Thème 3 : Instabilité financière et régulation. Question 1 : Qu`est

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 Thème 3 : Instabilité financière et régulation.
 Question 1 : Qu’est-ce que la globalisation financière ?
 Objectifs pédagogiques :
L’objectif du programme est clair : présenter d’une part le mouvement de globalisation financière par
l’intermédiaire du désormais classique « triple D » d’Henri Bourguignat (déréglementation, décloisonnement, désintermédiation) ; montrer d’autre part le résultat de cette mondialisation à travers les divers compartiments de cette finance globalisée (marché des changes, des actions, etc.) et les outils qu’elle a forgés
(titrisation, produits dérivés, etc.).
Il faut éviter la simple description (le marché des changes ; le marché des actions, etc.). C’est pourquoi il est nécessaire de rappeler les acquis de première pour rappeler les fonctions et donc l’utilité d’un système financier. L’objectif est de montrer que la globalisation financière est à la fois la condition d’un système financier plus efficace, plus transparent, permettant une meilleure gestion et répartition des risques,
favorisant l’investissement (et donc la croissance), mais aussi un processus peu contrôlé, mal régulé et potentiellement dangereux. On débouchera alors naturellement sur la question suivante consacré à la crise financière, ses causes et ses conséquences.
Ce chapitre permet donc de se familiariser avec la globalisation financière, avec les marchés financiers, de présenter les étapes mais aussi les outils de la mondialisation de la finance, car ce sont eux qui ont
conduit à la crise majeure de 2007-2008.
 Plan.
I. Le fonctionnement des principaux marchés financiers.
A.
B.
C.
D.
E.
Le marché des taux d’intérêt.
Le marché des actions.
Le marché des changes.
Les marchés au comptant et les marchés à terme.
Les marchés dérivés.
II. Les intervenants sur les marchés financiers.
A.
B.
C.
D.
E.
Les entreprises.
Les banques.
Les investisseurs institutionnels.
Les Etats.
Les agences de notation.
III. Interdépendance des différents marchés et réaction à la diffusion d'informations.
A. L’interdépendance des marchés.
B. La mondialisation des marchés financiers.
C. Le rôle de l’information dans les opérations financières.
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I. Le fonctionnement des principaux marchés financiers.
Au sens large, les « marchés financiers » renvoient à l’ensemble des marchés des capitaux, auquel il
est nécessaire d’ajouter le marché des changes. Dans un sens plus étroit, les « marchés financiers » correspondent aux marchés des capitaux à long terme.
Les marchés des capitaux permettent le financement de l’économie en organisant la rencontre directe
(cf. désintermédiation financière) entre les agents ayant une capacité de financement (offre de capitaux) et
ceux ayant un besoin de financement (demande de capitaux). Désormais, les échanges de titres se réalisent à
l’échelle mondiale, ce qui rend nécessaire une circulation des devises, c'est-à-dire de monnaies étrangères,
qui elles, s’échangent sur le marché des changes.
On peut donc distinguer différents compartiments du marché des capitaux.
A. Le marché des taux d’intérêt.
Ce marché est lui-même divisé en de nombreux segments. On distinguera principalement le marché monétaire et le marché obligataire.
1. Le marché monétaire.
Ce marché rassemble les transactions à court terme (échanges de titres limités à 24 heures) et moyen
terme (jusqu’à une échéance de 7 ans)
Dans son sens économique, le marché monétaire désigne le marché sur lequel sont cotés des taux
d'intérêt à court terme (moins d'un an). Il est lui-même subdivisé en deux compartiments :
a. le marché interbancaire.
Le marché monétaire interbancaire sur lequel les banques se prêtent et s'empruntent entre elles des
liquidités sous forme de monnaie Banque centrale. Lorsque la Banque centrale apporte des liquidités sur le
marché monétaire, ce dernier est dit "ouvert" (open market). Il permet donc aux banques qui ont un besoin
de liquidités (par exemple, pour faire face aux retraits de billets de ses clients ou de demandes de paiement
des autres banques lorsqu’elles reçoivent des chèques) d’emprunter auprès de celles qui ont un excédent.
b. Le marché des titres de créances négociables.
