Suite à l`analyse des 3 entretiens réalisés, et en reprenant

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Suite à l’analyse des 3 entretiens réalisés, et en reprenant mon cadre conceptuel, il m’est
venu plusieurs questions et pistes de réflexion qui reflètent toute la complexité de ma
problématique de départ.
J’ai choisi tout d’abord d’instaurer une réflexion autour du sevrage tabagique en Unité
de Soins Intensifs de Cardiologie (USIC) : n’est-ce pas trop tôt pour intervenir. J’ai
souhaité aborder ensuite l’opposition à l’arrêt du tabac lors du sevrage tabagique, thème
qui constitue la dernière partie de ma question de départ et que je n’ai pas traité jusqu’à
présent. Afin de comprendre les compétences de l’infirmière dans l’accompagnement au
sevrage tabagique, j’ai souhaité également me questionner sur son espace de manœuvre
au sein du service et avec les autres acteurs qui participent au sevrage tabagique d’un
patient. Pour terminer, j’ai tenté de réfléchir sur la formation des soignants au sevrage
tabagique et sur la confrontation entre l’apprentissage théorique et pratique.
I- Le sevrage tabagique en Unité de Soins Intensifs de Cardiologie : n’est ce pas
intervenir trop tôt ?
Pour commencer, prenons l’exemple1 de Monsieur C., un homme de 40 ans. Il fume
depuis 20 ans 20 cigarettes par jour. Il se croit bien portant et malgré tous les messages
de prévention sur le tabac, il continue à fumer. Un jour, alors qu’il court après son bus
le conduisant à son travail, il ressent une forte douleur dans la poitrine, décrite comme
rétro- sternale et irradiante dans le bras gauche avec une douleur à la mâchoire. Cette
douleur thoracique ne cesse pas après l’arrêt de l’effort physique. Après avoir été
transporté aux Urgences cardiologiques par le SAMU il est effectué un bilan sanguin et
un électrocardiogramme. Le diagnostic d’infarctus du myocarde est posé et Mr C. passe
une coronarographie avec angioplastie et pose d’un stent. Monsieur C. est conduit en
Unité de Soins Intensifs de Cardiologie où il passera 3 jours en observation et sous
traitement anticoagulant.
La maladie cardiaque comme d’autres maladies est considérée dans notre société
comme une caractéristique parmi tant d’autre pour un individu : « Je suis cardiaque
… » ou « Attention, mon cœur est fragile ! ». C’est le signe que, dès lors où un incident
cardiaque est survenu, la personne est considérée comme malade cardiaque car le risque
de récidive et présent continuellement et les habitudes de vie doivent êtres modifiées.
Mr C. venant d’avoir un infarctus du myocarde ne pourra plus dire « je suis en bonne
santé ». Sa santé, il en fait le deuil. Certains patients fumeurs culpabilisent d’avoir
fumé, d’autre réfléchissent à d’autres stratégies ou adaptations à réaliser pour continuer
1
Cet exemple est fictif et totalement inventée bien que pouvant se rapprocher de la réalité
à fumer malgré la maladie. « Malgré la maladie »… Car la bonne santé, elle, n’est plus
là. C’est, au-delà de la maladie, une épreuve que le patient doit surmonter lors de son
hospitalisation et à sa sortie de l’hôpital. Il est possible alors, qu’il soit hermétique à un
conseil de sevrage tabagique.
Monsieur C. reste hospitalisé 3 jours dans le service. Sans y avoir été préparé
auparavant, il se retrouve projeté dans un milieu qui peut faire peur, dans une chambre
où un médecin, un interne, des infirmières et des aides soignantes rentrent et effectuent
leurs soins. Sa préoccupation est de rentrer le plus vite possible chez lui, retrouver sa
femme, ses enfants, ses meubles, son lit, son odeur. De plus, ici, à l’hôpital, il est
interdit de fumer à l’intérieur de l’établissement et Monsieur C. ne peut sortir pour
fumer car il est surveillé en permanence par un scope.
Les règles qui sont imposées aux patients arrivant dans un service hospitalier, plus
particulièrement aux soins intensifs de cardiologie et le changement violent de cadre de
vie peuvent amener une méfiance envers les soignants, un mal-être. La relation
soignant- soigné doit alors être adaptée pour permettre un échange autour de la
consommation du tabac et de la mise en place d’un sevrage tabagique. Il est donc
important que le soignant instaure un climat de confiance avec le patient afin de pouvoir
communiquer simplement et avec authenticité. Cette phase peut prendre du temps.
