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Identification à la marque, valeurs et identité sociale
de clientèle. Quelques propositions dans une
conception hybride du marketing relationnel
Annabel SALERNO
CLAREE
IAE de Lille
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Identification à la marque, valeurs et identité sociale de clientèle.
Quelques propositions dans une conception hybride du marketing
relationnel
Résumé : La relation du consommateur à la marque est positionnée à l’intersection de deux
grands courants théoriques (théories de l’échange et de l’identité) et des perspectives
dyadiques et communautaires du marketing relationnel. L’identification générale à la
marque et l’identité sociale de clientèle occupent une place centrale dans cette conception
hybride. Douze propositions relatives aux identifications et à leurs antécédents sont posées
dans une perspective multi-cibles d’identification qui intègre les valeurs de la marque, celles
du consommateur et leur congruence. Plusieurs extensions de recherche sont proposées en
conclusion, en particulier pour l’étude de la dynamique de la relation consommateur-
marque.
Mots-clés : Marque, identification, identité sociale, congruence des valeurs, marketing
communautaire, marketing relationnel.
Brand Identification, Values and Customers Group Identity.
Some propositions in an Hybrid Relationship Marketing Perspective
Abstract : A conceptual model articulating the nature and determinants of consumer
general identification with the brand and customers group identity is proposed and
discussed in a multi-foci perspective. The model is based on some convergences between
two theories (social exchange and social identity theories) and between dyadic and
membership relationship marketing. Roles of brand values, consumer values and values
congruence are studied. Twelve propositions about identifications and their antecedents are
provided. Researchers might extend these propositions in several directions, particularly in
studying the brand consumer relationship dynamic.
Key words : Brand, identification, social identity, values congruence, membership
marketing, relationship marketing.
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INTRODUCTION
Une première perspective conduit à
définir le marketing relationnel comme
« l’ensemble des activités marketing
destinées à établir, à développer et à
maintenir des relations d’échanges
fructueuses » (Morgan et Hunt, 1994). En
marketing relationnel dyadique l’accent
est mis sur les actions de personnalisation
et de traitement préférentiel des bons
clients, sur la participation du
consommateur au sur mesure (co-
production des produits et services). Par
contre, le marketing relationnel
communautaire peut conduire à ne pas
s’intéresser au membre individuel du club
de clientèle ou de l’association (Gruen,
O’Summers et Acito, 2000).
Une autre perspective du marketing
relationnel (Fournier, 1998) insiste sur
l’interprétation de la marque par le
consommateur, sur les significations
personnalisées produites, sur la qualité de
la relation qu’un consommateur construit
et développe avec la marque (co-
production de significations) et, parfois,
avec les autres consommateurs ou clients
dans des groupes plus ou moins
« psychologiques » (Merton, 1949) et
interactifs (Muniz et O’Guinn, 2001).
Les développements associés à ces deux
perspectives sont eux-mêmes fondés sur
quelques grands courants théoriques
ayant tendance à s’organiser autour de
deux pôles : l’échange et l’identité. Ces
deux aspects centraux sont présents, à des
degrés variables, dans les recherches
orientées marketing relationnel dyadique
ou marketing relationnel communautaire.
En accordant une place centrale à
l’identification du consommateur à la
marque et à l’identité sociale de clientèle,
ce papier situe la relation consommateur-
marque à l’intersection des orientations
dyadique et communautaire ainsi que du
courant de l’échange et de celui de
l’identité.
L’importance de l’identification est de
plus en plus reconnue mais les définitions
de l’identification à la marque sont
variées. L’analyse de la littérature montre
en particulier qu’elle est différente de la
notion de congruence marque-concept de
soi (Sirgy, 1982). Cette analyse fait aussi
ressortir l’importance d’une approche
« multi-cibles » de l’identification à la
marque, approche qui se différencie du
marketing relationnel multi-niveaux
(Reynolds et Arnold, 2000 ; Crosby et
Stephens, 1987) par la prise en compte des
cibles d’identification externes à
l’entreprise (groupes de consommateurs
ou de clients construits par l’individu).
Elle permet aussi de distinguer quelques
grandes familles de sources
d’identification : similarité, distinctivité
sociale, catégorisation sociale et
interactions. Les valeurs de l’individu,
celles de la marque et la congruence de ces
valeurs constituent des bases importantes
de similarité. La catégorisation sociale
montre l’intérêt d’améliorer la
conceptualisation d’une identification
particulière : l’identification sociale de
clientèle. Les « interactions d’échange » et
les « interactions de consommation »
constituent aussi l’une des grandes
sources d’identification. Par ailleurs, une
forte identification à la marque ou une
forte identification sociale de clientèle sont
susceptibles d’entraîner des phénomènes
de renforcement de certains de ces
antécédents (récursivité) et des biais
d’appréciation des interactions.