Les titres de créances négociables sont une source de financement à court et à moyen terme pour les
entreprises industrielles et commerciales, l’Etat et les banques. L’essentiel de l’intermédiation sur ce marché
de gré à gré est le fait des banques.
Il en existe plusieurs grandes catégories de titres de créances négociables :
- les Certificats de dépôt sont émis par les Établissements de crédit, résidents ou non résidents, la
Caisse des Dépôts et Consignations et les autres institutions financières spécialisées.
- les billets de trésorerie sont émis par les entreprises résidentes et non résidentes autres que les établissements de crédit, les entreprises d'investissement.
les Bons du Trésor négociables sont émis par l’Etat. Sur une même maturité (échéance de remboursement
d’un emprunt), 6 mois par exemple, le taux des Bons du Trésor est généralement le plus bas, le niveau des
autres taux étant déterminé par le risque associé à l'émetteur. Sur une même maturité, l'écart entre le taux
d'un émetteur privé et un Bon du Trésor est appelé "spread de crédit" ; le terme est également utilisé pour
désigner l’écart de taux entre des titres émis par des gouvernements différents.
- les Bons à moyen terme négociables (BMTN) : tous les émetteurs pouvant émettre des certificats de
dépôt ou des billets de trésorerie peuvent émettre des Bons à moyen terme négociables.
Les caractéristiques communes des titres de créances négociables sont le montant unitaire élevé (150 000
euros), une échéance fixe, et la qualité des émetteurs (l'Etat, les établissements de crédit, les sociétés financières agréées, les entreprises industrielles et commerciales publiques ou privées susceptibles de faire publiquement appel à l'épargne). Les titres de créances négociables peuvent être émis en EURO ou en devises
étrangères. Le marché de l'émission, comme le marché secondaire également, repose sur l'intermédiation des
banques.
Il n'existe pas de marché organisé ou de marché boursier pour les titres de créances négociables.
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2. Le marché obligataire.
Le marché obligataire est le compartiment à long terme du marché des taux d'intérêt. Une obligation
est un titre de financement (titre de créance) à long terme (maturité à l'émission supérieure à 7 ans), dont la
rémunération versée à l'acheteur est appelée "coupon" et s'exprime sous la forme d'un taux d'intérêt. Une
obligation 10 ans de valeur nominale 100 euros et taux d'intérêt 5 % verse chaque année à son détenteur un
coupon de 5 euros.
De nombreuses formes d'obligations existent, dont les obligations indexées sur l'inflation, souvent
émises par les États, offrant aux investisseurs un taux d'intérêt plus bas en contrepartie d'une indexation sur
l'inflation du capital remboursé à l'échéance.
Les formes hybrides d’obligations sont des titres qui ont des caractéristiques s’inspirant à la fois des
actions et des obligations. Ils permettent la conversion d’une forme d’actif financier en une autre.
Les obligations convertibles sont des titres de créance qui peuvent être échangés contre des actions.
Elles sont généralement proposées à taux fixe et leur conversion ne peut se faire que sur une période spécifiée.
Les obligations remboursables en actions sont restituées aux détenteurs sous forme de capitaux
propres, lorsqu’elles arrivent à échéance.
Le certificat d’investissement se caractérise par le fait que son porteur ne dispose que de droits limités, à son titre d’actionnaires. Il lui permet seulement de percevoir des dividendes.
B. Les marchés des actions.
Le marché des actions est divisé en un marché primaire, sur lequel les entreprises émettent les titres,
et un marché secondaire, sur lequel les titres émis sont échangés. Une action est un titre de propriété émis
par des entreprises (sous forme de sociétés anonymes), dont la rémunération est appelée dividende. L'émission d'actions contribue au financement à long terme de l'entreprise, en complément de l'émission d'obligations ou de l'endettement bancaire.
Les actions sont introduites sur différents marchés et notamment, depuis 2005, sur le marché de
l’Eurolist :
Toutes les sociétés, quelque soit leur taille, font partie du même marché : Eurolist.
