Chahed a aussi mis le doigt là où ça fait mal : beaucoup de Tunisiens ont confondu liberté et anarchie. Ils ne
déploient aucun effort au travail et exigent sans cesse des augmentations salariales. Conséquence : échaudés
par les grèves, les sit-in et les mouvements sociaux qui paralysent les usines et les sites de production, les
hommes d'affaires rechignent à investir, notamment dans les régions intérieures. A cela se sont ajoutés la
corruption et le népotisme qui se sont aggravés dans un pays qui passe par une crise des valeurs.
L'instabilité régionale, le terrorisme et la crise économique à laquelle font face les principaux partenaires
économiques de la Tunisie ont contribué à aggraver la situation difficile dans le pays.
M. Chahed a souligné la baisse brutale des activités de certains secteurs économiques importants, comme celui
du phosphate dont la production a baissé de 60%, des hydrocarbures et du tourisme, d'où le faible taux de
croissance enregistré au cours des 5 dernières années qui s'est établi à 1,5%, alors qu'un point de croissance
permet de créer entre 15 et 20.000 emplois.
Cette baisse de création d'emplois, a dit le chef de gouvernement, a entraîné le recours au recrutement massif
dans la fonction publique, qui a absorbé 112.000 nouveaux fonctionnaires, compte non tenu des recrutements
dans les entreprises publiques. Conséquence : la masse salariale a explosé en 5 ans, passant 6,7 milliards de
dinars en 2010 à 13,4 milliards aujourd'hui.
Les dépenses de l'Etat, qui ont largement dépassé ses recettes, ont creusé le déficit budgétaire, qui est passé, en
cinq ans, de 3,6 milliards de dinars à 6,5 milliards, poussant le gouvernement à l'emprunt massif. Par
conséquent, l'endettement du pays est passé 25 milliards de dinars en 2010 à 56 milliards en 2016, soit 62% du
PIB.
M. Chahed a aussi mis l'accent sur le déficit de la balance extérieure des paiements, qui a provoqué une baisse
de 25% de la valeur du dinar au cours des 5 dernières années. D'où, a-t-il affirmé, le recours à l'emprunt pour
combler le déficit budgétaire, financer les projets et les dépenses de l'Etat en s'adressant notamment au Fonds
monétaire international (FMI). «Ce n'est pas le FMI qui est venu vers nous, c'est nous qui l'avons sollicité», a
lancé M. Chahed aux députés de gauche qui reprochaient à l'Etat d'appliquer à la lettre les politiques dictées
par les bailleurs de fonds internationaux.
De la peine, des larmes et de la sueur
Tout en rappelant que l'Etat s'est engagé à augmenter les salaires au cours de l'année 2017 d'un montant de
1.615 millions de dinars, le chef du gouvernement a ajouté que le taux de croissance n'atteindra pas, l'année
prochaine, et dans le meilleurs des cas, 1,6%.
Cette situation, qui risque s'aggraver si on ne fait rien pour redresser la barre, pourraient aboutir à des mesures
d'austérité, qui se traduiraient par une réduction des dépenses de l'Etat et un licenciement de milliers de
fonctionnaires, a averti M. Chahed.
L'Etat sera, par ailleurs, obligé d'augmenter les impôts tant pour les entreprises et pour les particuliers et
d'arrêter les projets d'infrastructure de base.
L'initiative du président de la république de former un gouvernement d'union nationale s'inscrit dans ce
contexte difficile qui requiert une grande solidarité nationale pour faire face aux difficultés actuelles et à venir.
«La situation exceptionnelle nécessite un programme exceptionnel», a martelé M. Chahed, comme pour
rappeler aux Tunisiens que les temps sont durs, que le plus difficile reste à venir et que des sacrifices doivent
être consentis par toutes les parties. Il aurait pu faire sienne cette fameuse phrase de Winston Churchill,
s'adressant aux Britanniques, prononcée dans son discours le 13 mai 1940, devant la Chambre des Communes :
«Je n'ai rien d'autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur».