A usage officiel Organisation de Coopération et de Développement Economiques Organisation for Economic Co-operation and Development STD/NA(2001)24 04-Oct-2001 ___________________________________________________________________________________________ Français - Or. Anglais _____________ DIRECTION DES STATISTIQUES STD/NA(2001)24 A usage officiel Comptes nationaux PERMIS ET ACTIFS INCORPORELS Point 2 de l'ordre du jour Robin Lynch, ONS - Royaume-Uni RÉUNION DE L'OCDE D'EXPERTS EN COMPTABILITÉ NATIONALE Château de la Muette, Paris 9-12 octobre 2001 Commençant à 9h30 le premier jour Français - Or. Anglais JT00113889 Traduction N°10220 Document complet disponible sur OLIS dans son format d'origine Complete document available on OLIS in its original format STD/NA(2001)24 PERMIS ET ACTIFS INCORPORELS Introduction 1. L’Office national de statistiques (ONS) du Royaume-Uni a dû régler une série de problèmes liés à la nomenclature des comptes nationaux à la suite de la vente aux enchères aux sociétés de téléphonie mobile de permis pour l’utilisation du spectre électromagnétique. Un débat à l’échelle mondiale s’est ouvert sur la manière de classer les paiements pour l’utilisation du spectre. S’agit-il d’un loyer, d’un impôt, d’une redevance ou d’une vente d’un actif ? Au moment où ce document est écrit, il subsiste des divergences de vues sur le traitement à retenir dans les comptes nationaux. Mais le débat a aussi révélé une certaine confusion quant à la manière de traiter dans les comptes nationaux les biens incorporels et les impôts. 2. Ce document examine ces concepts du point de vue des grands principes économiques, en cherchant à identifier les caractéristiques des actifs et des impôts, ce qui facilite la détermination du traitement dans les comptes nationaux le plus approprié dans chaque cas. On s’interrogera en outre sur certaines prescriptions du SCN93 et du SEC95. A ce titre, il ne s’agit pas seulement d’une interprétation des règles de comptabilité nationale actuelles, mais également d’une contribution à une révision de cellesci dans le futur. Terrains 3. Les terrains sont classés dans le SCN93 comme des actifs corporels non financiers non produits – AN.21. Il est difficile de comptabiliser correctement le stock de terrains entre le solde d’ouverture le solde de clôture. En effet, les améliorations majeures de terrains sont classées dans la rubrique formation brute de capital fixe en tant qu’actifs produits (AN.11). La variation de la valeur de l’actif non produit «terrain » qui en résulte doit être artificiellement incorporée dans les comptes de sorte que l’augmentation de la valeur due à la formation de capital sous AN.11 puisse se refléter dans la valeur du stock de terrains (AN.21) par le truchement d’un poste d’ajustement. Ce document propose une classification des terrains en deux catégories -- actif non produit et actif produit -- ce qui permettra de surmonter cette difficulté. 4. Les terrains ont deux caractéristiques principales -- une manifestation matérielle et une propriété d’occupation spatiale. La manifestation matérielle est appréhendée sous de multiples formes : elle peut être vue et touchée, on peut y marcher, y creuser, l’utiliser pour des cultures, etc. Le sol, la roche, la surface et ses caractéristiques physiques sont observables. La valeur d’un terrain sous cet aspect réside dans le service qu’il rend pour les activités économiques. Par exemple, le sol d’un champ utilisé pour l’agriculture permet l’enracinement des végétaux et stocke des éléments nutritifs, de telle sorte que les cultures peuvent se développer. La roche d’un site voué à la construction fournit les fondations appropriées pour l’érection de bâtiments. Le sable fournit un matériau approprié au bord de la mer pour y jouer, ou pour en déjouer les pièges si l’on est golfeur. Chacune de ces caractéristiques peut se dégrader. Pour conserver la valeur d’un terrain, il peut falloir entreprendre des travaux importants d’amélioration. Un régime de droits de propriété 2 STD/NA(2001)24 peut être établi sur ces caractéristiques, indépendamment de la deuxième caractéristique d’occupation spatiale. 