Cette liste unique rassemble l'ensemble des valeurs cotées à la Bourse de Paris. Ces dernières,
qu'elles soient des multinationales ou des sociétés familiales bénéficient d'un cadre réglementaire homogène:
mêmes obligations de publication des résultats ou d'introduction sur le marché notamment.
Toutefois, pour distinguer ces différentes entreprises au sein d'Eurolist, Euronext a mis en place un
critère d'identification suivant la capitalisation des sociétés. La capitalisation étant la « taille boursière »
d'une société.
Ainsi, on trouve trois groupes : A, B et C.
- les blue chips (valeurs supérieures à 1 milliard d'euros) appartiennent à Eurolist A.
- les valeurs moyennes (entre 1 milliard et 150 millions d'euros) appartiennent à Eurolist B.
- les petites valeurs (capitalisation inférieure à 150 millions d'euros) appartiennent à Eurolist C.
A noter que cette liste unique ne contient que des valeurs françaises. On trouve en plus d'Eurolist,
deux sous groupes : l'un pour les sociétés de la zone euro, l'autre pour les sociétés internationales (hors de la
zone euro) et qui sont cotées à Paris.
C. le marché des changes.
Le marché des changes (Forex) est un marché sur lequel s'achètent et se vendent des devises. Le
cours des devises est coté en continu de manière électronique par des opérateurs professionnels dispersés
dans le monde entier, appelés cambistes et travaillant dans une salle des marchés bancaires, sur des montants
considérables (près de 4000 milliards de dollars s’échangent quotidiennement sur ce marché).
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Le taux de change exprime le prix d’une monnaie dans une autre et résulte de l’évolution des offres
et des demandes de devises les unes par rapport aux autres.
C'est donc un marché décentralisé, qui n'a pas de localisation "physique". Sur ce marché, il n’y a pas
de cotations centralisées (fixing) mais uniquement des cotations de gré à gré. Cela signifie que les opérateurs
exécutent leurs opérations de manière bilatérale, par téléphone ou réseaux informatiques. C’est un marché
peu réglementé et peu transparent.
Les entreprises utilisent le marché des changes, soit dans le cadre de leurs opérations d'exportation
ou d'importation, soit dans le cadre d'opérations financières (achat ou vente de titres étrangers...).
Ce marché est de moins en moins interbancaire. Les banques n’assurent plus que la moitié des transactions. Leur rôle d’intermédiation financière s’est réduit du fait des interventions plus importantes des
firmes multinationales et des investisseurs institutionnels (cf. partie II. : les intervenants)
D. les marchés au comptant et les marchés à terme.
La plupart des actifs financiers (devises, actions, contrats sur les matières premières, obligations,
etc.) sont cotés sur le marché comptant et sur le marché à terme.
Sur un marché comptant, la cotation est simultanée au transfert de propriété de l'actif. Les échanges
sont donc instantanés et s’effectuent au prix du jour.
Sur un marché à terme, se cotent des prix relatifs à des transactions différées dans le futur. Le rôle
originel des marchés à terme est de permettre aux agents économiques exposés à un risque de variation de
prix de se couvrir. Un fabricant de pates alimentaires peut par exemple souhaiter se couvrir contre la hausse
du blé dur en achetant à terme le volume dont il a besoin pour assurer sa production sur un horizon d'un an.
Un fabricant européen d'avions attendant le paiement dans 3 ans de 100 millions de dollars peut souhaiter les
vendre à terme pour se protéger contre la baisse de la devise américaine.
Sur le marché des swaps, l’opération est double :
Dans un swap de change, cette double opération (une au comptant et l’autre à terme) permet de se
procurer rapidement des devises, puis de les revendre à terme.
Dans un swap de taux, les deux parties contractent en même temps un prêt et un emprunt, pour un
même montant, pendant une même durée mais avec des taux d’intérêt différents. Les capitaux empruntés ou
prêtés ne sont pas échangés ; seuls les flux dus aux intérêts sont échangés. Le gain possible dû à la différence de taux ouvre la voie aux comportements spéculatifs.
E. Les marchés dérivés.
Les marchés dérivés représentent un aspect essentiel de la globalisation financière. Elles ont permis
l’apparition de nouveaux produits financiers permettant aux opérateurs de se couvrir contre les variations de
changes pour des transactions commerciales ou contre d’autres types de fluctuations.
