AFBB CAP APR Microbiologie appliquée (SA1) 1/8 III. Pouvoir pathogène des micro-organismes De nombreuses espèces bactériennes vivent sur la peau et sur les muqueuses (bouche, fosses nasales, appareil digestif, vagin…) sans exercer pour autant un effet de nuisance chez l'hôte : ces espèces font partie des flores commensales (Figure 1). Figure 1 AFBB CAP APR Microbiologie appliquée (SA1) 2/8 Les conditions du milieu (température, pH, disponibilité en oxygène…) influencent considérablement la répartition des micro-organismes commensaux. Dans l'appareil digestif par exemple, le nombre et la proportion de bactéries anaérobies strictes augmentent entre l'estomac et le colon (Figures 2 et 3). Figure 2 Figure 3 La présence de micro-organismes commensaux sur la peau et dans les cavités naturelles est donc tout à fait "normale", c'est à dire qu'ils n'entraînent généralement pas de troubles chez l'hôte humain. Par contre, d'autres micro-organismes peuvent être à l'origine de maladies apparaissant chez l'hôte : ils sont donc dits pathogènes. La limite entre micro-organismes pathogènes et commensaux n'est pas précise : une même bactérie peut être à la fois commensale et pathogène. La localisation du micro-organisme ainsi que l'état de santé de l'hôte influencent cet "équilibre instable". AFBB CAP APR Microbiologie appliquée (SA1) 3/8 I. Les facteurs du pouvoir pathogène I.1. Le pouvoir pathogène et la notion de virulence Le pouvoir pathogène est la capacité d'un micro-organisme ou d'un virus (l'agent pathogène) de causer une maladie dont les symptômes sont d'intensité variable. La virulence d'un micro-organisme traduit la gravité des troubles engendrés chez l'hôte, autrement dit le degré du pouvoir pathogène. Le pouvoir pathogène des bactéries est conditionné par plusieurs facteurs : la capacité des bactéries à se multiplier dans l'hôte : le pouvoir invasif, la capacité des bactéries à libérer des toxines : le pouvoir toxique, les résistances opposées par l'organisme hôte : le "terrain". I.2. Le pouvoir invasif Une bactérie invasive est capable de se multiplier dans les tissus de l'hôte : elle engendre donc une infection. Dans un premier temps, elle doit donc pénétrer dans l'organisme, c'est à dire franchir les barrières mécaniques de l'hôte : peau et muqueuses par exemple. En ce qui concerne la peau, peu de bactéries sont capables de la franchir lorsqu'elle est saine. Par contre, une lésion de la peau (coupure, brûlure…) constitue une "porte d'entrée" pour les micro-organismes. Les muqueuses sont plus fragiles et certaines bactéries sont capables de la détruire localement, afin de pénétrer dans les tissus de l'hôte. Les bactéries invasives possèdent généralement des structures d'adhésion aux muqueuses (les pili par exemple). L'adhérence d'une bactérie sur une cellule de l'hôte précède souvent sa multiplication. Lorsqu'une bactérie se multiplie localement, elle colonise le site et forme un foyer infectieux. Les bactéries invasives produisent également des substances capables d'endommager les surfaces cellulaires sur lesquelles elles sont fixées, et possèdent des dispositifs leur permettant de résister aux système immunitaire de l'hôte (capsule, constituants de la paroi…). L'infection engendre les premiers signes cliniques non spécifiques (fièvre, douleurs…). Le conflit hôte/bactéries peut avoir des manifestations locales ou plus étendues (Cf. II.1.). I.3. La toxinogenèse (ou "pouvoir toxique") Les bactéries toxinogènes produisent des toxines, c'est à dire des substances toxiques capables de nuire à l'hôte, même en l'absence du micro-organisme producteur. On distingue deux types de toxines (voir tableau 1) : les exotoxines sont des protéines produites lors de la croissance bactérienne, totalement ou partiellement libérées pendant la vie du micro-organisme, les endotoxines sont des molécules complexes, faisant partie de la paroi bactérienne, et libérées uniquement lors de la destruction du micro-organisme. AFBB CAP APR Microbiologie appliquée (SA1) 4/8 Type Localisation Nature chimique Exemples Endotoxine Paroi bactérienne Complexe Salmonella Exotoxine cytoplasmique Cytoplasme Protéine Exotoxine mixte Exotoxine vraie Cytoplasme et libération pendant