5. Ces caractéristiques matérielles font qu’un terrain doit être considéré comme un actif économique. Bien que les récoltes aient été un processus naturel dans les temps passés, la plupart des terrains dans les pays développés peuvent être classés dans les actifs produits. En effet, les superficies agricoles auront été dépierrées, drainées, délimitées, nivelées, etc… Les terrains à bâtir devront également être viabilisés, dotés d’accès, etc… Cette caractéristique d’un terrain permet de le définir comme un actif corporel non financier produit. Par conséquent, les paiements qui sont effectués pour l’utilisation des caractéristiques matérielles améliorées d’un terrain doivent être classés dans les loyers, c’est à dire des paiements pour un flux de services en capital fournis par le capital produit. 6. Nous utilisons ici le mot « amélioré » pour traduire le fait qu’il y a eu formation de capital afin d’augmenter la valeur de l’actif, sans nous prononcer sur ce que peut être une amélioration sous l’angle social. Nous pourrions estimer en tant que membre de la société qu’une forêt est un meilleur actif qu’un champ de céréales, mais le déboisement et l’aménagement sont considérés comme une amélioration pour l’économie et les comptes nationaux. 7. En l’absence d’entretien et d’amélioration, la partie produite d’un terrain se dégradera avec le temps et pourra s’épuiser. Par conséquent, les théories traditionnelles reliant les services, la consommation de capital et la valeur du capital pourront s’appliquer. Pour établir la valeur de l’exploitation agricole d’un terrain, nous pouvons utiliser les relations normalisées exposées dans le manuel de l’OCDE sur la mesure du stock de capital. Dans un marché efficient, la valeur de l’actif produit sera déterminée par la valeur actuelle nette de la somme des loyers futurs pour une utilisation agricole. 8. Un terrain possède une deuxième caractéristique : il occupe et il délimite l’espace. Cela peut donner lieu à un deuxième type de paiement, qui est intrinsèquement différent du loyer décrit ci-dessus. C’est un paiement qui reflète le droit de contrôler l’accès à l’espace occupé. Il est impossible d’évaluer cet aspect de contrôle territorial en utilisant le modèle de la valeur actuelle nette liant la valeur actuelle nette des loyers futurs à la valeur de l’actif. Le contrôle de l’espace durera aussi longtemps qu’il existe un titre de propriété. Si un agent économique était prêt à payer cinq dollars par an pour un droit d’accès, alors dans le cas d’un taux d’actualisation égal à zéro, la valeur calculée comme la somme des flux actualisés de services serait infinie. 9. Ainsi, le paiement d’un droit d’accès constitue un paiement pour une autorisation, et le prix du marché sera déterminé par les aspects concurrentiels du marché – est ce que l’utilisateur de l’autorisation est en mesure de fournir en aval un produit à un prix que le marché acceptera ? Les paiements pour un droit d’accès ne semblent pas avoir pour contrepartie un service, puisqu’il n’y a aucune production économique incluse dans le produit intérieur brut qui soit exigée pour assurer l’accès. Cela donne à penser que le traitement comptable doit être celui d’un transfert courant de revenu -- en fait conforme au traitement du SCN actuel d’un loyer pour un terrain. 10. Un terrain a une troisième caractéristique comme actif : sa valeur comme actif originel non produit, qui n’a pas été influencée par le développement économique. Nous pensons que de tels terrains sont relativement rares et peuvent être considérés comme des cas particuliers. On peut appréhender leur valeur économique en considérant leur valeur actuelle nette en tant que générateurs de revenus du tourisme. Là encore, ce paiement est la contrepartie de l’utilisation d’un actif non créé par un processus de production normal : il doit être également traité comme un transfert de revenu. 