Mais le temps manque parfois. En unité de soins intensifs de cardiologie, la durée
moyenne d’une hospitalisation est de 3 à 4 jours. Il peut être difficile d’instaurer une
relation de confiance avec le patient en si peu de temps. Il faut savoir aborder le patient
et lui parler de manière adaptée à sa situation, au vécu de son hospitalisation.
« Arrêter de fumer est un parcours. Accompagner un fumeur, c’est suivre son
parcours »2
Bouleversement des habitudes de vie et manque de temps peuvent paraître des obstacles
à la mise en place d’un sevrage tabagique à l’entrée aux soins intensifs de cardiologie.
J’ai pu assister à un entretien entre un patient et une infirmière tabacologue. Ce qu’il
ressort de cet entretien, c’est que le patient reste libre de ces choix. Il a le choix
d’accepter ou pas la venue de l’infirmière tabacologue. Il a le choix de répondre ou pas
à ses questions et à son questionnaire. Il a le choix de débuter ou pas un sevrage
tabagique. Il a le choix de se remettre à fumer ou d’arrêter à sa sortie de l’hôpital. Mais
le patient fumeur hospitalisé, au-delà de cette liberté de choisir, est soumis à sa
dépendance au tabac et à sa relation intime et inviolable avec la cigarette. Sa
dépendance peut être pharmacologique, comportementale et/ou psychologique. Le
patient peut se renfermer, se braquer. Il peut refuser d’arrêter de fumer, refuser de
2
Diaporama « Conseil minimal et sevrage tabagique », CHU Rennes Septembre 2006
débuter un sevrage même s’il est conscient des dangers que la consommation de tabac
représente pour lui, pour sa santé et pour l’efficacité des traitements qu’il reçoit pendant
son hospitalisation.
Il faut donc, avant tout, que le patient se questionne sur sa consommation de tabac, qu’il
prenne de la distance par rapport à cette consommation. Un questionnaire écrit rempli
par le patient avant la première consultation de tabacologie est un outil idéal : il peut
prendre le temps de s’interroger seul sur sa dépendance au tabac. Le débriefing réalisé
ensuite avec l’infirmière tabacologue est aussi important pour analyser les réponses du
patient.
La complexité est ici : afin que le patient entreprenne un sevrage tabagique, il doit avoir
au préalable analyser sa consommation. Cette analyse ne peut se faire qu’avec l’aide
d’une infirmière tabacologue qu’il a le choix d’accepter ou de refuser. S’il refuse, c’est
justement parce qu’il est lié trop intimement à la cigarette. En parler serait trop intrusif :
j’ose avancer le terme de blessure narcissique. La cigarette fait partie du fumeur. Or, on
lui demande de supprimer une partie de lui-même. Il est donc méfiant envers les
soignants. Une relation de confiance doit être instaurer mais cela demande du temps et
de l’investissement tant au niveau du patient que du soignant. Mais le facteur temps,
c’est celui qui nous manque dans une telle situation. « Même si quelqu’un est réticent,
je ne vais pas insister et on va laisser cheminer l’information »3. C’est une phrase qui
résume le minimum qui doit être effectué dans une unité de soins intensifs de
cardiologie : une information doit être donnée aux patient sur les possibilités pour
arrêter de fumer, les aides et les coordonnées.
II- Retour sur la question de départ : l’opposition à l’arrêt du tabac en début de
sevrage tabagique
Je n’ai pas abordé volontairement le concept d’opposition dans mon cadre conceptuel
parce qu’il me semble que cette notion est la plus compliquée. C’est bien sur
l’opposition à l’arrêt du tabac que se base la complexité de ma problématique de départ.
L’opposition est défini comme l’ « action de s’opposer : résister, faire obstacle à, ne pas
accepter quelque chose »4. L’opposition du patient ne doit pas être prise comme de la
mauvaise volonté ou une mauvaise intention envers les soignants. Il est en premier lieu
très important de comprendre pourquoi le patient s’oppose, si un mal-être est sous
jacent.
3
4
Citation issue d’un entretien avec une infirmière d’une unité de soins intensifs de cardiologie
Le petit Larousse illustré 2007
Comme pour le sevrage tabagique, l’opposition peut s’exprimer de deux manières:
l’opposition active et l’opposition passive.
