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Changement de monde
En ce début du nouveau millénaire, l’Humanité toute entière, dans son indissociable ensemble, vit un
véritable changement DE monde qui explose les notions de temps, d’espace et de relations humaines.
A ne pas confondre avec un changement DU monde qui se produit régulièrement au cours de
l’Histoire.
L’ampleur de cette métamorphose civilisationnelle n’est comparable qu’avec la Renaissance de la fin
du XVe siècle.
Nous sortons d’un monde pyramidal, cloisonné par les frontières et les idéologies, façonné par le
modèle managérial top-down, avec son simulacre de stabilité. Et nous entrons dans un univers sans «
ismes », horizontal, plat, les seules frontières sont celles qui perdurent dans les esprits qui
n’évoluent pas. Un nouvel écosystème surgit - numérique, décloisonné, interconnecté, en permanence
en « lifestreaming », régi par l’algorithme « bottom-up » et « connect and collaborate ». C’est-à-dire,
l’intelligence collaborative, inclusive, connective, instantanée, réticulaire (organisée en réseaux).
Un nouveau monde où la seule certitude qui demeure, c’est l’absence de toute certitude. Sauf celle que
l’avenir ne sera pas une reproduction du présent. Il est désormais à bâtir, à chaque instant, par chaque
individu, en dehors de toute feuille de route établie à l’avance, et ce, face à la résistance des institutions
sclérosées, issues d’une époque révolue. Dans ces conditions, il faut clôturer le passé et réinventer
l’avenir. Aucun individu, aucun pays ne saurait y échapper.
Dans ce nouveau monde, la modernisation ne rime plus forcément avec l’occidentalisation.
Ainsi, le TGV chinois est déjà plus performant que son équivalent français ; Shanghai affiche sans
complexe son étincelant aspect de « new » New York, avec son aéroport futuriste qui déclasse JFK en
reliquat d’héritage, les consommateurs du Texas paient aujourd’hui leurs courses à Wall Mart avec
l’argent que les Chinois veulent bien leur prêter. Autre signe de ce changement de monde : les
étudiants des business schools françaises, conscients des blocages hexagonaux, ne jurent plus que par
les pays émergents, lesquels précisons-le ont déjà bien émergé depuis longtemps. Dans ce nouvel
univers qui balaie toutes nos certitudes, B2B ne signifie plus « business to business », mais « back to
Bangalore » : les Indiens, âgés d’une vingtaine d’année, après leurs études aux États-Unis, rentrent
chez eux pour y créer leur Silicon Valley, encore plus foisonnante que son prototype, y montent leurs
start-ups sans pesanteurs administratives propres à l’Occident, et embauchent leurs anciens
professeurs américains seulement les meilleurs ! - comme consultants, avec des salaires valorisants.
Ce ne sont que quelques illustrations de l’actuel changement tectonique qui concerne chaque individu
et chaque pays.
A ce carrefour d’époques, même (surtout ?) les mots changent de sens. « Espace », « temps », «
intelligence », « éducation », « travail », « politique », « économie », « réussite », etc. ne signifient
plus la même chose qu’auparavant. Dans ce contexte, il est primordial de redéfinir les mots que nous
prononçons pour éviter toute confusion sémantique. Établir un glossaire des mots clés. A commencer
par le « password » du XXIe siècle, la globalisation.
Vocabulaire des mots clés
Globalisation
Le mot est saturé d’émotions. Mon but n’est pas de rentrer dans une polémique, enflammée par les
passions, mais décortiquer ce terme pour en extraire sa substantifique moelle, avec autant d’objectivité
que possible. Tel un médecin, qui examine son patient pour établir un diagnostic et prescrire un
traitement. Ma définition de la globalisation « nexus of people, places and ideas » est forgée par
mes échanges avec des étudiants de pays aussi différents que l’Algérie et Israël, le Sénégal et la Russie,
les États-Unis et l’Afghanistan.
Globalisation du XXIe siècle : trois matrices
1. La chute du Mur de Berlin (9 novembre 1989), qui tire le rideau géopolitique sur le XXe siècle
et met fin à la bipolarité idéologique, ayant congelé le monde. C’est aussi le frémissement du
XXIe siècle, celui du monde global, qui voit son centre de gravité pivoter de l’Atlantique au
Pacifique, de l’Europe à l’Asie.
2. La Révolution numérique, qui marque le basculement du livre au digital. Du matériel à
l’immatériel. C’est la troisième « global business révolution »
3. La perte par l’Occident de son « monopole de l’Histoire » (sa capacité à assurer l’emprise
décisive sur l’évolution de la planète), face à l’ascension de nouveaux pôles d’excellence (global
stakeholders), initialement identifiés, en 2001, par le think-tank de Goldman Sachs, sous
l’acronyme BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), transformé par la suite en BRICS, avec
adjonction de l’Afrique du Sud, et qui doit, aujourd’hui, s’ouvrir à d’autres acteurs, en plein
essor, comme la Corée du Sud, la Turquie, l’Indonésie, le Qatar, etc. Ceux-ci s’installent aux
commandes décisionnelles du siècle, sans adopter le mode de pensée et de fonctionnement,
ainsi que les valeurs, inhérentes à la civilisation occidentale.
