Chapitre 3: Variables aléatoires discrètes,
espérance, variance et loi des grands
nombres.
1 Introduction
Le nombre de piles obtenus au cours d’une série de nlancers de pile
ou face ou plus généralement dans un jeu de hasard (roulette,dés,...), le
gain d’un parieur est une grandeur variable qui dépend du déroulement
aléatoire du jeu. Une telle grandeur numérique qui est fonction des
éventualités d’une expérience aléatoire s’appelle une variable aléatoire.
Pour rendre compte mathématiquement d’une variable aléatoire,
on doit la considérer comme une application X:ω7→ X(ω)définie
sur un univers des possibles est à valeurs réelles. Dans ce chapitre, et
pour des raisons de simplicité, toutes les variables aléatoires considérées
seront discrètes (i.e. l’ensemble X(Ω) des valeurs prises par Xest fini
ou dénombrable).
2 Généralités
Soit (Ω,F,P)un espace probabilisé modélisant une certaine expé-
rience aléatoire. Dans ce chapitre l’espace sera le plus souvent discret
et dans ce cas on supposera que la tribu Fdes événements est égale à
l’ensemble P(Ω) de tous les sous-ensembles de .
Définition 2.1 : 1) On appelle variable aléatoire (v.a. en abrégé)
discrète définie sur toute application X: Ω Rtelle que
a) L’ensemble X(Ω) = {xi;iD}des valeurs prises1par Xest fini
ou dénombrable.
b) (condition de mesurabilité) Pour tout xiX(Ω), on a
(1) [X=xi] := {ωΩ; X(ω) = xi} ∈ F
(i.e. l’ensemble [X=xi]est un événement)2. On dit que c’est l’événe-
ment «Xprend la valeur xi».
Notes du cours de Probabilités de M1 de M. L. Gallardo, Université de Tours,
année 2009-2010. Les démonstrations sont détaillées dans le cours oral.
1On suppose que D={1,2, . . . N}(resp.N) si l’ensemble X(Ω) est fini (resp.
dénombrable)
2cette condition est toujours satisfaite si est discret et F=P(Ω).
1
4) La famille (pi)iDdes nombres pi=P(X=xi)(iD) s’appelle la
distribution de probabilité (ou loi de probabilité) de la v.a. X.
Remarque 2.2 :Il est important de noter que les événements [X=xi]
(iD) forment un système complet d’événements et par conséquent
PiDpi= 1.
Exemple 2.3 :On lance trois fois une pièce régulière. Lorsqu’il sort
pile, on gagne 1E, s’il sort face 0E. Soit Xle gain obtenu par le joueur.
L’expérience aléatoire considérée a 8éventualités équi-probables :
Ω = {000,001,010,100,011,101,110,111}
et à chaque éventualité ω, correspond une valeur X(ω)du gain X.
On peut résumer ceci par un tableau :
ω000 001 010 100 011 101 110 111
X(ω)01112223
P(ω)1/8 1/8 1/8 1/8 1/8 1/8 1/8 1/8
On voit que X(Ω) = {0,1,2,3}et on détermine aussitôt les événe-
ments [X=xi]:
[X= 0] = {000}
[X= 1] = {001,010,100}
[X= 2] = {011,101,110}
[X= 3] = {111}
On en déduit la loi de probabilité de X:
xi0 1 2 3
pi=P(X=xi)1/8 3/8 3/8 1/8
Définition 2.4 : Supposons que les valeurs prises par la v.a. Xpuis-
sent s’écrire dans l’ordre croissant x1< x2< x3<··· < xn<··· (ce
qui est le cas par exemple si X(Ω) = N). On appelle alors probabilités
cumulées la suite (finie ou infinie) (ak)des nombres
ak=P(Xxk) =
k
X
i=1
pi.
Remarque 2.5 :Pour les v.a. dont les lois sont tabulées, les probabi-
lités cumulées sont intéressantes du point de vue pratique car pour des
valeurs xl< xm, on a aussitôt
P(xlXxm) = amal1.
2.1 Opérations sur les variables aléatoires
La notion de variable aléatoire discrète se prête bien aux tranforma-
tions déterministes ainsi qu’aux opérations algébriques usuelles qu’on
fait sur les applications à valeurs réelles. Ainsi par exemple si les gains
2
de plusieurs joueurs sont des variables aléatoires relatives à un cer-
tain jeu, toute fonction déterministe de leur gain (comme le carré ou
la puissance troisième) mais aussi la somme totale (ou le produit) de
leurs gains sont aussi des variables aléatoires relatives au jeu considéré.
Toutes les variables aléatoires qu’on considère dans ce paragraphe
sont supposées définies sur le même espace probabilisé (Ω,F,P). Soient
Xet Ydes variables aléatoires discrètes, f:RRet g:R2Rdes
applications.
Théorème 2.6 : Les applications
(2) f(X) : ω7→ f(X)(ω) := f(X(ω))
et
(3) g(X, Y ) : ω7→ g(X, Y )(ω) := g(X(ω)), Y (ω))
définies sur sont des variables aléatoires discrètes.
Par exemple Xn(nentier 0), λX (λR), X+Y,XY,XY ,
etc...sont aussi des variables aléatoires discrètes. Mais plus générale-
ment si X1, . . . , Xnsont desvariables aléatoires discrètes et si g:Rn
Rest une application, g(X1, . . . , Xn)est aussi une variable aléatoire
discrète.
démonstration du théorème : Il est clair que les ensembles f(X)(Ω)
et g(X, Y )(Ω) sont discrets. Il reste à voir que la condition de mesura-
bilité (1) est satisfaite. Montrons le pour f(X). Soit yf(X)(Ω) et
Ay={xX(Ω); f(x) = y}. L’ensemble Ayest fini ou dénombrable
et on voit facilement que
[f(X) = y] = xAy[X=x]F,
car Fest stable par réunions finies ou dénombrables. D’où le résultat.