3 STD/NA(2001)24 11. Cette argumentation visant à identifier trois caractéristiques différentes d’un terrain considéré comme un actif ne prend pas en compte les questions de mesure. Il peut être extrêmement difficile dans la pratique de répartir la valeur d’un parcours de golf dans les faubourgs d’une ville importante en : a) valeur comme parcours de golf, reflétant l’investissement et l’entretien nécessaire pour que l’on puisse y jouer au golf, b) valeur comme accès potentiel, dans la mesure où il pourrait être très pratique pour les automobilistes de traverser le terrain pour accéder de la banlieue au cœur de la ville, en payant un péage pour cela, c) valeur intrinsèque liée à l’existence de jolies collines, de drainages naturels et de panoramas très recherchés. 12. Dans la plupart des cas, l’essentiel de la valeur proviendra de la valeur de l’actif produit. Pour un parcours de golf tel que celui de Saint Andrews en Écosse, on peut certes considérer que la valeur du parcours de golf reflète les caractéristiques naturelles du terrain originel : une herbe courte, des greens roulants, des fairways qui ondulent etc… Économiquement, de tels phénomènes sont relativement peu nombreux. On peut les considérer comme des cas spéciaux en les incluant dans le stock d’actifs de l’économie. Ils sont valorisés grâce à leur utilisation comme attraction touristique ou au produit de la cueillette dans le cas de forêts naturelles, etc... Même dans le cas de Saint Andrews, le remodelage des greens, les tees, l’épandage d’engrais, les réseaux de drainage pour les fairways, les voies d’accès, les bâtiments auxiliaires, les canalisations, tous ces travaux représentent un investissement considérable et continu au fil des années, si bien que leur contribution à la valeur existante de l’actif l’emporte très largement sur la valeur intrinsèque de l’actif comme don de la nature. Il faut aller chercher l’exemple des parcs nationaux, des forêts vierges et d’autres phénomènes géographiques naturels de grande échelle pour identifier des exemples significatifs de ce qui peut encore être considéré comme un actif économique corporel non produit. 13. Cela ne permet pas néanmoins de traiter commodément le cas d’un terrain à bâtir situé en banlieue. Le terrain peut valoir un prix élevé en raison de sa proximité de la ville, mais la répartition de sa valeur entre les facilités d’accès, l’état initial du terrain et l’investissement nécessaire pour construire le bâtiment n’est pas aisée. 14. Le terrain peut être décomposé en trois types d’actif : un actif corporel produit, reflétant la formation de capital fixe passée ; un actif corporel non produit, reflétant la valeur du terrain à l’état naturel, un actif incorporel non produit, reflétant la caractéristique liée à l’occupation spatiale, qui permet de dégager des recettes moyennant une autorisation d’accès. 15. Les terrains et les constructions sont souvent traités comme un seul actif en raison des problèmes de mesure (SNA93 7.131). De même, pour un terrain aménagé, il sera souvent pratique de le classer dans un type d’actif, qui sera souvent l’actif non financier produit, de façon à prendre en compte la principale valeur de l’actif. L’Etat 16. Nous allons maintenant examiner le rôle spécial que l’Etat joue dans l’utilisation des autorisations en tant que moyen de lever des fonds. Dans le rôle du régulateur, l’Etat peut avoir recours à 4 STD/NA(2001)24 toute une palette d’instruments budgétaires pour réglementer l’activité sociale et économique dans l’espace territorial national. Il a en charge l’administration du système juridique national et du système fiscal national et a un rôle international dans la réglementation de l’accès aux frontières du territoire. 17. L’Etat peut lever des recettes via la fiscalité. Au travers d’un cadre juridique, l’Etat peut obliger les citoyens et les entreprises opérant sur le territoire national à lui effectuer certains paiements. Ces paiements ne donnent lieu en général à aucune contrepartie ; il n’y a aucun paiement direct pour les services correspondants rendus. Il peut s’agir de transferts sans contrepartie qui permettent au gouvernement de mettre en œuvre des politiques de défense nationale, de redistribution des revenus et de progrès social et économique et de fournir ou financer des services publics. 