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