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Comportement du consommateur et marketing viral :
une modélisation à l’aide de réseaux et d’automates
probabilistes?
Jean-François Rouhaud.
IUT GEA
Université de Poitiers
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INTRODUCTION
Le marketing viral est à la mode. Ce
nouveau concept de bouche-à-oreille
électronique à des fins commerciales est
apparu avec le développement de
l’Internet. Il est fondé sur un processus de
communication écrite au moyen
d’échanges d’e-mails, de forums et de sites
web. Bien utilisé, ce phénomène peut se
révéler pour l’entreprise un outil de
communication extrêmement efficace mais
de maîtrise délicate. Le lancement du film
‘Blair Witch’ à l’aide de la création de sites
web ‘pro et ‘anti’ a montré la puissance
d’informations soi-disant confidentielles
transmises par le bouche-à-oreille et
constitue un véritable cas d’école.
Phénomène récent, le marketing viral n’a
encore donné lieu à aucune véritable
théorie de sa propagation et des
conditions de son efficacité. Les approches
les plus courantes font appel aux concepts
de réaction en chaîne nucléaire et de
développement exponentiel (Richard,
2001). Elles insistent sur la rapidité de
transmission des rumeurs volontaires
générées par une action de marketing viral
(Kapferer, 2001), sur son faible coût et sur
son impact commercial.
Le marketing viral est une variante du
bouche-à-oreille traditionnel. Cependant,
le support utilisé le réseau électronique
Internet modifie considérablement les
conditions de fonctionnement de ce
mécanisme classique qui a donné lieu à de
nombreuses études. Cette communication
propose une approche fondée sur
l’analyse des réseaux sociaux (l’outil
privilégié de la sociométrie) et sur une
formalisation des comportements de
consommation individuels par le moyen
d’automates probabilistes. Un compromis
entre une approche globale trop réductrice
et une approche microanalytique trop
détaillée dans l’état actuel des
connaissances est ainsi recherché. Des
éléments pour la construction d’un modèle
de simulation du marketing viral sont
proposés et le modèle qui en résulte est
testé.
LE MARKETING VIRAL ET LE
BOUCHE-A-OREILLE
TRADITIONNEL
1. Ce qu’est le marketing viral
Le marketing viral peut être défini
comme une forme de communication
commerciale qui se propage d’individu à
individu sur un réseau électronique
(habituellement l’Internet) à la manière
d’un virus, par contamination progressive.
Technologiquement, il ne s’agit pas d’un
virus informatique mais d’un processus de
bouche-à-oreille dont la progression peut
être extrêmement rapide et bon marché
pour l’entreprise qui en est à l’origine.
Mais ‘la seule différence entre la
propagation d’un virus et une action de
marketing viral qui y puise son inspiration
réside, sauf cas de triche, dans la
nécessaire coopération du destinataire.
Une information virale devra donc être
renvoyée par chacun des internautes
impliqués dans la chaîne (Chatelain et
Roche, 2001).
Concrètement, les formes de marketing
viral sont multiples et peuvent notamment
s’exprimer à l’aide de courriers
électroniques, de forums, de listes de
discussion et de sites web pouvant
constituer le point de départ de rumeurs
soigneusement étudiées.
Le marketing viral ne doit pas être
confondu avec le ‘spamming’, c’est-à-dire
l’envoi en masse d’e-mails non désirés.
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2. Les relais du marketing viral
Par analogie avec le bouche-à-oreille
traditionnel (Katz and Lazarsfeld, 1955),
les prescripteurs et leaders d’opinion
paraissent susceptibles de jouer un rôle
important dans toute stratégie de
marketing viral. Les leaders d’opinion (‘e-
influents’) ploient habituellement une
activité importante sur l’Internet et
peuvent disposer d’un site web
constituant éventuellement un organe de
presse électronique. Un relais par des
médias traditionnels hors réseau est
également courant (par ex. un organe de la
presse écrite pratiquant une veille
informationnelle sur l’Internet).