Sur ce marché, on y échange des contrats portant sur des actifs et non ces actifs eux-mêmes. Les
titres et autres biens qui constituent le support des produits dérivés sont appelés « sous-jacents » : titres de
dettes, actions, devises, marchandises, matières premières,…
On négocie donc des contrats à terme portant sur l’achat ou la vente, à un prix et à une date fixés,
d’une quantité déterminée d’actifs sous-jacents basés sur les marchés au comptant (actions, indices, matières
premières,…). Ainsi, par exemple, les dérivés sur devises varient du taux de change, les dérivées sur actions
en fonction de la cote des actions,…
Sur ce marché, on distingue donc trois catégories de produits dérivés/
- Les swaps qui sont des contrats d’échange entre deux contreparties portant sur un actif ou une dette.
- Les contrats à terme (« Futures ») de produits financiers, sur les devises, les taux d’intérêt, les indices boursiers.
- Les options qui représentent des droits d’acheter ou de vendre une certaine quantité d’actifs financiers ou réels à un prix fixé à l’avance.
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La spéculation sur les marchés dérivés est encouragée par le mécanisme de l’effet de levier : une
mise de fonds initiale faible peut générer des gains potentiellement beaucoup plus importants que sur les
marchés au comptant.
Exemple : On peut détenir non pas une action Alcatel-Lucent mais une option d'achat Alcatel-Lucent
(type de produits dérivés), on n’a pas le droit au dividende, ni au droit de vote. Mais, il est par contre possible d'acheter à un cours déterminé pendant une période déterminée une action Alcatel. Ainsi au lieu d'immobiliser une grande quantité de capitaux, on n’investit que peu de capitaux, ce qui conduit à un effet de
levier nettement supérieur.
II. Les intervenants sur les marchés financiers.
A. Les entreprises.
Dans le cas où les entreprises ont un besoin de financement, elles peuvent financer leurs investissements par autofinancement, par augmentation des capitaux propres, par emprunt auprès d’une banque mais
aussi, pour les grandes entreprises, par des émissions de titres (actions, obligations, billets de trésorerie).
Dans le cas où elles dégagent une capacité de financement, elles peuvent acheter des titres émis par
d’autres agents dans une logique de placement financier (logique financière) ou à prendre des participations
dans d’autres entreprises au domaine d’activité voisin ou complémentaire au sien (logique productive).
Les entreprises participent aussi au processus de globalisation financière. Leur financement est par
exemple devenu international et la gestion de leurs avoirs en devises, associés par exemple à un flux d'exportations, obéit désormais à une logique d'anticipation sur l'évolution des cours de change.
B. Les banques.
Elles jouent un rôle important sur les marchés financiers notamment pour deux raisons essentielles :
- Elles exercent une activité d’intermédiation de marché. Elles fournissent des services
financiers aux entreprises et aux ménages qui souhaitent effectuer des opérations financières ;
- Elles se financent sur le marché des capitaux en émettant des titres, afin de couvrir leurs besoins de financement
Agissant pour leur propre compte ou celui de leurs clients, les banques sont des acteurs majeurs de la
globalisation. Elles ont le pouvoir, par un simple jeu d'écritures, de transférer instantanément des capitaux
d'un pays à un autre. Elles interviennent en tant que gestionnaire des fonds collectifs, le plus souvent à travers leurs filiales. Disposant pour certaines d'entre elles d'un portefeuille internationalement diversifié d'actifs financiers, elles jouent également un rôle déterminant dans la formation des équilibres de marché, sur
chacun des compartiments. A titre d'illustration, sur un encours de dette publique grecque de 350 milliards
d'euros en 2011, les banques détenaient à elles seules environ 150 milliards...