18. L’existence de frontières territoriales matérialise les limites dans lesquelles le gouvernement fait respecter son cadre réglementaire. Les recettes prélevées par l’Etat prennent principalement la forme d’impôts. Certains de ces impôts correspondront à l’octroi d’une autorisation, au titre d’une réglementation, pour l’exercice d’une activité sur le territoire. Par exemple, une personne ou une entreprise peut verser à l’Etat de l’argent pour être autorisée à exploiter un véhicule sur les routes publiques. L’octroi d’un permis matérialise généralement ce genre d’autorisation. Si les montants perçus au titre de cette autorisation sont beaucoup plus élevés que les coûts administratifs de collecte et de contrôle, les paiements versés au titre des permis sont considérés comme des impôts. 19. La faculté de collecter de l’argent grâce à un système d’autorisation pourrait conduire à penser que les permis attribués représentant l'autorisation sont des actifs incorporels – des créations de la société se traduisant par la création d’un actif de valeur. Ces autorisations pour des activités réglementées peuventelles être considérées comme des actifs économiques ? 20. Peter Hill a écrit dans un numéro récent de SNA News and Notes un article sur le traitement des brevets régissant les inventions scientifiques. Voici un extrait de cet article : 21. « Un objet d’art original est considéré comme une immobilisation incorporelle dans le SCN 1993 et est enregistré dans le poste AN.112 dans la nomenclature des actifs. Par définition, donc, l’acquisition d’un original est comptabilisée dans la formation brute de capital fixe. Notons que le droit d’auteur n’apparaît pas dans la nomenclature des actifs, parce que le droit d’auteur n’est pas lui-même un actif: il n’est qu’un instrument juridique fournissant des preuves de propriété sur un actif (c’est nous qui soulignons). Tout paiement reçu par le propriétaire de l’actif, c’est-à-dire le titulaire du droit d’auteur, d’autres unités qui sont autorisées à utiliser l’actif est équivalent d’un point de vue conceptuel à des loyers reçus par les propriétaires d’actifs corporels qui les louent ». 22. Ce raisonnement souligne que la création d’un instrument juridique régissant l’utilisation d’un actif n’implique pas que l’instrument lui-même doive être considéré comme un actif distinct. La valeur réside dans l’actif sous-jacent, et l’instrument juridique détermine l’identité du « propriétaire » d’un point de vue pratique. Si l’instrument juridique transfère à tous égards la propriété de l’actif à une deuxième unité économique, on se trouve de facto devant une vente de l’actif sous-jacent de la première unité économique à la deuxième unité. Autre cas de figure, l’instrument juridique peut ne régir que l’utilisation de l’actif sous-jacent par la deuxième unité, dans des conditions qui font clairement apparaître que la première unité reste propriétaire de l’actif en pratique et en droit. Dans ce cas, les paiements pour l’utilisation de l’actif constituent un loyer s’il s’agit d’un actif produit, et une rente s’il s’agit d’un actif non produit. 23. Considérons le cas d’un permis qui accorde un accès exclusif à une partie ou à la totalité d’un espace territorial. Si nous acceptons que le permis soit un actif économique, quelles en sont les conséquences ? Le volume des services en capital fournis par le permis ne diminue pas avec le temps. En 5 STD/NA(2001)24 faisant l’hypothèse d’un taux d’actualisation égal à zéro, et en considérant que le détenteur du permis espère des revenus annuels d’un montant de 1 000 livres sur une période de cinq ans, le prix pour la délivrance du permis sera de 5 000 livres. Si le paiement effectif est inférieur à ce montant, l’obtention d’un permis donnera lieu à une concurrence. En revanche, s’il est supérieur, il n’aura probablement pas de candidat à l’obtention du permis. Lorsque le degré d’exclusivité est fixé, mais que le rendement économique de la détention de l’actif est inconnu, une vente aux enchères pourrait être un moyen efficace de déterminer la valeur économique en question. Ainsi, on peut considérer que le permis est semblable à un instrument juridique déterminant l’accès à des œuvres d’art originales protégées par un droit d’auteur. 