
 
 
 
 FLORENCE BURGAT 
 
 «  Liberté et inquiétude de la vie animale » 
Kimé 2006 (311p.) 
 
 
  Quelques  pages  peu  connues  de  la  « Philosophie  de  la  nature » 
hégélienne (dans la traduction de Bernard Bourgeois) ont inspiré le beau titre, le 
thème et peut-être le rêve de cette recherche. 
Il y a, dit Hegel, un sentiment de soi de l’animal, »sentiment d’incertitude, d’anxiété et 
de malheur ». Cette approche ne traduit-elle pas déjà un souci phénoménologique ? 
La  reprise  par  la  philosophie  moderne  d’une  attention  portée  par  Aristote  à  une 
intériorité animale émergeant dans certaines conduites ( émotion, mouvement local 
spontané, désir d’exploration, attente, voire hésitation et choix) ? Ni objet ni machine, 
ni automate simulant seulement les signes d’une sensibilité sentie, ni image « pour 
documentaires »  d’une  vie  sauvage  de  luxure  et  de  prédation,  l’animal  serait 
méconnu et sacrifié dans la plupart de nos représentations. La phénoménologie nous 
a rendu familière l’idée d’une conscience sans sujet ; ici c’est un « sujet »  « perceptif 
actif » même sans conscience, qu’il faudrait prendre en vue. 
    Les  grands  récits,  épique  ou  tragique,  de  l’histoire  des  vivants  chez 
Bergson et chez Schopenhauer ( pp. 151-173) mais surtout les analyses empiriques 
fines des  mondes  animaux chez  Uexküll  et  Buytendijk  (  qu’il  faudrait  sans  doute 
rééditer)  ouvrent  la  voie  à  une  pensée  plus  consciente  de  la  richesse  et  de  la 
complexité, on pourrait dire de l’envergure, de son objet.  
                
                 Pourquoi  notre  concept  d’animalité  est-il  si  pauvre?  C’est  qu’il  n’est 
invoqué que négativement, lorsqu’il s’agit de définir un éventuel propre de l’homme. 
Le spécifiquement humain n’étant justement pas animal, il faut bien que l’animal soit 
dépouillé de ce que l’homme, en propre, s’attribue. La définition de l’animal est donc 
toujours  cavalièrement  privative.  Même  Heidegger  n’échapperait  pas  à  ce  travers 
lorsqu’incidemment, il rencontre la question et caractérise l’animal comme « pauvre 
en  monde ».  Mais  ce  serait  évidemment  la  réduction  cartésienne  de  la  vie  au 
mécanisme qui aurait destitué le concept de toute consistance et rendu possible une 
appropriation inconditionnelle et indifférente du règne animal en totalité . L’A. avance 
alors que le monisme matérialiste est pour une part le destin historique de ce qu’elle 
nomme « dualisme » et que le « behaviourisme » conduira à réifier la vie. 
    Mais ce sont peut-être les pièces d’une doctrine qui, une fois la pensée 
démembrée,  peuvent  être  ainsi  au  cours  de  l’histoire »xénogreffées »  sur  d’autres 
pensées  et  jouer  un  rôle  instrumental  dans  un  courant  d’idées.  Une  démarche  au 
contraire est une vie avec ses virtualités aussi. Peut-être l’idée de l’automate animal, 
de la machine animale est-elle  surtout  ,  et  salutairement  d’ailleurs  en  son  temps, 
heuristique.  Plus généralement, ce qui gêne dans cet ouvrage pourtant 
très  neuf,  c’est  qu’il  y  a  pour  ainsi  dire  deux  livres  en  un :  l’un  qui  veut  penser 
l’animalité en elle-même et pour elle-même, l’autre qui cherche à modifier le statut 
éthique des animaux. Et l’A. n’échappe pas toujours elle-même au danger de parler 
de  « l’Animal »  de  manière  indifférenciée.  L’idée  hégelienne  d’une  vie  animale