C. Les investisseurs institutionnels.
Les investisseurs institutionnels sont surnommés les « zinzins » et représentent l’ensemble des intervenants sur le marché financier qui recherchent une rentabilisation de leurs portefeuilles ou qui, dans certains cas, interviennent pour réguler le marché. Ces institutions sont diverses : les OPCVM (SICAV,FCP),
les compagnies d’assurance, la Caisse de dépôts et consignation (CDC), les caisses de retraite, les fonds de
pension (Pension Funds). Ils se distinguent d’autres fonds d’investissement comme les fonds spéculatifs
(Hedge Funds) et les fonds souverains (Sovereign Wealth Funds). On peut rappeler que les fonds sont des
structures de collecte d'épargne intervenant de manière significative sur les différents segments du marché
international des capitaux. A la fin de 2006, l’encours global de leurs actifs s’élevait à environ 62 000 milliards de dollars.
1. Les fonds de pension.
Ce sont des organismes financiers qui gèrent l’épargne issue du système de retraite par capitalisation,
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notamment dans les pays anglo-saxons. Dans la mesure où leur capitalisation est estimée à 26 000 milliards
de dollars, ils constituent des acteurs majeurs des marchés financiers. En effet, en raison de l’importance des
actifs placés, ils acquièrent un droit de regard sur les stratégies des firmes dans lesquelles ils investissent. Ils
investissent en attendant une rentabilité élevée. En conséquence, le pouvoir de ces fonds peut conduire à un
affaiblissement du pouvoir entrepreneurial qui repose sur le développement à long terme, l’innovation et
donc le risque.
En France, on peut y inclure les SICAV et les compagnies d’assurance.
2. Les fonds spéculatifs (hegde funds).
Ce sont des organismes essentiellement anglo-saxons dont leur objectif est de spéculer sur les marchés financiers en utilisant tous les instruments disponibles, souvent très sophistiqués et donc opaques. Ils
échappent aux autorités de marché car ils ne font pas appel à l’épargne publique. Par ailleurs, ces fonds ont
leur structure juridique et leur domiciliation dans des paradis fiscaux leur permettant d’échapper largement à
la réglementation des marchés. Leur stratégie consiste à emprunter des fonds à des organismes financiers, à
acheter des titres dont ils pensent qu’ils sont sous-évalués, et ils les revendent en empochant la différence
entre la plus-value réalisée et le coût de l’emprunt (cf. effet de levier). Le rendement des fonds investis étant
supérieur aux placements traditionnels, de nombreux investisseurs se sont associés aux fonds spéculatifs
anglo-saxons : banques, compagnies d’assurance, caisse de retraite.
Mais ces fonds utilisant des produits dérivés sont souvent critiqués en raison de leur gestion et des
risques qu’ils prennent notamment en ayant recours à l’endettement. Ces fonds sont souvent associés aux
excès de l’« économie casino » dans la mesure où la spéculation l’emporte sur l’investissement productif. Ces produits donnent l’illusion dangereuse que les risques sont maitrisés, voire même qu’ils ont disparus.
Ils incitent donc les opérateurs à prendre de plus en plus de risques, d’autant plus qu’ils savent qu’en dernier
ressort, les pouvoirs publics interviendront pour les renflouer et éviter qu’ils fassent faillite. En résumé, les
gains sont « privés » et les pertes sont « publiques ».
3. Les fonds privés (private equity funds) ou « capital-investissement ».
Ils sont devenus des acteurs majeurs du capitalisme financier depuis le début des années 2000. Ces
fonds sont dits « privés » dans la mesure où ils n’ont pas recours à l’épargne publique des ménages ordinaires. Du fait de cette caractéristique, ces fonds ne sont pas réglementés par les autorités de marché et sont
donc peu transparents.
Ils investissent dans des entreprises en principe non cotées en Bourse en misant sur l’effet de levier
dans le cadre du recours à la technique du LBO (Leverage Buy Out), c'est-à-dire le montage d’une structure
juridique et financière en mesure de lever un volume important de capitaux par endettement (jusqu’à 90% du
capital investi).
Ces fonds effectuent plusieurs types d’opérations qui visent à prendre le contrôle de sociétés en imposant une réorganisation profonde des entreprises (vente d’une partie des actifs, réduction de la masse salariale, changement de direction,…) afin d’accroitre la rentabilité financière dans la perspective d’une revente
future avec une plus-value pour les actionnaires de ces fonds.
