2017 01 24 Unternehemenssteuerreform III f

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Service médias Travail.Suisse – Edition du 24 janvier 2017
Il n’y a rien à craindre pour les emplois
en disant non à la RIE III
Parce que la Suisse n’a plus le choix – elle doit supprimer les régimes fiscaux cantonaux privilégiés – un non à la RIE III obligera le Parlement à présenter rapidement un nouveau projet
correctement contre-financé par l’économie. Il n’y a donc rien à craindre pour les emplois en
disant non.
Denis Torche, responsable de la politique fiscale et financière, Travail.Suisse
Il est juste de vouloir supprimer les régimes fiscaux cantonaux privilégiés pour les holding et les sociétés d’administration étrangères, devenus incompatibles avec les standards fiscaux internationaux, car ils sont contraires à l’égalité fiscale. Mais malheureusement les élites politico-économiques en ont profité pour baisser massivement les impôts des entreprises sans que cela soit nécessaire. D’où des pertes fiscales de 1,3 milliards de francs pour la Confédération et de plusieurs
milliards de francs pour les cantons, surtout du fait de la baisse de leurs taux d’imposition des entreprises. Prévue pour entrer en vigueur en 2019, la réforme a déjà provoqué une recrudescence de la
concurrence fiscale entre cantons. Alors que le taux d’imposition moyen des entreprises en Suisse a
déjà baissé entre 2005 et 2014 de plus de 4 points de pourcentage passant de 22 à 18 %, on se dirige maintenant vers moins de 16% suite aux mesures décidées ou prévues par la plupart des cantons (par exemple Vaud de 22,8% à 13,8%, GE de 24,2% à 13,5%, BS de 22,2% à 13%, SH de
16% à 12%, FR de 19,9% à 13,7% etc.).
Un chèque en blanc
A ces lourdes pertes fiscales s’en ajoutent d’autres d’’ampleur inconnue, la réforme prévoyant pour
les cantons des instruments facultatifs : adaptation des impôts cantonaux sur le capital, déductions
massives pour les revenus tirés de brevet (90%), déductions pour les frais de recherche et de développement (jusqu’à 150%, bien plus que les dépenses réelles !), impôt sur le bénéfice corrigé des
intérêts. Le Parlement a certes fixé une limite aux divers allégements. Mais elle est extrêmement
basse, le cumul des allégements ne devant pas dépasser 80% du bénéfice net imposable avant leur
déduction. Ainsi, en exploitant à fond les outils de la boîte fiscale, les entreprises ne paieront plus
100% mais 20% de l’impôt cantonal et communal. Cela est choquant au vu de l’égalité fiscale avec
le contribuable. Il en résulte le fait que les citoyens et citoyennes devront se prononcer sur un projet
dont on ignore largement l’ampleur des pertes fiscales. Dire oui c’est donc accepter un chèque en
blanc ou un chèque qui ne serait pas complètement provisionné.
Ce qui est par contre sûr c’est que les pertes en milliards de francs seront payées par la population
par des hausses d’impôts ou des baisses de prestations, le Parlement ayant renoncé à toute mesure de contre-financement par l’économie. Cela est profondément injuste vu que les infrastructures
des collectivités publiques profitent évidemment aussi aux entreprises et qu’elles leur sont même
indispensables pour développer leurs activités. De nombreux cantons ayant déjà des problèmes financiers, il va sans dire que la réforme aggravera les programmes d’économie en cours ou sera à
l’origine de nouvelles coupes de prestations.
Les partisans de la RIE III font croire qu’un non à la réforme provoquera le départ de bon nombre de
sociétés privilégiées avec la perte correspondante d’emplois et de recettes fiscales et veulent donc
intimider les citoyens et citoyennes pour qu’ils n’osent pas dire non. Or, cette argumentation ne résiste pas aux faits : primo, comme les cantons sont en train de baisser fortement leurs taux d’imposition, le risque que les sociétés en question partent à l’étranger est très faible et le faible nombre de
partants potentiels ira en premier lieu vers les cantons aux taux d’imposition les plus bas. Secundo,
l’implantation d’entreprises étrangères dépend d’un ensemble de facteurs – pas seulement la fiscalité – et la Suisse est à cet égard l’un des meilleurs sites d’implantation au monde grâce à ses très
bonnes infrastructures, son excellent système de formation, sa main-d’œuvre qualifiée, son marché
du travail flexible, sa forte capacité d’innovation, son administration efficace etc. Tertio, c’est si on dit
oui à la RIE III que le risque de pertes d’emplois est le plus grande : car les lourdes pertes fiscales
en cas de oui réduiront les prestations de service public, ce qui impliquera des suppressions de
poste ou au mieux un gel des embauches avec le risque d’une pression supplémentaire sur les conditions de travail. L’alarmisme des partisans de la réforme en cas de non au sujet des pertes fiscales
et des pertes d’emploi n’est donc pas crédible. Il faut espérer que les citoyens et citoyennes s’en
rendront compte et ne se laisseront pas gagner par la peur.
En outre, comme un non du peuple à la réforme ne sera pas un non à la suppression des régimes
fiscaux cantonaux – leur abrogation n’est plus guère contestée – mais un non aux lourdes pertes
fiscales, le Parlement devra présenter rapidement un nouveau projet s’il ne veut pas infliger un
grave préjudice à la place financière et économique. Les mesures pour contre-financer adéquatement la réforme par l’économie sont d’ailleurs connues. Le Parlement pourra ainsi décider s’il veut
imposer les gains en capitaux (le projet de consultation du Conseil fédéral le prévoyait), renoncer à
l’impôt sur le bénéfice corrigé des intérêts sur le capital propre ou encore augmenter légèrement le
taux fédéral d’imposition des bénéfices des entreprises (ce qui serait justifié et supportable du fait
que les baisses en cours de réalisation des taux d’imposition cantonaux vont clairement au-delà de
ce que le Conseil fédéral avait pronostiqué). Un refus de la réforme devrait aussi entraîner le retrait
du projet séparé de l’élimination du droit de timbre d’émission sur le capital propre car il occasionne
de très lourdes pertes fiscales.
Un non de la population à la troisième réforme de l’imposition des entreprises représente en fin de
compte une chance : un projet plus équilibré et plus juste réduira le fossé malsain qui s’est creusé
entre l’économie et la population en raison de l’écart croissant entre les rémunérations abusives
pour les managers des grandes sociétés et l’évolution des salaires en général. Ce serait tout bénéfice pour la cohésion nationale et sociale et donc aussi pour l’économie qui n’évolue pas dans un
monde distinct.
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