Suite à l`analyse des 3 entretiens réalisés, et en reprenant

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Suite à l’analyse des 3 entretiens réalisés, et en reprenant mon cadre conceptuel, il m’est
venu plusieurs questions et pistes de réflexion qui reflètent toute la complexité de ma
problématique de départ.
J’ai choisi tout d’abord de réfléchir sur l’état psychologique du patient lors de son
hospitalisation. J’ai souhaité ensuite aborder l’opposition à l’arrêt du tabac lors du
sevrage tabagique, thème qui constitue la dernière partie de ma question de départ et qui
constitue le cœur de la problématique. Enfin, je me suis questionné sur l’espace de
manœuvre de l’infirmier lors de l’accompagnement au sevrage tabagique.
I-
L’état du patient à l’arrivée aux soins intensifs de cardiologie :
favorable à un sevrage tabagique passif mais inapproprié pour débuter
un sevrage tabagique actif
Lors d’un entretien avec une infirmière tabacologue, il a été abordé la notion d’état de
traumatisme psychologique. « Un traumatisme désigne une expérience de violence hors
norme au cours de laquelle l’intégrité physique et psychique d’un individu ou d’un
groupe a été menacée »1. Selon L. Terr, y a 2 catégories de traumatismes: le
traumatisme de type 1 se rapporte à un évènement unique, isolé, limité dans le temps
(accident, catastrophe naturelle, agression physique, viol, deuil traumatique…….) et le
traumatisme de type 2 correspond à une situation qui se répète: l’individu se trouve
réexposé à un danger identique ou comparable (violences familiales, guerres,
traumatismes secondaires des professionnels de l’aide…..). Dans le cadre de mon
travail, j’étudie des patients souffrants d’une pathologie cardiovasculaire aiguë
récemment découverte (i.e : un premier infarctus du myocarde). Le traumatisme lié à un
premier infarctus du myocarde serait alors de type 1
2
puisque qu’il n’y a pas de notion
de répétition. Le patient peut souffrir au décours d’un traumatisme d’un état de stress
post traumatique ou état de choc. Pendant cet état de choc, le patient ne va pas
nécessairement ressentir l’envie de fumer, résultat d’un bouleversement psychologique
et physiologique. La privation de tabac ne va donc pas être un obstacle dans les
premiers jours. En revanche, l’état de stress post traumatique est temporaire. Le patient
1
2
Selon un article sur les traumatismes psychiques, Wikipédia
Selon L. Terr, dans un article sur les traumatismes psychiques, Wikipédia
va progressivement retrouver ses manques et ses besoins. Il ressentira l’envie de fumer.
La substitution nicotinique prend alors tout son intérêt : il est interdit de fumer à
l’hôpital, le patient ressent l’envie de fumer, l’apport de nicotine de la cigarette va être
obtenue
au
moyen
de
patchs
ou
gommes
de
nicotines.
La maladie cardiaque comme d’autres maladies est considérée dans notre société
comme une caractéristique parmi tant d’autre pour un individu : « Je suis cardiaque
… » ou « Attention, mon cœur est fragile ! ». C’est le signe que, dès lors où un incident
cardiaque est survenu, la personne est considérée comme malade cardiaque car le risque
de récidive et présent continuellement et les habitudes de vie doivent êtres modifiées.
Un patient venant d’avoir un infarctus du myocarde ne pourra plus dire « je suis en
bonne santé ». Sa santé, il en fait le deuil. Certains patients fumeurs culpabilisent
d’avoir fumé, d’autre réfléchissent à d’autres stratégies ou adaptations à réaliser pour
continuer à fumer malgré la maladie. « Malgré la maladie »… Car la bonne santé, elle,
n’est plus là. C’est, au-delà de la maladie, une épreuve que le patient doit surmonter lors
de son hospitalisation et à sa sortie de l’hôpital.
De plus, le patient prend conscience après un incident cardiovasculaire, qu’il a évité le
pire
et
que
cet
évènement
aurait
pu
être
plus
grave
voir
mortel.
L’état d’esprit dans lequel se trouve le patient peut augmenter son besoin en tabac ou,
au contraire, shunter son envie de tabac.
Des règles sont imposées aux patients arrivant dans un service hospitalier, plus
particulièrement aux soins intensifs de cardiologie : régime sans sel, interdiction de
fumer dans l’établissement. De plus, le patient subit un changement brutal
d’environnement et qui plus est, se retrouve dans un milieu qui peut faire peur, à
connotations morbides. Tout ceci peut créer un mal-être, un climat de méfiance, entre
le patient et les soignants d’autant plus que si le problème du tabac est abordé trop
rapidement, le patient fumeur risque de se renfermer. En effet, la cigarette fait partie de
lui et on lui demande de la supprimer. C’est en quelque sorte une blessure narcissique.