De la même façon on montre aussi que g(X, Y )est une v.a.
3 Les lois classiques
3.1 Loi de Bernoulli
Soit Aun événement relatif à une expérience aléatoire modélisée
par un espace (Ω,F,P).
Définition 3.1 : On appelle v.a. indicatrice de l’événement Ala v.a.
définie sur par
1A(ω) = 1 si ωA
1A(ω) = 0 si ω¯
A.
Si on note p=P(A)la probabilité de l’événement A. La loi de proba-
bilité de la v.a. 1A(appellée loi de Bernoulli B(1, p)) est donnée par
1A0 1
pi1-p p
3
3.2 Loi binomiale
On considère une expérience aléatoire à deux issues S(succès) et
E(échec) avec P(S) = pet P(E)=1p(0p1). On fait nrépé-
titions indépendantes de cette expérience qu’on modélise par l’espace
produit Ω = {S, E}nmuni de la probabilité produit comme expliqué
au chapitre 2.
Définition 3.2 : La variable aléatoire X=«nombre total de succès»
(au cours des nrépétitions) est appelée v.a. binomiale de para-
mètres (n, p). Pour abréger la loi d’une telle v.a. sera désignée par
B(n, p)3.
Proposition 3.3 : L’expression de la loi B(n, p)est
pk=P(X=k) = Ck
npk(1 p)nk(k= 0,1, . . . , n).
démonstration : L’événement [X=k]est l’ensemble des n-uplets
composés de klettres Set nklettres Equi sont au nombre de Ck
n.
Tous ces nuplets ont la même probabilité pk(1 p)nk(par définition
de la probabilité produit). D’où le résultat.
3.3 Loi géomètrique (ou loi de Pascal)
On considère une infinité de répétitions indépendantes d’une ex-
périence à deux issues Set Emodélisée par l’espace produit infini
Ω = {S, E}Ndes suites infinies ω= (xk)k1(xk∈ {S, E}), muni de la
probabilité produit comme expliqué au chapitre 1. On considère la v.a.
X=«instant du premier succès»4qui est telle que
(4) X(ω) = nsi k∈ {1,...n1}, xk=Eet xn=S.
Si on considère les événements Ei=«échec au i-ème coup» et Si=«succès
au i-ème coup», on peut écrire l’événement [X=n]sous la forme
(5) [X=n] = E1E2∩ ··· ∩ En1Sn
(intersection d’événements indépendants) d’où il résulte aussitôt que
(6) P(X=n) = (1 p)n1p(nN).
Définition 3.4 : La loi de probabilité (6) de la v.a. «instant du premier
succès» considérée en (4) s’appelle loi ométrique (ou loi de Pascal).
3Si n= 1, c’est la loi de Bernoulli.
4attention Xest bien discrète mais ici l’espace Xest définie n’est pas
discret ! il convient de vérifier la condition de mesurabilité de la définition 2.1 b) .
Mais c’est évident car pour tout nN, l’ensemble [X=n]est cylindrique d’après
la formule (5) donc il appartient à la tribu produit.
4
3.4 Loi de Poisson
Définition 3.5 : Soit λ > 0un paramètre fixé. On dit qu’une v.a. X
à valeurs dans l’ensemble des entiers Nsuit la loi de Poisson de
paramètre λsi
nN,P(X=n) = eλλn
n!·
Remarque 3.6 :On notera que les nombres pn=eλλn
n!(nN)
constituent bien une loi de probabilité sur Npuisqu’ils sont positifs et
de somme P+
n=0 pn=eλP+
n=0
λn
n!=eλeλ= 1.
Proposition 3.7 (les succès rares et la loi de Poisson) : Soit nN
et 0< p < 1. Supposons que ntende vers +et que ptende vers 0
de telle sorte que np tende vers une constante λ > 0. Alors pour tout
kNfixé,
Ck
npk(1 p)nkeλλk
k!·
démonstration :
Ck
npk(1 p)nk=1
k![(nk+ 1)(nk+ 2) ···n]pk(1 p)nk
=1
k!(np)k(1 p)n1k1
n···12
n(1 p)k.(7)
Si on pose np =λ+lim = 0, alors
(1 p)n=1λ
n+
nn
eλ(0)
et comme les facteurs à la droite de (1p)ndans la formule (7) tendent
tous vers 1, le résultat en découle.
Remarque 3.8 :La loi de Poisson apparaît donc comme une approxi-
mation de la loi binomiale quand nest "grand" et pest "petit" (succès
rare). Par exemple si n= 100 et p= 0,1la loi binomiale B(100; 0,1)
est très bien approchée par la loi de Poisson de paramètre λ= 10. Ce
fait est exploité dans la construction des tables de la loi binomiale.
4 Espérance, variance et moments d’une v.a.
4.1 Introduction
Soit Xune v.a. prenant un nombre fini de valeurs x1, x2, . . . , xnavec
les probabilités respectives p1, p2, . . . , pn. La somme
p1x1+p2x2+··· +pnxn
peut être interprétée de deux manières :
a) mathématiquement c’est une moyenne pondérée. Plus précisé-
ment, c’est le barycentre du système (xi, pi)(i= 1, . . . , n), le «point»
xiétant affecté de la «masse» pi.
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