24. C’est maintenant que surgit le principal obstacle pour considérer le permis comme un actif de valeur. Au moment de la délivrance du permis, le stock d’actifs économique réels du territoire a augmenté de 5 000 livres. Pourtant, pour un observateur extérieur, il n’y aura aucune augmentation perceptible. Il est vrai qu’une unité économique a obtenu un avantage sur les autres grâce à la délivrance d’un permis, mais au niveau économique global, il n’y a pas eu d’augmentation nette des flux de services en capital. Si le permis est comptabilisé comme un actif de valeur alors qu’il n’y a pas eu augmentation nette du stock global d’actifs économiques et de services associés correspondant à la création de l’actif « permis », une diminution de la valeur d’un actif de l’économie doit s’être produite quelque part. Mais quelle pourrait bien être cette diminution ? Est-il possible d’imaginer que l’Etat possède un bien incorporel dénommé « droit de donner des autorisations », qui aurait été réduit par la délivrance d’un permis ? Quelle valeur doit-on accorder à ce droit, étant donné les possibilités de délivrer d’autres permis ? Serait-il possible de comptabiliser une réduction du stock de survaleur détenu par d’autres sociétés opérant dans le même secteur ? Comment peut-on imputer une valeur aussi nébuleuse aux diverses unités économiques pouvant potentiellement entrer en concurrence ? 25. En raisonnant par l’absurde, considérons le cas d’un Etat qui accorderait des droits de monopole à une entreprise pour le commerce de certaines marchandises, alors qu’il existait un marché libre jusqu’à ce moment. Ce permis absolument exclusif a une énorme valeur pour son détenteur : prenons l’exemple d’un seul distributeur d’automobiles autorisé à importer dans un pays. Pour son titulaire, l’autorisation représentée par un certificat, une garantie, un permis représente une valeur certaine qui se reflétera dans l’évaluation de la société. Son action en bourse augmentera, de même que ce qu’on appelle la survaleur. Et il est probable que les autres sociétés du même secteur constateront une diminution équivalente de la composante « survaleur » de leur valeur de marché. 26. La société peut choisir de comptabiliser le permis comme un actif dans les comptes, et d’amortir la valeur dans le compte de résultat sur la durée de vie du permis. Mais un obstacle fondamental demeure du point de vue du comptable national. L’octroi de l’autorisation n’a pas accru le stock d’actifs économiques ou n’a pas augmenté les flux correspondants de services en capital pour le territoire dans son ensemble. Et même, la théorie économique du marché suggère qu’une dégradation de la performance économique est à prévoir, en raison du comportement monopolistique du détenteur du permis. 27. Cet exemple montre que le comptable national est dans l’obligation de chercher une autre manière d’enregistrer ces paiements. Impôt 28. En quoi consiste un impôt ? La définition est donnée dans le paragraphe 7.48 du SCN 1993 : « Les impôts sont des paiements obligatoires, sans contrepartie, en espèces ou en nature, effectués par les unités institutionnelles à des administrations publiques. Ils sont dits « sans contrepartie » parce que les administrations ne fournissent rien en retour à l’unité individuelle 6 STD/NA(2001)24 qui effectue le paiement, même s’il arrive que les administrations utilisent les fonds collectés par les impôts pour fournir des biens ou des services à d’autres unités, individuellement ou collectivement, ou à la communauté dans son ensemble ». 29. On peut noter que cela n’empêche pas le contribuable de profiter de l’utilisation des impôts. L’Etat peut toujours « promettre » que la taxe de circulation automobile sera utilisée pour construire de nouvelles routes, mais le fait qu’il puisse affecter les sommes correspondantes comme bon lui semble montre qu’il n’y a pas de contrepartie au paiement. 