Il est donc important que les soignants instaurent un climat de confiance avec le patient
afin de pouvoir échanger simplement et avec authenticité sur la consommation de tabac
et les dangers qu’elle entraîne. Au-delà du tabac, le patient pourra exprimer ses craintes,
ses doutes et ses besoins. Cette phase d’ « apprivoisement » mutuel peut prendre du
temps.
Mais le temps manque parfois. En unité de soins intensifs de cardiologie, la durée
moyenne d’une hospitalisation est de 3 à 4 jours. Parfois, les patients rentrent chez eux
directement. Il peut être difficile d’instaurer une relation de confiance avec le patient en
si peu de temps.
I- Retour sur la question de départ : l’opposition à l’arrêt du tabac en début de
sevrage tabagique
Je n’ai pas abordé volontairement le concept d’opposition dans mon cadre conceptuel
parce qu’il me semble que cette notion est la plus compliquée. C’est bien sur
l’opposition à l’arrêt du tabac que se base la complexité de ma problématique de départ.
L’opposition est défini comme l’ « action de s’opposer : résister, faire obstacle à, ne pas
accepter quelque chose »3. L’opposition du patient ne doit pas être prise comme de la
mauvaise volonté ou une mauvaise intention envers les soignants. Il est en premier lieu
très important de comprendre pourquoi le patient s’oppose, si un mal-être est sous
jacent.
Comme pour le sevrage tabagique, l’opposition peut s’exprimer de deux manières:
l’opposition active et l’opposition passive.
L’opposition active signifie que le patient effectue des actes marquant précisément son
envie de reprendre sa consommation de tabac : il va fumer dans sa chambre, demander à
sortir pour fumer, refuser la venue de l’infirmière tabacologue. Dans l’opposition active,
la cigarette est au centre des paroles du patient.
En revanche, l’opposition passive est nettement plus difficile à distinguée car il n’ai pas
aisé de comprendre que le mal-être engendré par l’arrêt du tabac en est la cause: le
patient va se refermer ou, au contraire va être énervé allant même jusqu’au refus de
soins et la volonté de sortir contre avis médical.
Comme exposé dans mon cadre conceptuel, le sevrage tabagique peut être passif ou
actif. Du fait même de son hospitalisation, le patient ne peut fumer : il débute un
sevrage tabagique passif.
Rappelons-le, dans les premiers jours d’hospitalisation, le
patient est dans un certain état d’esprit : il peut se rendre compte qu’il vient d’échapper
3
Le petit Larousse illustré 2007
à la mort, il fait le lien entre sa maladie cardiovasculaire et sa consommation de tabac, il
se retrouve brusquement à l’hôpital : il est en état de choc. Du fait même de cet état
inhabituel, le patient n’a pas nécessairement de sensation de manque liée au tabac. Mais
plus les jours passent, plus le patient va sortir de son état de choc et retrouver ses
besoins habituels. Le tabac en est un. Le patient peut signifier son opposition à l’arrêt du
tabac, malgré sa connaissance des dangers du tabac et les règles attenantes à son
hospitalisation. Ma situation d’appel en est une parfaite illustration même si la durée
d’hospitalisation est plus élevée. Mais comme chaque patient est différent face au
besoin de tabac, le manque peut survenir au 2ème comme au 10ème jour.
J’ose émettre une hypothèse : l’opposition, active ou passive, peut être considérée
comme un moyen de défense du patient, un moyen pour lui de prendre le dessus sur sa
situation, de se reconstruire en tentant de contrôler le déroulé de son hospitalisation.
Puisque l’opposition du patient est le signe d’un mal-être, l’infirmier doit en trouver
l’origine. Il est donc important de se baser sur la relation de confiance (voir partie I).
L’entretien d’aide permettra une première approche du patient. L’infirmier doit
également définir ou rappeler le cadre et les règles auxquelles le patient est soumis : le
patient a l’interdiction de fumer dans l’établissement hospitalier, donc dans sa chambre.
Il me paraît également important que l’infirmier aborde avec le patient les dangers du
tabac chez lui. Non pas de répéter les messages de prévention mais de personnaliser le
message en fonction de la maladie du patient et de ses habitudes de vie. Comme l’aspect
négatif est abordé, il faut aussi orienter positivement l’entretien en expliquant les
bienfaits de l’arrêt du tabac : « Arrêter de fumer réduit les risques de maladies
cardiaques et pulmonaires mortelles »4.
