*ACTU PSII 51 3/02/04 16:41 Page 10 Consultation antitabac Faire face à la demande Le tabac est au cœur d’une actualité frémissante. La hausse des prix est un argument apparemment convaincant, à voir la surchauffe des consultations d’aide au sevrage. Le Dr Gariepy, tabacologue, dirige la consultation de tabacologie de l’hôpital Broussais (Paris XIVe). Comment expliquez-vous cet engouement actuel pour les consultations antitabac ? Dr Gariepy : Je vois deux raisons à cela. Les nombreuses campagnes de communication incitent à arrêter de fumer, et surtout la hausse du prix du tabac. Par ailleurs, les messages inscrits sur les paquets de cigarettes ont aussi un impact indirect, et ce malgré le déni habituel des fumeurs. Avez-vous évalué l’augmentation des demandes de consultation ? Dr G. : Il existe une très grande demande en ce moment. Il faut préciser cependant que notre mission principale est la prise en charge des patients hospitalisés en prévention cardiovasculaire et en rééducation cardiaque et vasculaire. Nous réservons l’essentiel des rendez-vous pour ces patients, il ne reste donc que peu de places pour les demandes externes. En effet, les consultations externes ne représentent que 25 % de notre activité. On évite d’accumuler trop de rendezvous à long terme pour laisser de la place aux patients hospitalisés. Les patients prioritaires sont ceux qui viennent avec des problèmes cardiovasculaires (préventions primaire et secondaire). Comment se passe concrètement la première consultation ? Quelles sont les motivations avancées par le patient ? Dr G. : Nous débutons par une petite réunion d’information, qui regroupe plusieurs patients sur le thème de l’origine de la toxicité du tabac, en distinguant toute10 fois la nicotine addictive, qui fait fumer mais qui n’est pas si dangereuse en soi, et la fumée qui tue. Le premier objectif de cette réunion est d’atténuer la réticence des patients quant à l’utilisation des substituts nicotiniques, notamment les dispositifs transdermiques, ou patchs. Le second objectif est d’exposer les différentes composantes de la dépendance au tabac : la dépendance physique, psychologique et comportementale, ainsi que les solutions existantes pour y faire face. Cette réunion est très ouverte. Les participants sont invités à faire part de leur propre expérience. La réunion est suivie d’un entretien individuel pour analyser les problèmes personnels de chaque patient. Quant aux motivations de ces patients, la première est la santé et le bien-être, la deuxième est le prix, la troisième étant la notion de dépendance. Notre principal challenge est de convaincre ou de motiver des patients qui ne souhaitent pas a priori arrêter de fumer. Comment adaptez-vous les traitements aux besoins spécifiques de chaque patient ? Dr G. : Le premier traitement concerne les substituts nicotiniques. On parle systématiquement de la thérapie cognitive et comportementale à nos patients, mais nous n’avons pas les moyens en personnel pour en assurer le suivi. Nous prescrivons un médicament à la demande de nos patients et en l’absence de contre-indications, car la boîte coûte très cher, et les effets se- Professions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003 condaires sont nombreux. Nous adaptons les traitements en fonction du type de dépendance constaté et de la demande des patients. Le thérapeute doit suivre et encourager le patient dans la démarche qu’il a choisie, à savoir l’utilisation du patch ou non, le soutien psychologique, l’utilisation d’un antidépresseur. Quelles sont les difficultés récurrentes rapportées par les fumeurs pendant la période de sevrage ? Dr G. : Nous avons relevé trois grandes difficultés. Dans un premier temps, apparaît un manque physique tant au niveau de la substance nicotinique que de la gestuelle du fumeur. Ce déconditionnement gestuel est assez difficile. Lorsque cette première phase de dépendance physique est dépassée, survient alors la période de regret intense des cigarettes de détente. Puis, dans une troisième phase plus éloignée dans le temps, le fumeur oublie même les raisons qui l’ont incité à arrêter de fumer. Il est alors particulièrement vulnérable et peut céder assez facilement. Ces deux dernières phases sont à l’origine de la majorité des reprises chez nos patients. Parallèlement, la prise de poids et l’apparition d’états dépressifs peuvent constituer des obstacles sérieux au sevrage surtout en l’absence de patchs. Avez-vous enregistré des résultats probants sur l’ensemble des patients traités ? Dr G. : Un mailing a été réalisé auprès de nos patients afin de connaître le nombre de succès au bout d’un an, les raisons des reprises et l’indice de satisfaction des patients par rapport à l’aide au sevrage. Les résultats enregistrés ne sont pas significatifs en raison d’un taux de réponses trop faible, de l’ordre de 20 %. F.C.