Le domaine d`activité stratégique en question : Fondements et

publicité
Le domaine d’activité stratégique en question :
Fondements et réflexions
par Djamel Fellag
Le DAS comme niveau stratégique
La stratégie intervient à plusieurs niveaux dans une entreprise. Le premier niveau concerne la
stratégie d’entreprise ou globale qui consiste à déterminer le périmètre d’action de l’organisation et
la façon dont elle va procéder pour ajouter de la valeur à ses différentes activités (par exemple :
création de nouvelles activités, alliances, présence sur de nouveaux territoires…). Le deuxième
niveau est relatif à la stratégie par domaine d’activité (DAS) qui consiste à identifier les facteurs clefs
de succès sur un marché particulier. Enfin, la stratégie opérationnelle qui se situe à la base de
l’organisation détermine comment les différentes ressources et compétences de l’organisation
déploient les stratégies définies au niveau global et par DAS. Il est possible à ce niveau d’effectuer
une recherche globale de synergie et de mobilisation de plates-formes afin de développer les
activités de l’entreprise.
Fondements du DAS
Le diagnostic stratégique est le point de passage obligé vers la détermination des orientations
stratégiques. A côté du diagnostic corporate qui consiste à étudier l’entreprise dans sa globalité en
terme de forces et de faiblesses, il convient de distinguer le niveau activité pour les entreprises ayant
des activités différenciées : c’est ce qu’on appelle le domaine d’activité stratégique (DAS). Le DAS est
une sous-partie de l’organisation à laquelle il est possible d’allouer ou de retirer des ressources de
manière indépendante et qui possède une combinaison spécifique de facteurs clefs de succès
(caractéristiques que l’entreprise doit maitriser pour s’imposer dans un secteur).
Les stratégies business et corporate d’après Management 5ème éd. Vuibert gestion
Diagnostic
stratégique
Décisions stratégiques
Business
Corporate
- à l’intérieur de chaque
DAS
- pour l’entreprise dans sa
globalité
- directeur de division
- direction générale
- stratégie de domaine
- stratégie de portefeuille
- comment lutter dans
chaque secteur ?
- dans quels secteurs doit
on être présent ?
Dans le cas du groupe Vivendi Universal, on pourrait à première vue considérer chacune des cinq
grandes divisions (musique, édition, cinéma et télévision, téléphonie, Internet) constituait un DAS
spécifique. Or, un examen plus approfondi montrait qu’au niveau de la division édition, il convenait
de distinguer les magazines, les livres et les jeux vidéo. De même, le téléphone fixe et la téléphonie
mobile appartenait à des DAS distincts. Réciproquement, avec la convergence anticipée des
nouvelles technologies, la télévision interactive constituerait une activité commune aux divisions
télévision et Internet. On constate ainsi que la définition des DAS évolue au cours du temps. Dans le
cadre de la stratégie opérationnelle pour Vivendi Universal, il est important que pour la sortie d’un
nouveau film que la production soit accompagnée en terme d’effort de promotion par la
programmation des chaînes de télévision, le contenu des sites Internet ainsi que les articles de
magazines.
DAS et organisation
Les confusions sont fréquentes, car les divisions qui composent les organisations ne sont pas
toujours définies en fonction des DAS, même si c’est souvent le cas dans les structures importantes.
Le découpage structurel de l’entreprise peut s’établir en fonction des choix stratégiques. Le lien entre
structure et stratégie a été mis en évidence par Chandler lors de son étude sur les grandes firmes
américaines entre 1850 et 1920. L’auteur distingue deux phases dans l’histoire de chaque entreprise.
La première phase consiste à diviser l’entreprise par fonctions (production, commerciale…). Une telle
organisation appelée forme U (unitaire) est bien adaptée lorsque l’entreprise n’est présente que sur
un seul domaine d’activité. Lorsque l’entreprise se développe et se diversifie, les dirigeants adoptent
une structure par division, une telle organisation est appelée forme M (multidivisionnelle). Selon
Williamson, les divisions peuvent même devenir des quasi-firmes et fonctionneraient en véritables
centres de profit. Plusieurs chercheurs en management ont montré que les relations entre la
structure et la stratégie étaient complexes. Dans le cas de Vivendi Universal qui avait hérité de
filiales structurées autour de produits spécifiques, avec des bases de clients différentes, la logique de
la fusion consistait à créer un avantage concurrentiel par l’exploitation des synergies entre ces
différentes offres, ce qui remettait en question les frontières organisationnelles établies. Par
exemple, il semblait logique de créer un nouveau DAS musique, rassemblant les disques, le
téléchargement sur Internet, les bandes son des films, voire les sonneries de téléphone… Ce DAS
s’adressant en priorité à une clientèle jeune, on pouvait également le charger de la diffusion de
produits et services tels que les cartes téléphoniques prépayées. Cet exemple souligne la différence
entre un DAS et une division au sein d’une organisation. Un DAS est une subdivision d’une
organisation du point de vue de la prise de décision stratégique, mais il ne constitue pas
nécessairement une division structurelle.