Dans un contexte de taux d’intérêt bas particulièrement favorable à l’effet de levier, l’efficacité de ce
type d’opérations a permis un développement rapide de ces fonds. Mais la crise récente a révélé l’ampleur
des risques liés à ce type de montages financiers fondés sur la dette.
4. Les fonds souverains (Sovereign Wealth Funds).
Ces fonds d’investissement ont la particularité de gérer l’épargne des Etats auxquels ils appartiennent. A l’inverse des fonds spéculatifs centrés sur le court terme, ces fonds cherchent à maintenir dans le
temps la valeur de leurs actifs : il s’agit de fonds d’investissement contrôlés par les Etats en capacité de financement et désireux d’investir à long terme leurs réserves de change (principalement, les pays exportateurs de pétrole et les économies émergentes).
Leur développement est lié à la fois aux excédents de devises engrangés par les pays asiatiques exportateurs de produits à bas coûts vers les pays développés (la Chine) et à la remontée des prix des res6
sources énergétiques (pétrole, gaz naturel), génératrice d’une rente financière, placée ensuite sur les marchés
financiers internationaux.
D. Les Etats.
Les administrations publiques ne peuvent pas comme les entreprises se financer par l’émission
d’actions car elles n’ont pas de capital. En dehors de leurs modes de financement spécifique (impôts notamment), elles ne peuvent donc recourir qu’à l’emprunt. Le besoin de financement des Etats résulte de la
différence entre les dépenses planifiées au budget annuel et les recettes issues des impôts. La « dette souveraine » correspond à l’endettement de l’Etat. En 2012, selon l’Agence France Trésor, organisme qui gère la
dette de l’Etat, le besoin de financement de l’Etat s’élevait à 177,9 milliards d’euros.
L’Etat émet des titres obligataires qui sont bien notés par les agences de notation et sont recherchés
par les investisseurs car ils sont réputés à risque quasi-nul. Ils entrent massivement dans les portefeuilles des
OPCVM obligataires, des fonds de pension, des compagnies d’assurance.
Les titres de l’Etat français se répartissent dans les catégories suivantes :
- Les obligations assimilables du Trésor (OAT) sont émises pour une durée de 7 à 50 ans.
- Les bons du Trésor à intérêts annuels (BTAN) sont émis pour une durée de 2 à 5 ans.
- Les bons du trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF) sont émis pour une durée inférieure à un an.
- Les obligations indexés (OATi, BTANi) sont des titres dont le coupon est indexé sur le cours
d’inflation ; ils permettent donc à l’investisseur de protéger son placement contre l’inflation.
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Les États participent donc, à travers leur politique d'émission de titres, à la globalisation financière.
D'une part, la part de dette publique détenue par les non-résidents est de plus en plus importante, représentant par exemple plus de 50 % en France en 2011, d'autre part, une partie de cette dette est libellée en monnaie étrangère. Tel fut par exemple le cas de la Grèce, dont la plus large partie de la dette en 2001, à la veille
de son entrée dans la zone euro, était libellée en yens et en dollars.
E. Les agences de notation.
Elles exercent une forte influence sur la capacité d’un émetteur à lever des financements. Une agence
de notation (agences américaines : Moody’s, Standard and Poors ; agence européenne : Fitch) est une entreprise commerciale qui attribue une note aux émetteurs de titres négociés sur le marché financier. Chaque
agence utilise une grille de notation différente mais l’échelle des notes va globalement de AAA (risques les
plus faibles) à C ou D (risques les plus élevés de non remboursement : c’est le cas des « junks bonds » ou
obligations « pourries »). La note attribuée évalue donc la solvabilité de l’émetteur, c'est-à-dire la capacité
de l’émetteur à rembourser un emprunt.
Elle peut être attribuée à la demande de l’émetteur lui-même, ou à l’initiative de l’agence. La note
obtenue conditionne la capacité d’un émetteur à trouver des investisseurs prêts à acheter leurs titres, le taux
de rémunération qu’il va devoir offrir pour attirer les investisseurs : plus la note attribuée est mauvaise et
plus l’émetteur devra offrir un taux élevé.