la croissance Libération pendant la croissance Protéine Protéine Yersinia pestis Shigella dysenteriae Clostridium botulinum Clostridium tetani Vibrio cholerae Corynebacterium diphteriae Tableau 1 : classification des toxines Les toxines protéiques possèdent un pouvoir toxique très élevé : les toxines tétanique et botulique présentent une dose minimale mortelle chez la souris de l'ordre de 10-11 gramme (soit 0,00000000001 g) ! Ce sont des substances beaucoup plus "actives" que les poisons chimiques les plus toxiques. Les toxines protéiques agissent de manière très localisée, elles engendrent donc des symptômes particuliers. Une toxine se fixant sur la membrane des cellules intestinales pourra donc être appelée "entérotoxine". Une toxine agissant sur les cellules nerveuses est une neurotoxine. I.4. La résistance de l'organisme hôte 1.4.1. Barrières mécaniques et sécrétions L'organisme est protégé des "agressions" extérieures par la peau et les muqueuses : il s'agit de la barrière cutanéomuqueuse. Cette protection est renforcée par la présence de sécrétions variées : sueur, salive, larmes, mucus bronchique, sucs digestifs… 1.4.2. Défenses non spécifiques Lorsque cette barrière est franchie par des bactéries, la réaction inflammatoire a lieu. Elle est caractérisée par plusieurs signes : rougeur, chaleur, douleur, œdème. Il s'agit en fait d'une mobilisation des cellules de défense de l'hôte. Ces cellules sont dites phagocytaires car elles sont capables de détruire l'agent infectieux, en les englobant, puis en les "digérant" (Cf. figure 4). Figure 4 AFBB CAP APR Microbiologie appliquée (SA1) 5/8 1.4.3. Défenses spécifiques L'organisme dispose de molécules et de cellules capables de "reconnaître" un virus ou un microorganisme, afin d'en faciliter l'élimination : les anticorps sont des molécules se fixant à la surface de l'agent infectieux. Cette fixation permet aux cellules phagocytaires d'agir plus efficacement (Cf. figure 5), certains lymphocytes détruire lymphocytes T (appelés cytotoxiques) spécifiquement peuvent les micro- organismes qu'ils reconnaissent. Figure 5 1.4.4. L'immunodépression Les défenses de l'hôte peuvent être affaiblies pour diverses raisons : diabète, cirrhose, grandes brûlures, greffe nécessitant un traitement immunodépresseur, infection par le VIH… Dans ce cas, l'organisme est beaucoup plus sensible aux agents pathogènes, voire même à des microorganismes habituellement non virulents. Ces micro-organismes sont dits opportunistes car ils "profitent" de l'affaiblissement de l'hôte (on dit que le "terrain" est favorable). De nombreuses personnes hospitalisées sont victimes de telles infections, qualifiées de nosocomiales ("contractées à l'hôpital"). 1.4.5. Les porteurs sains Certaines personnes peuvent héberger de manière transitoire (à la suite d'une infection) ou permanente des bactéries pathogènes, sans pour autant présenter les symptômes d'une maladie. Ces porteurs sains, sont susceptibles de contaminer les aliments lors de leur préparation ou leur conditionnement. Les portages des Salmonelles (dans les voies digestives) et des Staphylocoques sont les plus fréquents. AFBB CAP APR Microbiologie appliquée (SA1) 6/8 II. Les intoxications alimentaires II.1. Les toxi-infections (au sens strict) Les infections liées à la présence de micro-organismes pathogènes dans un aliment sont des toxiinfections alimentaires. Elles impliquent la multiplication de l'agent infectieux dans l'organisme hôte. Dans le cas des bactéries, ce sont donc des bactéries invasives (les salmonelles par exemples) qui sont en cause. En fonction de l'espèce bactérienne responsable et de la santé de l'hôte, l'infection restera localisée au niveau intestinal ou au contraire se généralisera (septicémie). Les conséquences les plus fréquentes de ces infections sont des diarrhées accompagnées de fièvre. II.2. Les intoxinations Une intoxination d'origine alimentaire est une intoxication due uniquement à la présence d'une toxine bactérienne dans un aliment ingéré par une personne (exemples : la toxine botulique sécrétée par Clostridium botulinum, la toxine staphylococcique produite par Staphylococcus aureus). Une toxine agissant au niveau intestinal est appelée