Non à la réforme de l`imposition des entreprises le 24 février 2008

Service de presse de Travail.Suisse No 1 28 janvier 2008 Politique fiscale
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Non à la réforme de l’imposition des entreprises le 24 février 2008
Injuste, trop cher et sans effets pour la croissance et l’emploi
Cette réforme est vendue par le Conseil fédéral comme un paquet favorisant les
PME, la compétitivité et l’emploi. En réalité, ce projet coûte cher, est injuste et
n’apporte pratiquement rien de substantiel à la très grande majorité des PME.
Le cœur de la réforme de l’imposition des entreprises est le suivant : un actionnaire déten-
teur d’au moins 10% des actions d’une entreprise ne sera imposé que sur 60% du revenu
tiré de ces actions (dividendes).
Cette réforme est injuste car les personnes salariées et celles percevant une rente conti-
nuent, elles, d’être taxées à 100%. Elle est contraire aussi aux principes fiscaux fondamen-
taux de la capacité contributive (on est imposé selon sa capacité économique) et de
l’égalité devant l’impôt (taxer de la même manière les revenus du travail et du capital)
fixés dans la Constitution fédérale.
On ne peut justifier un tel traitement de faveur pour une minorité de gros actionnaires en
évoquant la concurrence fiscale internationale. Le système fiscal suisse reste compétitif en
comparaison internationale ; en outre la fiscalité n’est qu’un facteur certes important -
parmi d’autres, comme la formation du personnel, la qualité des infrastructures, la qualité
de vie etc., pour l’implantation d’entreprises.
Pas d’effet positif pour la croissance
Rien ne prouve que la réforme de l’imposition des entreprises favorisera la compétitivité,
la croissance et l’emploi. En effet, sur les 4'700'000 contribuables que compte notre pays,
seules 60'000 personnes environ possèdent au moins 10% des actions d’une entreprise.
Mais dans les faits c’est moins de 10'000 personnes qui possèdent 10% des actions d’une
société anonyme dégageant un bénéfice respectable.
D’où un très faible impact pour la croissance, d’autant plus que rien ne garantit que les
allégements profiteront à l’économie suisse : il est très plausible que cet argent soit investi
en bourse ou dépensé à l’étranger dans des acquisitions de prestige plutôt que réinvesti
dans le développement d’entreprises en Suisse.
La prétendue « double imposition économique »
La réforme est motivée par le fait que les sociétés de capitaux seraient désavantagées sur
le plan fiscal par rapport aux sociétés de personnes étant donné que les premières seraient
imposées deux fois : une première fois avec l’impôt sur le bénéfice et une deuxième fois
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sur le dividende distribué aux actionnaires. C’est ce que les partisans de la réforme appel-
lent la « double imposition économique ».
Or, en réalité, le bénéfice des sociétés de capitaux n’est imposé plus fortement que celui
des sociétés de personnes que lorsque plus de 66% du bénéfice est versé sous forme de
dividendes. Il n’est d’ailleurs pas forcément souhaitable que les entreprises versent da-
vantage de dividendes ; car en temps de crise, elles disposeront de moins de réserves. Des
entreprises et de nombreux emplois ont pu être sauvés en période de basse conjoncture
justement parce que les entreprises disposaient de suffisamment de réserves.
Effet négligeable de la réforme pour la grande majorité des PME
Plus de deux tiers des PME sont des sociétés de personnes ou des entreprises indivi-
duelles. Le patron d’une petite menuiserie avec quelques employés, la pharmacienne ou
le maître-boucher indépendant continueront à être imposés sur la totalité de leurs gains et
continueront de verser leurs contributions à l’AVS. Ils n’ont donc rien à gagner de la ré-
forme de l’imposition des entreprises, si ce n’est des décharges d’impôt dans des mo-
ments spécifiques, notamment en cas de partage successoral ou de cessation d’activité.
Mais ces modestes améliorations pour les sociétés de personnes ne pèsent pas lourd par
rapport aux deux milliards de pertes fiscales que provoque la réforme de l’imposition des
entreprises.
Deux milliards de pertes fiscales
La Confédération perdra environ 56 millions de francs. L’AVS de 86 à 130 millions du fait
qu’il sera plus avantageux pour une partie des propriétaires de sociétés de capitaux de
toucher leurs salaires sous forme de dividendes plutôt que comme salaires soumis à
l’AVS.
Mais ce sont les cantons et les communes qui perdront le plus : environ 800 millions de
francs avec l’imposition partielle des dividendes (si un taux d’imposition partielle moyen
de 50% est introduit par tous les cantons) et encore près d’un milliard de francs si tous les
cantons décident de diminuer l’impôt sur le capital du montant de l’impôt sur le bénéfice.
Cette perte de près de deux milliards de francs pour les cantons et les communes repré-
sente plus de 20% des impôts cantonaux et communaux payés par les entreprises. Les
conséquences ? Les collectivités publiques devront réduire des prestations essentielles
comme le soutien aux crèches ou le développement des infrastructures ou alors s’endetter
ou augmenter d’autres taxes et impôts. Ce sont les ménages à bas et moyens revenus qui
en feront les frais. Il faut donc dire non à une réforme qui s’inscrit dans une tendance gé-
nérale visant à déplacer le poids de la fiscalité des revenus du capital vers ceux du travail.
Denis Torche, responsable du dossier politique fiscale, Travail.Suisse
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