Globalisation économique
C’est l’universalisation de l’économie de marché, à savoir un mécanisme de création de richesse dans la
société qui repose sur la propriété privée et l’équilibre entre l’offre et la demande. Ce modèle s’impose
actuellement partout l’exception de la Corée du Nord et, dans une moindre mesure, de Cuba), en
l’absence de toute alternative crédible après l’effondrement du communisme, qui ambitionnait, selon
les recettes de Marx, de créer de la richesse grâce à la propriété collective et la planification dans tous
les domaines. Certes, de nombreux grains de sable grippent ce mécanisme (concurrence déloyale,
convulsions des marchés, imbrication des dettes, inégalités de revenus), mais notre monde n’a jamais
été aussi riche qu’actuellement. En 2014, son PIB a augmenté de 4,5 % sous l’impulsion de la
globalisation économique, stimulée par une innovation qui transcende les frontières, et par le
dynamisme de ses nouveaux champions non-occidentaux. La planète a vu émerger partout les
nouvelles classes moyennes, dotées d’un pouvoir d’achat en constante augmentation et adeptes des
mêmes réflexes en matière de consommation. La distance entre les pays dits développés et ceux dits en
voie de développement, ne cesse de se réduire (même si les disparités à l’intérieur de la plupart des
pays continuent, pour le moment, à croître). La globalisation de l’économie de marché n’est donc pas
un jeu à somme nulle, mais un tremplin pour une nouvelle émulation qui dope la croissance. Race to
the top”, et non “race to the down”.
Globalisation politique
La globalisation politique signifie la recherche, non aboutie, d’un nouveau mode de gouvernance
mondiale, qui devrait inclure un consensus sur les valeurs et les identités nationales, et ce, sous
l’arbitrage des institutions transnationales, adaptées au XXIe siècle. A contrario de la globalisation
économique, qui prend de l’ampleur chaque jour, la globalisation politique patine. Car la globalisation
du marché ne signifie pas celle de la démocratie, qui reste l’apanage de l’Occident, dans un univers
son exemplarité est de plus en plus contestée. Autant Chinois, Brésiliens, Turcs jouent déjà le jeu
économique global, autant ils restent toujours attachés à leurs logiciels mentaux spécifiques, et aucun
consensus ne se dessine autour des diverses valeurs culturelles. Et pour couronner le tout, tous les
organismes transnationaux, à commencer par l’ONU, datent du siècle passé l’exception du G-20 qui
fonctionne, pour l’instant, d’une façon aléatoire, sans secrétariat permanent). Économie vs. Politique
En ce début de siècle, l’économie est déjà globale, une et indivisible, mais la politique, censée la
réguler, reste nationale et compartimentée par les États. Le génie des Mille et Une Nuits, sortie de sa
lampe, est confronté au Léviathan, parabole d’un État péremptoire, sous la plume de Thomas Hobbes.
Économie contre la politique. Comment gérer cette dichotomie entre la globalité économique, relais de
croissance et de prospérité, et les égoïsmes nationaux, source de blocages ? Peut-on avancer en
appuyant, à la fois, sur l’accélérateur et le frein ? La globalisation économique ne sera jamais ni
complète, ni heureuse sans être coordonnée in fine par la globalisation politique.
Identité
La globalisation ne signifie pas l’uniformisation, mais une diversité, qui éclot à un point jamais atteint
auparavant. La globalisation n’efface pas les différences culturelles et identitaires, mais, au contraire,
elle les accentue. La permanente interaction des gens, des places et des idées fait resurgir une quête
identitaire, aussi bien collective (qui sommes-nous ?), qu’individuelle (qui suis-je?). Au siècle
précédent, cette quête de soi a été occultée par le choc des idéologies (communisme, fascisme,
nazisme, capitalisme), ces « ismes » faisaient des pays et des individus des pions quasi- anonymes, à
manier sur un gigantesque échiquier géopolitique. Si le XXe siècle fut celui de la non-globalisation, de
l’Atlantique et des idéologies, le XXIe siècle sera celui de globalisation, du Pacifique et des identités.
S’ouvrir aux autres, cela n’a rien à voir avec le reniement de soi-même. Cela veut dire comprendre soi-
même : seule l’interconnexion et l’interaction avec notre alter ego, qui pense et agit différemment,
peut affiner la perception de notre propre essence. La particularité de la globalisation du XXIe siècle
réside dans le fait qu’elle transforme l’identité, qui fut auparavant une sorte de fatalité, prédéterminée
par notre lieu de naissance, en un choix libre, fait au cours d’une vie, pilotée, en toute autonomie, par
chacun de nous. Autrement dit, la globalisation permet à chaque personne humaine, dotée d’une forte
motivation, de transcender son terreau nourricier culturel, sans y renoncer. Court-circuiter les
barrières des institutions étatiques go global as individual ») et devenir un véritable citoyen du
monde multi-sol, qui gère son identité transnationale comme aspiration à une stabilité intérieure dans
un environnement global, instable par définition.
La modernité s’allie avec la tradition. Par conséquent, il devient possible de « faire monde » et « faire
village », simultanément. Ce nouveau don d’ubiquité devient même indispensable pour réussir dans
un monde, rien ne peut plus entraver la libre circulation des gens et des idées. Au XXIe siècle,
l’identité n’est plus une fatalité, mais un choix.
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