Le mot est saturé d’émotions. Mon but n’est pas de rentrer dans une polémique, enflammée par les
passions, mais décortiquer ce terme pour en extraire sa substantifique moelle, avec autant d’objectivité
que possible. Tel un médecin, qui examine son patient pour établir un diagnostic et prescrire un
traitement. Ma définition de la globalisation – « nexus of people, places and ideas » – est forgée par
mes échanges avec des étudiants de pays aussi différents que l’Algérie et Israël, le Sénégal et la Russie,
les États-Unis et l’Afghanistan.
Globalisation du XXIe siècle : trois matrices
1. La chute du Mur de Berlin (9 novembre 1989), qui tire le rideau géopolitique sur le XXe siècle
et met fin à la bipolarité idéologique, ayant congelé le monde. C’est aussi le frémissement du
XXIe siècle, celui du monde global, qui voit son centre de gravité pivoter de l’Atlantique au
Pacifique, de l’Europe à l’Asie.
2. La Révolution numérique, qui marque le basculement du livre au digital. Du matériel à
l’immatériel. C’est la troisième « global business révolution »
3. La perte par l’Occident de son « monopole de l’Histoire » (sa capacité à assurer l’emprise
décisive sur l’évolution de la planète), face à l’ascension de nouveaux pôles d’excellence (global
stakeholders), initialement identifiés, en 2001, par le think-tank de Goldman Sachs, sous
l’acronyme BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), transformé par la suite en BRICS, avec
adjonction de l’Afrique du Sud, et qui doit, aujourd’hui, s’ouvrir à d’autres acteurs, en plein
essor, comme la Corée du Sud, la Turquie, l’Indonésie, le Qatar, etc. Ceux-ci s’installent aux
commandes décisionnelles du siècle, sans adopter le mode de pensée et de fonctionnement,
ainsi que les valeurs, inhérentes à la civilisation occidentale.
Globalisation économique
C’est l’universalisation de l’économie de marché, à savoir un mécanisme de création de richesse dans la
société qui repose sur la propriété privée et l’équilibre entre l’offre et la demande. Ce modèle s’impose
actuellement partout (à l’exception de la Corée du Nord et, dans une moindre mesure, de Cuba), en
l’absence de toute alternative crédible après l’effondrement du communisme, qui ambitionnait, selon
les recettes de Marx, de créer de la richesse grâce à la propriété collective et la planification dans tous
les domaines. Certes, de nombreux grains de sable grippent ce mécanisme (concurrence déloyale,
convulsions des marchés, imbrication des dettes, inégalités de revenus), mais notre monde n’a jamais
été aussi riche qu’actuellement. En 2014, son PIB a augmenté de 4,5 % sous l’impulsion de la
globalisation économique, stimulée par une innovation qui transcende les frontières, et par le
dynamisme de ses nouveaux champions non-occidentaux. La planète a vu émerger partout les
nouvelles classes moyennes, dotées d’un pouvoir d’achat en constante augmentation et adeptes des
mêmes réflexes en matière de consommation. La distance entre les pays dits développés et ceux dits en
voie de développement, ne cesse de se réduire (même si les disparités à l’intérieur de la plupart des
pays continuent, pour le moment, à croître). La globalisation de l’économie de marché n’est donc pas
un jeu à somme nulle, mais un tremplin pour une nouvelle émulation qui dope la croissance. “Race to
the top”, et non “race to the down”.
Globalisation politique
La globalisation politique signifie la recherche, non aboutie, d’un nouveau mode de gouvernance
mondiale, qui devrait inclure un consensus sur les valeurs et les identités nationales, et ce, sous
l’arbitrage des institutions transnationales, adaptées au XXIe siècle. A contrario de la globalisation
économique, qui prend de l’ampleur chaque jour, la globalisation politique patine. Car la globalisation
du marché ne signifie pas celle de la démocratie, qui reste l’apanage de l’Occident, dans un univers où
son exemplarité est de plus en plus contestée. Autant Chinois, Brésiliens, Turcs jouent déjà le jeu
économique global, autant ils restent toujours attachés à leurs logiciels mentaux spécifiques, et aucun
consensus ne se dessine autour des diverses valeurs culturelles. Et pour couronner le tout, tous les
organismes transnationaux, à commencer par l’ONU, datent du siècle passé (à l’exception du G-20 qui