J’ai pu assister à un entretien entre un patient et une infirmière tabacologue. Ce qu’il
ressort de cet entretien, c’est que le patient reste libre de ces choix. Il a le choix
d’accepter ou pas la venue de l’infirmière tabacologue. Il a le choix de répondre ou pas
à ses questions et à son questionnaire. Il a le choix de débuter ou pas un sevrage
tabagique. Il a le choix de se remettre à fumer ou d’arrêter à sa sortie de l’hôpital. Mais
le patient fumeur hospitalisé, au-delà de cette liberté de choisir, est soumis à sa
dépendance au tabac et à sa relation intime et inviolable avec la cigarette. Sa
4
Directive européenne 2001/37/CE du 5 juin 2001[1] relative au rapprochement des dispositions
législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de
présentation et de vente des produits du tabac
dépendance peut être pharmacologique, comportementale et/ou psychologique. Le
patient peut se renfermer, se braquer. Il peut refuser d’arrêter de fumer, refuser de
débuter un sevrage même s’il est conscient des dangers que la consommation de tabac
représente pour lui, pour sa santé et pour l’efficacité des traitements qu’il reçoit pendant
son hospitalisation.
Laisser le patient libre de ses choix, c’est lui faire confiance et ne pas l’infantiliser, ce
qui peut contribuer à instaurer un climat de confiance mutuelle.
II-
L’espace d’intervention de l’infirmier en unité de soins intensifs de
cardiologie
Il est évident que l’infirmière tabacologue joue un rôle indispensable dans
l’accompagnement au sevrage tabagique du patient fumeur. Sa formation (Diplôme
Universitaire) et son expérience lui permettent d’avoir une approche et une réponse la
mieux adaptées à ses besoins. L’infirmier a-t-il alors une place à prendre dans
l’accompagnement au sevrage tabagique des patients fumeurs ?
Nécessairement oui, puisque l’infirmier du service est le coordinateur de tous les
professionnels médicaux et paramédicaux qui interviennent auprès du patient.
L’infirmier va être le premier interlocuteur avec qui le patient fumeur pourra aborder le
problème du tabac. L’infirmier, à ce moment là, utilise le conseil minimal. Le conseil
minimal se compose de 2 questions : « Fumez-vous ? » puis « Voulez-vous arrêter de
fumer ? ». Ensuite, il faut donner une réponse adaptée aux besoins du patients : début du
sevrage, brochure d’information pour un sevrage ultérieur, accompagnement ou envoi
vers un autre professionnel5. Le conseil minimal peut induire une tentative d’arrêt du
tabac dans 40% des cas. L’infirmier peut-être amené ensuite à prendre contact avec les
infirmières de tabacologie pour débuter un sevrage tabagique si le patient le souhaite.
Le conseil minimal utilise 2 notions abordées dans les entretiens et soulignées dans mon
analyse : l’informer le patient et être présent sans insister.
5
Diaporama « Conseil minimal et sevrage tabagique », CHU Rennes Septembre 2006
L’entretien de tabacologie et le suivi du sevrage tabagique font partie du rôle de
l’infirmière de tabacologie. En revanche, durant la durée de l’hospitalisation d’un
patient privé de tabac, l’infirmier est un interlocuteur, observateur privilégié. Un
syndrome de manque peut s’installer : nervosité, agacement, renfermement, …
L’accompagnement de l’infirmier et plus généralement de l’équipe soignante est
indispensable. Il doit être à la fois cadrant et adaptable. Cadrant car l’équipe soignante
doit poser régulièrement les règles, institutionnelles et « médicales » : il est interdit de
fumer dans l’établissement, reprendre une consommation de tabac pourrait mettre en
échec les thérapeutiques utilisées. Adaptable parce que l’équipe doit écouter et aider le
patient au jour le jour, de difficultés en difficultés, qui ne sont pas nécessairement les
même constamment. Là encore, le climat de confiance est primordiale pour que
s’instaure une relation soignant- soigné efficace.
Oui, l’infirmier trouve sa place, étant en permanence au service du patient. Il est donc
nécessaire d’instaurer une étroite collaboration entre l’infirmier et l’infirmière
tabacologue afin que les informations circulent. L’infirmier doit connaître la prise en
charge du sevrage d’un patient dont il prend soin : son niveau de dépendance, son état
d’esprit, les moyens de substitutions et les difficultés éventuelles. L’infirmière de
tabacologie, de son côté, doit se tenir informée des difficultés du patient lors de son
sevrage afin de réajuster les doses des substitutions et éventuellement s’entretenir avec
le patient.
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