DAS et segmentation stratégique
La littérature emploie des expressions diverses pour désigner des démarches visant à identifier des
domaines d’activités suffisamment homogènes et indépendant d’autres domaines, notamment en
termes de sources d’avantages concurrentiels, pour qu’ils constituent une unité pertinente sur
laquelle raisonner quand il s’agit de prendre des options de développement. Ainsi parle-t’on de
DAS , de segments stratégiques, de SBU (Strategic Business Unit), de CAS (Centres d’Activités
Stratégiques ), parfois de métier ou de base stratégique. La base stratégique se distingue du segment
stratégique, elle recouvre un ensemble de segments ou DAS entre lesquels existent ou seraient
susceptibles d’exister des synergies de diverses natures (partage de ressources et transferts de
compétences). Les bases stratégiques constituent le point clef des stratégies horizontales,
expression des liens que l’on souhaite exploiter entre les segments stratégiques. Le métier
représente un ensemble de compétences et de savoir-faire, dont la maîtrise permet à l’entreprise
d’être présente sur plusieurs segments stratégiques comme par exemple pour un groupe chimique
(métier), les peintures / colorants / fibres constituent des DAS.
Les critères de segmentation stratégique d’après Stratégique 2ème éd. Pearson Education
Facteurs clefs de succès
Critères externes
 Clientèle
 Marché pertinent
 Distribution
 Concurrence
Critères internes
 Technologies
 Compétences
 Synergies
 Structures de coûts
Chaîne de valeur1
MEME DAS
Même combinaison
Combinaisons différentes
Mêmes clients
Même marché
Même réseau
Mêmes concurrents
Clients différents
Marchés différents
Réseaux différents
Concurrents différents
Identiques
Identiques
Fortes
Coûts partagés prépondérants
Différentes
Différentes
Faibles
Coûts spécifiques
prépondérants
Plusieurs chaînes de valeur
Une seule chaîne de valeur
DAS DIFFERENTS
De la segmentation stratégique à la segmentation marketing
La segmentation stratégique ne doit pas être confondue avec la segmentation marketing.
Alors qu’en marketing on segmente la clientèle afin de définir des segments de marché et de
repérer des groupes de clients, la segmentation stratégique consiste à subdiviser l’entreprise
selon des combinaisons spécifiques (marché, technologie, concurrence…)
1
La chaîne de valeur décrit les différentes étapes qui déterminent la capacité d’une organisation à obtenir un
avantage concurrentiel en délivrant une offre valorisée par ses clients.
Niveau
Moyen
Objectif
Terme
Segmentation
stratégique
Concerne l’ensemble
des activités de
l’entreprise
Diviser les métiers en
groupes homogènes
Choix du portefeuille
d’activités
Long terme
Segmentation
Concerne un secteur
d’activité particulier
Diviser les clients en
segments homogènes
Mettre en place un
mix marketing pour
chaque segment
Moyen terme
marketing
Limites de la segmentation stratégique
Les modèles d’analyse de portefeuilles d’activités (BCG, Mc Kinsey,…) et d’intensité
concurrentielle (M. Porter) permettent de mesurer l’attractivité, la compétitivité et
l’accessibilité de chacun des DAS observés. Il s’agit d’un outil d’aide à la décision stratégique.
Or, la segmentation stratégique est une tâche complexe, elle a des répercussions
considérables sur le processus d’allocation des ressources et sur les positionnements
stratégiques. Une des difficultés réelles du top management est d’identifier clairement les
DAS ainsi que leur périmètre d’action. L’existence de synergies entre DAS distincts pourrait
laisser penser qu’ils n’en font qu’un seul, par conséquent le risque serait de confondre ces
activités distinctes ce qui entrainerait une détérioration de leur avantage concurrentiel en
raison de facteurs clefs de succès différents. De plus, la segmentation stratégique évolue, les
modifications liées à l’environnement technologique, légal, marketing, social… peuvent
remettre en cause et reconsidérer les frontières du DAS. On constate ces dernières années
une convergence importante de l’Internet, des télécommunications, du divertissement,
l’édition, la photographie… qui a modifié les frontières du DAS des entreprises présentes sur
ce secteur en fusionnant plusieurs activités en une seule. Ce phénomène devrait d’ailleurs
s’accentuer et favoriser de nouvelles segmentations stratégiques.
Bibliographie
Les stratégies d’entreprise, cahiers français n° 275, La documentation française.
Johnson G., Scholes K., Fréry F.; Stratégique 2ème édition, Pearson Education, 2002.
Helfer J.P, Kalika M., Orsini J. ; Management: stratégie et organisation 5 édition, Vuibert gestion.
2004
Magakian J. L. ; 100 fiches pour comprendre la stratégie d’entreprise, Bréal 2002.
Téléchargement