entérotoxine. Dans ce cas, les diarrhées sont prédominantes, accompagnées éventuellement de vomissements mais pas de fièvre. II.3. Les toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) Une toxi-infection alimentaire collective (TIAC) est définie par l'apparition d'au moins deux cas similaires d'intoxication dont on peut rapporter la cause à une même origine alimentaire. Dans ce cadre, le terme toxi-infection alimentaire désigne l'ensemble des accidents résultant de l'ingestion d'un aliment contaminé par des micro-organismes pathogènes et/ou leurs toxines. Le rôle de l'aliment dans la transmission d'agents infectieux peut être : passif, c'est à dire qu'il n'est qu'un simple véhicule dans lequel les micro-organismes ne se multiplient pas, actif, l'aliment est alors le siège de la multiplication des micro-organismes (cas le plus fréquent). Les facteurs favorisant cette multiplication sont la température, le délai entre la préparation et la consommation, le conditionnement… Les étapes du diagnostic d'une TIAC sont les suivantes : Détermination de l'origine alimentaire d'une maladie Détermination de la date du repas suspect Identification de l'aliment responsable Identification de l'agent pathogène : grâce aux signes cliniques, au type d'aliment en cause… par l'analyse microbiologique, de l'aliment d'une part, du prélèvement (selles) réalisé chez le malade d'autre part. AFBB CAP APR Microbiologie appliquée (SA1) 7/8 III. Critères microbiologiques officiels III.1. La notion de norme Une norme est une valeur seuil imposée par la réglementation et vérifiée par les contrôles officiels. Les normes sont fixées pour une centaine de catégories d'aliments en France (exemples : produits laitiers, viandes…). Le respect de ces normes démontre la bonne qualité de l'aliment du point de vue microbiologique : l'aliment ne sera pas altéré au cours de sa conservation et ne provoquera pas d'intoxication. C'est un moyen de vérifier que les bonnes pratiques d'hygiène sont respectées par le personnel. III.2. Aspect quantitatif : charge microbienne tolérée Les aliments sont rarement stériles. Ils contiennent donc une certaine quantité de micro-organismes non pathogènes. La détermination de la concentration en micro-organismes d'un aliment peut constituer un bon indicateur de la qualité hygiénique de cet aliment. La comparaison des résultats obtenus avec les limites fixées (les normes) permet d'évaluer la qualité du produit analysé. Les dénombrements les plus fréquents portent sur la flore mésophile aérobie et les bactéries témoins d'une contamination fécale. (coliformes, entérocoques, Clostridium…). La mise en évidence de bactéries intestinales dans un aliment est la preuve d'un contact anormal (direct ou indirect) entre des matières fécales et l'aliment. III.3. Aspect qualitatif : germes tolérés et germes interdits Certains micro-organismes ou groupes de micro-organismes sont recherchés de manière spécifique : certains d'entre eux sont dénombrés car on estime que leur présence n'est dangereuse que s'ils sont en quantité importante dans l'aliment, c'est le cas de Staphylococcus aureus ; d'autres micro-organismes sont totalement interdits : ce sont des agents pathogènes dont la présence dans un aliment même en faible quantité, est inadmissible (Salmonella, Listeria monocytogenes par exemple). III.4. Exemple : tableau 2 (critères officiels pour les préparations de volailles) AFBB CAP APR Microbiologie appliquée (SA1) Document annexe : les toxi-infections alimentaires collectives en France (en 1997). Tableau 3 - Nombre de foyers selon l'agent responsable TIAC déclarées aux DDASS ou DSV et foyers de salmonellose et de shigellose déclarés au CNR. France, 1997 * Arizonae, Braenderup, Dublin, Kottbus, Mbandaka, Muenchen, Newport, Paratyphi B, Typhi…. † Campylobacter : 2, Coli : 5, Dinoflagellés : 1, Norwalk : 1, Shigella : 3, Toxique: 1, Vibrio parahaemolyticus : 1, Brucella Melitensis : 1. ‡ Pour les différents agents: % par rapport au total des agents déterminés § Pour les sérotypes des salmonelles % par rapport au total des salmonelles Tableau 4 - Agent identifiés ou suspectés et aliments responsables ou suspectés. TIAC déclarées aux DDASS ou DSV. France, 1997. 8/8