30. Les prescriptions actuelles du SCN stipulent que les sommes payées pour des éléments tels qu’un permis de chasse doivent être enregistrées comme un impôt. Il est toutefois intéressant d’examiner comment le contribuable perçoit l’opération. Si on le lui demande, le chasseur pourra estimer qu’il a reçu un service pour son argent : le droit de chasser dans certaines conditions. Cela ressemble en effet à un service au chasseur, qui considérera que le paiement de l’impôt a une contrepartie et qu’il a donc versé une redevance. Cela démontre que la définition de l’impôt dans le SCN 1993 pourrait être complétée de la manière suivante : 31. « Les impôts sont des paiements obligatoires, sans contrepartie, en espèces ou en nature, effectués par les unités institutionnelles à des administrations publiques. Ils sont dits « sans contrepartie » parce que les administrations ne fournissent rien en retour à l’unité individuelle qui effectue le paiement, à l’exception d’un permis, même s’il arrive que les administrations utilisent les fonds collectés par les impôts pour fournir des biens ou des services à d’autres unités, individuellement ou collectivement, ou à la communauté dans son ensemble». 32. Ce texte est important autant pour ce qu’il ne dit pas que pour ce qu’il dit. Par exemple, il ne dit pas que les impôts devraient être déterminés d’une manière spéciale pour être qualifiés d’impôts. La mise aux enchères d’un permis afin de déterminer une valeur que le marché peut accepter n’empêche pas de considérer les recettes ainsi collectées comme un impôt. Assujettir à l’impôt un sous-ensemble de la société, par exemple tous les Écossais vivant en Angleterre, est un moyen exclusif (et injuste) de collecter des recettes, mais cela reste un impôt. 33. L’utilisation du mot « obligatoire » dans la définition de l’impôt peut donner lieu à des malentendus quant à la manière de classer les recettes de l’administration. Les impôts sont administrés par la loi, mais les impôts sur les biens ne sont obligatoires que dans la mesure où un membre de la société choisit d’en consommer. Par exemple, une personne peut choisir de fumer ; elle paiera ainsi la taxe sur les cigarettes. Le paiement de l’impôt est seulement obligatoire si le consommateur décide d’acheter le produit. Mais il peut décider de ne pas l’acheter. En ce sens, l’impôt n’est pas obligatoire. Cela est différent dans le cas d’un impôt de capitation, où l’existence même d’une personne constitue le fait générateur. Pour éviter cet impôt, il faudrait faire des choix très pénibles. C’est pourquoi on peut raisonnablement le considérer comme un impôt obligatoire. 34. Lorsque des permis sont accordés pour l’exercice de certaines activités, les paiements liés à ces permis sont classés dans les impôts quand le montant des paiements est très supérieur au coût administratif de collecte et de contrôle. En théorie, les paiements pour services rendus devraient être enregistrés de cette façon, et seuls les montants supérieurs au coût devraient être classés comme des impôts. En pratique, il est difficile de faire cette distinction. C’est pourquoi tous les paiements sont répertoriés comme des impôts quand la composante « fiscale » est très supérieure à la composante « service ». 35. Il existe une explication pour cela : puisque la production non marchande des administrations est mesurée comme la somme des intrants, la valeur ajoutée créée par les procédures réglementaires sera correctement incluse dans la production des administrations en raison des salaires payés aux fonctionnaires 7 STD/NA(2001)24 administrant le permis. La question de savoir comment traiter les péages pour les routes et les ponts se pose néanmoins, dès lors que la définition des actifs en capital des administrations a été élargie pour les inclure. Si l’administration perçoit un péage pour l’usage d’une route ou un pont, et s’il est garanti que les sommes perçues seront utilisés seulement pour l’entretien du bien d’équipement existant, est-ce qu’on ne pourrait pas imputer ces prélèvements sur la consommation de capital de l’actif, qui est déjà incluse dans la mesure de la production des administrations ? Dans ce cas, ce péage ne devrait pas être considéré comme un impôt, mais plutôt comme une redevance d’usage d’une route publique. 