L’existence de communautés virtuelles
semble d’un intérêt vital pour toute action
de marketing viral.
Une communauté virtuelle est ‘un
agrégat social qui émerge du Net lorqu’un
nombre suffisants de personnes mènent
des discussions publiques assez durables
pour former des réseaux de relations
interpersonnelles dans le cyberespace
(Rheingold, 1993).
Les participants à une communauté
virtuelle doivent posséder des centres
d’intérêt partagés (métier, hobby, etc…),
une culture, une identité et un langage
communs.
Les communautés virtuelles peuvent
être :
- spontanées (par ex. fondées à
l’initiative d’internautes passionnés par un
thème) ou artificielles (par ex. fondées par
une entreprise ayant un objectif
commercial) ;
- centralisées (des relations
privilégiées sont établies avec un individu
central d’où provient l’information
initiale) ou décentralisées (tous les
membres sont sur un pied d’égalité) ;
- ouvertes ou fermées, ces dernières
étant caractérisées par la faiblesse des liens
avec d’autres communautés virtuelles
(Brodin, 2000).
Une information introduite dans une
communauté virtuelle est très vite diffusée
dans l’ensemble de la communauté en
raison des liens directs existant entre ses
membres.
Plus généralement, la structure du
réseau social des relations entre individus
apparaît déterminante dans le processus
de bouche-à-oreille électronique.
L’intensité de ces relations semble a priori
constituer un facteur important de la
transmission d’informations sur l’Internet.
Le marketing viral apparaît ainsi comme
un bouche-à-oreille considérablement
amplifié.
LA MODELISATION DU
MARKETING VIRAL
Une modélisation du marketing viral a
pour objectif de fournir une représentation
cohérente d’un ensemble de
comportements individuels à partir d’un
certain nombre d’hypothèses
simplificatrices de la réalité. Actuellement,
le besoin de modèles explicatifs des
processus observés sur l’Internet apparaît
pressant (Lilien and Rangaswamy, 2000 ;
Mahajan and Venkatesh, 2000).
Différents principes alternatifs peuvent
être proposés pour la construction d’un
modèle.
1. Les formalisations envisageables
d’un modèle de marketing viral
La représentation des relations
interindividuelles peut être envisagée à
partir d’un réseau d’automates cellulaires.
Les automates cellulaires ont donné lieu à
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diverses applications relatives à des
phénomènes similaires de diffusion
(Bhargava and al., 1993 ; Rouhaud, 2000).
Chaque individu pourrait ainsi être
représenté par un automate cellulaire au
comportement assez simple et serait
mécaniquement, et éventuellement de
façon probabiliste, influencé par ses
voisins sur le plan relationnel.
L’application des principes des modèles
microanalytiques du comportement du
consommateur au bouche-à-oreille
électronique pourrait constituer une autre
approche. Néanmoins, la complexité de ce
type de modèle et les difficultés pratiques
d’estimation des paramètres peuvent être
dissuasives.
Une autre méthode pourrait s’appuyer
sur les modèles de diffusion des
innovations (Rogers, 1983), la propagation
de l’usage d’un produit nouveau semblant
assez proche de celle des informations et
des attitudes sur un réseau électronique.
La modélisation retenue dans cette
communication s’appuie sur un principe
double, assez voisin mais différent :
- un comportement individuel fondé
sur quelques hypothèses simples et
réalistes permettant de constituer un
automate virtuel ;
- un réseau reproduisant l’ensemble
des relations interindividuelles au sein de
l’échantillon d’internautes étudiés et dont
les matériaux de base sont fournis par la
théorie sociométrique des réseaux sociaux.
L’utilisation d’automates virtuels, dont
le comportement est probabiliste, possède
l’avantage d’une relative simplicité
autorisant cependant une description des
mécanismes fondamentaux du marketing
viral et une possibilité facile d’évolution
ultérieure.