En partant d’une vision hybride du
marketing relationnel qui positionne la
relation entre le consommateur et la
marque à l’intersection du courant
théorique de l’échange et de la relation
d’échange, du courant de l’identité et de
l’identification sociale, du marketing
relationnel dyadique et du marketing
relationnel communautaire (Figure 1), ce
papier accorde une place centrale à
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l’identification. Il a pour but de
développer quelques propositions
relatives (1) aux relations entre
l’identification aux cibles spécifiques et
l’identification générale à la marque, (2) à
la conceptualisation de l’identification
sociale de clientèle et (3) aux relations
entre valeurs, congruence des valeurs,
interactions et identification. D’autres
voies de recherche sont aussi présentées
en conclusion, en particulier dans le
champ de la dynamique de la relation
d’échange et de consommation. Au
préalable, il convient de préciser la
situation de cette relation consommateur-
marque dans l’ensemble des perspectives
et courants évoqués, de préciser la notion
d’identification à la marque et les types
d’interactions.
Courant
« Marketing relationnel
communautaire »
Relation à
la marque
Interactions et feedbacks
d’échange
Courant
« Marketing relationnel
dyadique »
- Interdépendance ou
Cohésion
- Anxiété/ Confiance
- Engagement
- Interdépendance ou
Cohésion
- Anxiété/ Confiance
- Engagement
Identification au
groupe de
consommateurs
- Congruence
- Identification
dyadique
Courant
« Relation d’échange »
Courant
« Relation de
consommation »
Interactions et feedbacks
de consommation
Figure 1- - La relation à la marque dans une perspective hybride du marketing relationnel
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RELATION A LA MARQUE :
IDENTIFICATION ET
INTERACTIONS
Echange et identité
La relation d’échange et les interactions
marketing forment un grand pôle en
marketing relationnel dyadique ou
communautaire. Très présente en
marketing industriel (Morgan et Hunt,
1994) en marketing des services et en
distribution (Berry, 1983), cette orientation
se fonde essentiellement sur les théories de
l’échange social et les différentes formes
de cet échange (Blau, 1964 ; Thibaut et
Kelley, 1959).
Elle place les questions
d’interdépendance, d’intérêt commun
(Thibaut et Kelley, 1959), d’engagement
(Morgan et Hunt, 1994) et le degré
l’incertitude relationnelle ou de confiance
(Morgan et Hunt, 1994 ; Siriex et Dubois,
1999) au cœur de la définition et de
l’analyse de la relation entre le
consommateur et la marque ou
l’entreprise. La dimension affective de
cette relation est essentiellement intégrée
dans ces approches par le concept d’amitié
commerciale (Price et Arnould, 1999) et
par les réactions affectives ou émotions
associées aux interactions de marketing
dyadique et à leur personnalisation
(échanges et négociations éventuelles,
expériences de services et incidents
critiques, communications client-
personnel de vente ou de service,
communications directes ou interactives).
Alors que le marketing relationnel
dyadique insiste sur les actions de
personnalisation et de traitement
préférentiel des bons clients, le marketing
relationnel communautaire peut conduire
à ne pas s’intéresser au membre individuel
du club de clientèle ou de l’association
(Gruen, O’Summers et Acito, 2000). Cette
perspective communautaire, « club de
clientèle » ou associative du marketing
relationnel s’intéresse au comportement
collectif des membres, au niveau de
participation, au comportement de
bénévolat, à l’engagement des membres et
à leur identification au groupe.
Malgré la pléthore des organisations et
des programmes de cette nature et le
nombre des programmes auxquels un
même individu peut participer, les
recherches sur la gestion des adhérents
sont extrêmement rares. D’autre part, et
plus généralement, une séparation trop
radicale des points de vue dyadiques et
collectifs du marketing relationnel n’est
pas particulièrement adaptée à la
compréhension de l’influence des actions
de personnalisation et des programmes de
fidélisation plus collectifs. Les
développements récents de la théorie de
l’échange appliquée à l’une des formes
d’échange communautaire (l’échange
productif) placent les interactions et leurs
conséquences au centre de l’analyse
(Lawler, Thye et Yoon, 2000). La question
du rôle du consommateur et de son
évolution est également de plus en plus
présente en marketing relationnel
dyadique (passage du rôle d’acheteur à
celui de co-producteur dans un processus
de « customization » des produits et
services) et en marketing relationnel
communautaire (leadership dans les
groupes ou communautés). Cette
évolution de rôle dans le courant de la
relation d’échange est un autre facteur de
convergence avec le courant de l’identité,
dans sa composante identité sociale de
rôle au sens de la théorie de l’identité
(Burke, 1991 ; Burke et Reitzes, 1981 ;
Stryker, 1980).
Dans la perspective de l’identité, le
courant de la relation à la marque
(Fournier, 1998) aborde cette relation sous
l’angle des significations que peut
développer le consommateur à propos
d’une marque, en particulier à partir des
interactions de consommation de la
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