L’opposition active signifie que le patient effectue des actes marquant précisément son
envie de reprendre sa consommation de tabac : il va fumer dans sa chambre, demander à
sortir pour fumer, refuser la venue de l’infirmière tabacologue. Dans l’opposition active,
la cigarette est au centre des paroles du patient.
En revanche, l’opposition passive est nettement plus difficile à distinguée car il n’ai pas
aisé de comprendre que le mal-être engendré par l’arrêt du tabac en est la cause: le
patient va se refermer ou, au contraire va être énervé allant même jusqu’au refus de
soins et la volonté de sortir contre avis médical.
Comme exposé dans mon cadre conceptuel, le sevrage tabagique peut être passif ou
actif. Du fait même de son hospitalisation, le patient ne peut fumer : il débute un
sevrage tabagique passif. Rappelons-le, dans les premiers jours d’hospitalisation, le
patient est dans un certain état d’esprit : il peut se rendre compte qu’il vient d’échapper
à la mort, il fait le lien entre sa maladie cardiovasculaire et sa consommation de tabac, il
se retrouve brusquement à l’hôpital : il est en état de choc. Du fait même de cet état
inhabituel, le patient n’a pas nécessairement de sensation de manque liée au tabac. Mais
plus les jours passent, plus le patient va sortir de son état de choc et retrouver ses
besoins habituels. Le tabac en est un. Le patient peut signifier son opposition à l’arrêt du
tabac, malgré sa connaissance des dangers du tabac et les règles attenantes à son
hospitalisation. Ma situation d’appel en est une parfaite illustration même si la durée
d’hospitalisation est plus élevée. Mais comme chaque patient est différent face au
besoin de tabac, le manque peut survenir au 2ème comme au 10ème jour.
J’ose émettre une hypothèse : l’opposition, active ou passive, peut être considérée
comme un moyen de défense du patient, un moyen pour lui de prendre le dessus sur sa
situation, de se reconstruire en tentant de contrôler le déroulé de son hospitalisation.
III- L’espace d’intervention de l’infirmier en unité de soins intensifs de
cardiologie
Il est évident que l’infirmière tabacologue joue un rôle indispensable dans
l’accompagnement au sevrage tabagique du patient fumeur. Sa formation (Diplôme
Universitaire) et son expérience lui permettent d’avoir une approche et une réponse la
mieux adaptées à ses besoins. L’infirmier a-t-il alors une place à prendre dans
l’accompagnement au sevrage tabagique des patients fumeurs ?
Nécessairement oui, puisque l’infirmier du service est le coordinateur de tous les
professionnels médicaux et paramédicaux qui interviennent auprès du patient.
L’infirmier va être le premier interlocuteur du patient fumeur avec qui le problème du
tabac va être abordé : c’est le conseil minimal. Le conseil minimal se compose de 2
questions : « Fumez-vous ? » puis « Voulez-vous arrêter de fumer ? ». Ensuite, il faut
donner une réponse adaptée aux besoins du patients : début du sevrage, brochure
d’information pour un sevrage ultérieur, accompagnement ou envoi vers un autre
professionnel5. L’infirmier peut-être amené ensuite à prendre contact avec les
infirmières de tabacologie pour débuter un sevrage tabagique si le patient le souhaite.
L’entretien de tabacologie et le suivi du sevrage tabagique font partie du rôle de
l’infirmière de tabacologie. En revanche, durant la durée de l’hospitalisation d’un
patient privé de tabac, l’infirmier est un interlocuteur, observateur privilégié. Un
syndrome de manque peut s’installer : nervosité, agacement, renfermement, …
L’accompagnement de l’infirmier et plus généralement de l’équipe soignante est
indispensable. Il doit être à la fois cadrant et adaptable. Cadrant car l’équipe soignante
doit poser régulièrement les règles, institutionnelles et « médicales » : il est interdit de
fumer dans l’établissement, reprendre une consommation de tabac pourrait mettre en
échec les thérapeutiques utilisées. Adaptable parce que l’équipe doit écouter et aider le
patient au jour le jour, de difficultés en difficultés, qui ne sont pas nécessairement les
même constamment.
A final, oui, l’infirmier peut trouver sa place dans l’accompagnement au sevrage. Il
reste maintenant à savoir quel est sa place car les situations de patients souffrants d’une
dépendance tabagique sont différentes à chaque fois : les réactions des individus sont
imprévisibles et très personnelles.
5
Diaporama « Conseil minimal et sevrage tabagique », CHU Rennes Septembre 2006
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