L’alimentation préhistorique : est-elle un mythe ?
C’est une des nouvelles lubies en matière de régime : l’alimentation préhistorique
conviendrait mieux à notre patrimoine génétique et nous mettrait à l’abri des maladies
de civilisation… Spécialistes des temps anciens et nutritionnistes des temps
modernes sont pourtant sceptiques : pas l’ombre d’une preuve pour préférer la
caverne à la taverne !
Le mythe du régime préhistorique est né aux Etats-Unis dans le milieu des années 80. Il fait
l’hypothèse que nous ne serions plus génétiquement adaptés à notre modèle alimentaire
actuel. Notre patrimoine génétique n’aurait pas évolué depuis des temps immémoriaux, alors
que nos habitudes alimentaires ont changé. L’industrialisation, direz-vous… Vous n’y êtes
pas du tout ! Il s’agit « seulement » du passage du paléolithique au néolithique. Dans le
premier cas, des chasseurs-cueilleurs se nourrissant de viande et de produits végétaux.
Dans le deuxième cas, la domestication des espèces animales et végétales, d’où une
alimentation enrichie en sucre, sel, céréales, produits laitiers… C’est de là que viendraient
tous nos maux : diabète, obésité, maladies cardiovasculaires et pourquoi pas cancers…
La solution ? Le retour à l’alimentation ancestrale, avec fruits et légumes frais, fruits
oléagineux (noix, noisettes, amandes…), viandes maigres, poisson et fruits de mer. Et
l’élimination des produits laitiers, céréales, graisses animales. Pour agrémenter le menu,
quelques insectes et petits reptiles, quelques fleurs et quelques feuilles à volonté.
L’ennui, c’est que « le » régime paléolithique n’existe pas. Il y a eu des régimes différents en
2 millions d’années, pendant lesquelles les climats et les ressources ont varié. Plusieurs
espèces d’hominidés, avec des habitudes alimentaires différentes. Et déjà des choix
culturels divers selon les groupes. Longtemps le régime carné (viande et graisse) a
prédominé. Avec l’arrivée d’homo sapiens, il intègre poissons et fruits de mer, mais reste
dominé par la consommation de produits animaux. Dans nos régions, l’évolution « la plus
récente » s’est faite en 3 ou 4 millénaires, entre 9000-8000 et 5000 avant JC.
Progressivement se sont ajoutés aux protéines d’origine animale des lipides d’origine
animale, des glucides d’origine végétale issus des céréales et légumineuses cultivées.
L’habitude de consommer du lait et des laitages remonte aux premiers élevages et
beaucoup s’accordent à dire que sans elle, nous ne serions peut-être pas là aujourd’hui !
Il reste que depuis les temps anciens l’homme a besoin d’une alimentation équilibrée,
animale et végétale. Il faut se défier des reconstitutions simplistes. Les animaux sauvages
n’apportaient pas que de la viande maigre : les hominidés exploitaient la totalité de la graisse
des carcasses, jusqu’à la moelle osseuse ! Peut-être le sucre a-t-il donné des caries, mais
aussi bien des avantages énergétiques. Et dire que l’ostéoporose n’existait pas au
paléolithique n’est guère étonnant : l’espérance de vie à la naissance ne dépassait pas 25
ans ! Elle était globalement de 30 à 45 ans au début du XXe siècle et approche aujourd’hui
les 70 ans. Tout le monde y voit les progrès conjoints de la médecine, du niveau de vie, de
l’hygiène… Et même d’une alimentation meilleure !
Depuis toujours, les comportements alimentaires ne sont pas guidés par la seule
disponibilité des ressources, mais par des choix culturels et symboliques. Dans nos sociétés
pléthoriques, pour atteindre l’objectif - souhaitable - de l’équilibre nutritionnel, point n’est
besoin de regarder dans le rétroviseur : à cette distance, on risque de n’y voir rien d’autre
que ce qu’on invente. (Nutrinews hebdo)
Pour en savoir plus : Mission Agrobiosciences, OCHA.