La différence entre le taux auquel se finance les Etats (taux de l’emprunt sans risque) et le taux que
doivent offrir les émetteurs les moins bien notés est appelée la « prime de risque » et se mesure le « spread »
de taux d’intérêt.
Par ailleurs, il faut souligner que certains dénoncent la qualité des évaluations proposées et les
risques de collusion entre les émetteurs et ceux qui les notent (les agences sont rémunérées par les emprunteurs).
III. Interdépendance des différents marchés et réaction à la diffusion d'informations.
A. L’interdépendance des marchés.
Le marché international des capitaux est un marché intégré : toute modification de l'équilibre sur l'un
des segments entraîne une modification instantanée de l'équilibre sur les autres compartiments. Il s'ensuit
une très forte volatilité des marchés, accrue par la très grande perméabilité des différents compartiments à la
diffusion d'informations, source continue de révision des anticipations des opérateurs. Ces informations sont
aussi bien des indicateurs macroéconomiques (taux de croissance du PIB, taux de chômage, taux d'inflation...) que des annonces microéconomiques (résultat d'entreprise, annonce de la signature de contrats...), des
décisions de Banque centrale (taux directeurs, volume de refinancement...), des décisions de politique économique, ou encore des rumeurs dont l'impact sur la représentation du futur par les opérateurs est instantané
et entraîne souvent des comportements mimétiques. Un certain nombre d’exemples permettent d'illustrer le
phénomène de globalisation financière.
- Taux d'intérêt à court terme et cours de change.
Supposons que les taux d'intérêt à court terme cotés sur le dollar baissent. La rémunération des placements effectués par les investisseurs sur le marché monétaire américain diminue et rend plus attractive la
rémunération des placements en euros. Les investisseurs vont partiellement vendre leurs dollars contre des
euros qu'ils vont placer sur le marché monétaire. Il s'ensuit une baisse mécanique instantanée du dollar
contre euro.
- Crise grecque (2011...) et taux d'intérêt sur titres d'État allemands
Inquiets en 2011 sur la capacité de remboursement de la Grèce, les créanciers privés (banques, assureurs, fonds...) vendent massivement leurs obligations d'État grecques et les remplacent dans une large mesure par des titres du Trésor allemand. L'offre massive de titres grecs par les investisseurs internationaux fait
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baisser le prix de ces titres sur le marché secondaire et conduit les rendements obligataires grecs à 10 ans à
des niveaux voisins de 20%, la demande massive de titres allemands faisant à l'inverse fortement baisser les
taux en Allemagne. Fin décembre 2011, les taux à 6 mois sur Bons du Trésor allemand deviennent même
négatifs. Les investisseurs préfèrent détenir des titres d'État allemands dont le rendement est négatif, mais
dont la probabilité de remboursement est considérée certaine, que placer leur épargne avec une rémunération
positive dans une banque, dont elles craignent le risque de faillite...
- Cours du blé et cours de l'euro-dollar
Le blé est coté aux États-Unis et en Europe. Si le cours du dollar baisse contre euro, l'achat de blé
aux États-Unis peut devenir attractif pour les Européens. Il s'ensuit une hausse de la demande de blé américain, dont le prix monte, et une baisse de la demande de blé européen, dont le prix baisse. Mais le prix du blé
est aussi partiellement corrélé au prix du pétrole. Une forte hausse du cours du pétrole conduit en effet les
opérateurs à anticiper une augmentation de la production de biocarburants, dont l'effet attendu est une augmentation de la demande de blé et de son cours. Des achats spéculatifs et de couverture se déclenchent, qui
se traduisent par une hausse auto-réalisatrice instantanée du cours du blé.
- Le rôle des anticipations dans la formation des équilibres de marché
Supposons que les investisseurs internationaux attendent une forte baisse des taux directeurs de la
FED, dans l'espoir d'un soutien à la croissance américaine dont l'Europe attend des effets positifs. Si la
baisse anticipée est de 0,75 % et que la FED ne baisse ses taux que de 0,25 %, le marché des actions dans le
monde va baisser. Le cours des actions reposait sur une anticipation de 0,75 % associée à des perspectives
de croissance et d'amélioration du résultat des entreprises ; une baisse inférieure révise à la baisse le cours
d'équilibre et déclenche des ventes auto-réalisatrices.