36. Le paragraphe précédent a été écrit plutôt à contrecœur, car un statisticien semble parfois avoir pour rôle plutôt ingrat de contrarier les « bonnes » idées du ministère des finances, qui souhaite requalifier les impôts en redevances pour services rendus. Dans beaucoup de pays démocratiques, les États veulent donner une image de faible fiscalité et peuvent se référer à cet effet à la notion de « pression fiscale », la somme de tous les impôts administrés. Ils peuvent y arriver soit en baissant les impôts, soit en augmentant les recettes publiques par d’autres moyens que les impôts : il peut s’agir de la vente d’actifs ou de la mise en place d’un plus grand nombre de redevances. 37. Prenons l’exemple d’un ensemble de mécanismes récents destinés à collecter des recettes par une série de licences donnant une forme d’autorisation exclusive. On a prétendu que ces paiements n’étaient pas des impôts, mais des paiements en contrepartie du droit d’exercer une activité. On a fait valoir que ces droits, se concrétisant sous la forme d’une licence, peuvent être considérés comme des créations de la société, des actifs économiques incorporels non produits ayant une durée de vie limitée. 38. Le premier argument à examiner est le suivant. Si les unités économiques elles-mêmes comptabilisent ces permis dans leurs actifs et les portent à leur compte de capital, en amortissant la valeur dans le compte de résultat jusqu’à la fin du permis, une question se pose alors : n’est-ce pas le signe qu’il s’agit effectivement d’un actif économique ? L’actif a initialement appartenu à l’Etat, qui l’a ensuite vendu à l’entreprise. Mais quel est cet actif sous-jacent ? Il est certain que la capacité de collecter des impôts vaut « quelque chose » pour l’administration, mais elle ne peut pas être classée dans les actifs économiques. Il s’agit simplement de l’octroi d’une autorisation comme pour tant d’autres mécanismes de collecte de recettes tels que le permis de chasse. Tenter d’étendre la limite de ce qu’est un actif économique pour inclure le droit des administrations à collecter des impôts au moyen d’un ensemble d’autorisations ou de permis, c’est aller trop loin si l’on veut conserver à la théorie économique toute son utilité. 39. Ainsi, bien que les entreprises puissent considérer un permis ou un droit monopolistique comme un élément en mesure d’augmenter leur valeur, ce n’est pas un actif économique puisqu’il n’y a pas de valeur sous-jacente en capital. La possession d’un permis peut se répercuter sur la composante « survaleur » de la valeur de marché de l’entreprise, mais ne peut pas directement accroître le stock de capital. Cela est différent du cas des droits d’auteur, où il y a toujours un actif en capital sous-jacent. Le droit d’auteur représente la propriété de l’actif sous-jacent. 40. Nous préconisons que la faculté des administrations d’accorder aux unités économiques des autorisations d’exercer des activités spéciales en vertu de la loi ne soit pas considérée comme un actif. Il en résulte que les paiements pour l’obtention de permis, quel que soit le degré d’exclusivité, ne doivent pas être considérés comme des paiements pour l’acquisition d’un actif économique, puisque le stock de capital des administrations ne diminue pas suite à la vente. L’autorisation n’est pas un actif. 41. Que se passe-t-il quand les permis sont transférables ? Cela modifie-t-il la classification du paiement initial ? La réponse doit être négative. Le fondement de la transaction initiale est que le gouvernement utilise sa fonction réglementaire pour collecter des recettes en accordant une autorisation pour la délivrance d’un permis. Toute la valeur du permis est censée être représentée par le paiement initial ou les paiements périodiques. 