Enfin, après divers essais, il a paru que
l’application de la théorie des réseaux
sociaux permet une plus grande souplesse
d’analyse des relations individuelles
qu’une description en termes d’automates
cellulaires.
2. La modélisation du
comportement des acteurs du
marketing viral
2.1 Les individus (consommateurs
internautes)
Il existe un nombre n d’individus i
constituant autant d’automates.
A une période t (égale par ex. à une
journée), chaque internaute i est
caractérisé par 2 états possibles: Ei,t =1
(attitude positive envers le message reçu
d’autres internautes), Ei,t =0 (attitude
neutre).
Cet internaute-automate possède une
fonction de transition composée de 3
probabilités :
- une probabilité PCRi de
connexion au réseau au cours d’une
période t. Une probabilité PCRi égale à 0,2
signifie que i se connecte en moyenne une
fois tous les 5 jours, une probabilité PCRi
égale à 1 révèle une connexion quasi-
permanente.
- une probabilité PAPi d’attitude
positive envers le message reçu d’autres
individus (message stocké auparavant
dans sa boîte à lettres électronique
pendant une ou plusieurs périodes), cette
attitude positive se manifestant par un
intérêt pour le message et, le cas échéant,
par un achat.
- une probabilité PTRi,k de
transmission du message reçu à un autre
internaute k
Sur le réseau, chaque individu est en
relation habituelle avec un nombre limité
d’autres individus. Ce nombre est variable
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d’un individu à un autre et peut être élevé
pour un leader d’opinion.
2.2. Les sites
Un site web, dont une entreprise peut
être à l’origine, est considéré comme un
individu, mais possède quelques
particularités concernant sa fonction de
transition :
- la probabilité PCRs de connexion
du site s au réseau est égale à 1, le site
étant connecté en permanence ;
- la probabilité d’attitude positive
PAPs d’un site visant à diffuser un
message favorable est égale à 1 ; elle
pourrait être inférieure à 1 pour un site
intervenant comme relais sans part-pris
(par ex. cas d’un site représentant la presse
en ligne ou traditionnelle) ;
- le nombre de relations avec les
autres individus est plus élevé que pour
un individu i quelconque.
3. La structure des relations
interindividuelles
Elle repose sur les principes de la théorie
sociométrique des réseaux sociaux et de la
théorie mathématique des graphes.
C’est ainsi que l’ensemble des relations
entre n individus peut être décrit par un
graphe dont chaque individu occupe un
sommet.
3.1. Les relations entre 2 individus i et j
Elles forment une dyade correspondant
à 4 cas différents :
Cas 1 : i envoie un message à j
La représentation graphique se traduit
par un arc (ou flèche) allant de i à j.
i j
La représentation algébrique s’exprime
par la valeur de la variable Rij traduisant
la relation entre i et j. Dans le cas 1, Rij = 1
et Rji = 0.
Cas 2 : j envoie un message à i.
C’est le cas inverse du précédent, ce qui
donne Rij = 0 et Rji = 1.
Cas 3 : i et j s‘envoient
mutuellement des messages.
La représentation graphique peut
s’exprimer :
- soit par i j (graphe orienté);
- soit par i j (graphe orienté);
- soit par i j (graphe non orienté).
Cas 4 : absence de relations
habituelles Internet entre i et j
Rij = Rji = 0
A priori, le caractère interactif du Web
semble correspondre plutôt aux cas 3
(dialogue) ou au cas 4 (absence de
relations).
3.2. Les relations entre n individus
Les conventions précédentes appliquées
à n internautes définissent un graphe à n
sommets. Ce graphe R peut être
représenté par une matrice RR du réseau
des relations interindividuelles.
Les propriétés essentielles du graphe R
sont :
- le nombre maximal de relations
possibles est égal à n(n-1) ;
- la densité des relations sur ce
réseau est définie par D = RO / n(n-1)
RO est le nombre de relations observées ;
- le graphe R est orienté (relations
d’informations non symétriques entre les
individus) ou non orienté (relations
symétriques).
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