B. La mondialisation des marchés financiers.
Le phénomène de globalisation financière est souvent illustré par les 3D - décloisonnement, déréglementation, désintermédiation. Ce triple processus remonte au milieu des années 1980. C’est sous
l’impulsion des Etats-Unis et de l’Angleterre (puis de l’Europe et du Japon) que les marchés financiers ont
été libéralisés. Ce processus repose sur les principes du libéralisme économique et de la pensée néoclassique
qui veulent que, en laissant faire le marché, on aboutisse à la meilleure situation économique possible. Ainsi,
l’internationalisation et la libéralisation des marchés financiers doivent permettre une mobilité parfaite des
capitaux à travers le monde. Ce processus peut être caractérisé de la manière suivante :
- Décloisonnement : processus de suppression des barrières entre les compartiments des marchés de capitaux (par exemple, la distinction entre les banques de dépôts et les banques d’investissement),
conduisant à une interdépendance des prix d’équilibre, tant au niveau domestique qu'international. A titre
d'illustration, la simple annonce, en 1985, de la création du marché des certificats de dépôt, titres à court
terme émis par les banques, provoqua une forte chute du marché obligataire, ces nouveaux titres étant considérés par les investisseurs comme des substituts, même imparfaits, aux obligations.
- Déréglementation : assouplissement ou suppression des règles nationales encadrant les transactions financières (contrôle des changes, encadrement du crédit,…). Ainsi fut par exemple supprimé en
1986 l'encadrement du crédit, qui imposait jusqu'alors, pour lutter contre l'inflation, des normes maximales
de progression des encours de crédit bancaires. C'est à cette même époque que fut considérablement assoupli
le contrôle des changes.
- Désintermédiation : recours croissant des agents non financiers (ANF) au marché financier
pour couvrir leur besoin de financement, par émission d'actions ou d'obligations, au détriment des concours
bancaires. On distingue le taux d'intermédiation au sens strict et le taux d'intermédiation au sens large. Le
premier indicateur se mesure ainsi :
crédits accordés par les institutions financière s aux ANF
Total des financements dont les ANF ont bénéficié
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Le second indicateur prend en compte les titres de financement émis par les ANF sur le marché (actions,
obligations, titres de créances négociables) et détenus par les institutions financières, il se mesure ainsi :
Crédits accordés et achats de titres par les institutions financières aux ANF
Total des financements dont on bénéficié les ANF
Le taux d'intermédiation au sens strict est relativement stable depuis le début des années 2000 et s'établit en
2011 à environ 40 % (contre 55 % en 1994). Le taux d’intermédiation au sens large est de 55 % aujourd’hui
contre 75 % en 1994.
C. Le rôle de l’information dans les opérations financières.
L’information et la manière dont elle répartie a une influence déterminante sur le fonctionnement et
les dysfonctionnements des marchés financiers.
Selon la théorie financière, une bonne circulation de l’information concernant les rendements futurs
escomptés d’un titre financier permet à son cours de varier autour d’un équilibre donné par la valeur fondamentale du titre (la valeur fondamentale d’un actif (par ex. une action) correspond à la valeur actualisée des
flux de revenus auxquels la possession de l’actif donne droit (par ex. les dividendes)) en rapport avec la valeur réelle de l’organisme émetteur. C’est pourquoi les autorités de marché contrôlent la diffusion de
l’information et les opérateurs sur les marchés de capitaux ont recours à des agences de notation censées
produire des informations pertinentes et faciliter leur accès.
Néanmoins, l’asymétrie d’informations est inhérente aux marchés financiers. Elle explique la présence sur les marchés financiers d’institutions financières (banques…) spécialistes de la collecte et du traitement de l’information.
Par ailleurs, l’inégale information sur l’évolution du cours d’un titre peut aussi expliquer qu’il soit à
la fois offert et demandé, ce qui une condition essentielle du fonctionnement des marchés financiers comme
de tout marché.
Toute diffusion d’informations, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, a des répercussions sur les différents segments des marchés financiers car ces derniers sont fortement imbriqués.
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