8 STD/NA(2001)24 42. Si tel n’est pas le cas, et au lieu d’utiliser un instrument de marché telle que la vente aux enchères pour déterminer ce que le marché peut accepter, l’administration fixe le prix par décret, alors il y a une forte probabilité que le marché soit prêt à payer davantage pour l’autorisation. Ce cas est bien décrit dans le SCN 1993 à propos du traitement du transfert d’un bail. La cession du bail à un tiers comptabilise une valeur distincte du paiement en cause. De façon similaire, dans le cas du transfert d’un permis exclusif, on comptabilise à ce stade-là une valeur et la transaction est enregistrée comme la vente d’un actif incorporel non produit. Ainsi, il n’y a pas besoin d’enregistrer le paiement en contrepartie de l’attribution initiale du permis comme la vente d’un actif afin de traiter les transferts ultérieurs comme des ventes d’actifs conformément aux prescriptions actuelles du SCN 1993. 43. Si l’on accepte que tous les permis ne puissent jamais en eux-mêmes être des actifs, mais qu’ils représentent simplement la base juridique permettant de déterminer qui est le propriétaire effectif de l’actif sous-jacent, on peut considérer que si un permis, tel que celui pour des droits de pêche, est transféré après avoir été accordé, le gain supplémentaire dégagé devrait être imputé comme un paiement à l’administration avec une subvention correspondante au profit du titulaire initial du permis. Cela refléterait le fait que comme l’Etat ne reçoit plus les sommes que le marché est prêt à payer pour la détention du permis, il abandonne réellement ces recettes sous la forme d’une subvention au titulaire initial du permis. Néanmoins, de telles écritures dans les comptes nationaux doivent être introduites avec précaution pour empêcher l’émergence d’une nouvelle économie non monétaire qui serait décrite dans les comptes nationaux, mais qui ne refléterait nullement les transactions réelles. 44. Les permis d’exploitation pour les casinos, les licences des chauffeurs de taxi et un grand nombre d’autres moyens de collecte de recettes ne peuvent être classés comme la vente d’un actif au moment de la délivrance par les administrations. En exagérant, les administrations pourraient sensiblement accroître le stock d’actifs d’un pays en délivrant des permis (de simples morceaux de papier) couvrant toute l’activité économique. Cela reviendrait à accorder des droits de monopole pour la production et le commerce d’un large éventail de biens et de services, ce qui accroîtrait le stock de capital de tous les actifs non financiers de l’économie d’un seul coup. Cela plairait aux administrations souhaitant augmenter la quantité d’actifs enregistrés dans l’économie tout en réduisant en même temps la pression fiscale et en requalifiant les impôts en vente d’actifs. Mais il est absurde d’un point de vue économique d’enregistrer une augmentation du stock des actifs corporels d’une économie en émettant un morceau de papier – un permis. Conclusion Ce document n’a pas de conclusion unique et simple. Il pose trop de questions sans réponse concernant tout un ensemble de concepts des comptes nationaux. Toutefois, pour la délivrance de permis destinés à réguler l’activité économique dans une économie, on peut avancer les éléments suivants : Il y a deux cas distincts : existe-t-il un actif sous-jacent ou non ? 1. Il existe un actif économique sous-jacent : Lorsqu’un permis régissant l’utilisation d’un actif sous-jacent est émis par une administration, les conditions du permis doivent être examinées pour déterminer si l’administration conserve la propriété effective, ou si elle est transférée au détenteur de la licence : Si l’administration conserve la propriété, les paiements sont des loyers/rentes pour l’utilisation de l’actif sous-jacent ; 9 STD/NA(2001)24 Si l’administration n’est plus propriétaire, les paiements constituent une vente de l’actif sousjacent. 2. Il n’y a pas d’actif sous-jacent : Les paiements sont un impôt. Dans aucun de ces cas il n’est nécessaire de prendre en compte la valeur d’un nouvel actif incorporel non produit sous la forme d’un permis régissant les modalités de la transaction. 10