Après la chute de la dictature, ces systèmes se sont paradoxalement ramifiés tout en catalysant la gabegie, le
désordre, l'instabilité et l'insécurité. Aujourd'hui, ils font tout pour entretenir la précarité chaotique en
alimentant les divisions et en faisant avorter toute tentative d'accord sur la stabilité, la sécurité, la justice,
l'équité et la cohésion sociale.
Si sous d'autres cieux, l'on adopte des stratégies de guerre pour lutter contre la recrudescence des associations
de malfaiteurs, l'ex-ministre des Finances, Slim Chaker, a préféré recourir à des solutions clémentes
particulièrement à l'adresse des champions de l'évasion fiscale et des barons de la contrebande, solutions axées
sur la tolérance fiscale, la complaisance administrative et la générosité tarifaire. Il a peut-être réussi à renflouer
en contrepartie les caisses de Nidaa Tounes et à se faire offrir des cafés bien sucrés. Mais, par son agissement
injuste et clientéliste, il a causé de grands préjudices aux finances publiques et aux équilibres extérieurs, par :
- la mise en péril les recettes de l'Etat, face à des dépenses en dépassement par rapport aux prévisions
budgétaires;
- et la mise à mal des réserves en devises, acculant l'Etat à recourir au surendettement improductif et coûteux.
Pour boucher partiellement les trous, il a laissé filer la dette publique, en recourant aux emprunts extérieurs et à
la consommation abusive de BTA (encours ≈ 11 milliards de dinars à fin août 2016).
En dépit de cette course effrénée pour l'endettement, un déficit additionnel de 3 milliards de dinars prend
forme au titre de 2016, devant être couvert aussi bien par des économies de dépenses que par des ressources
complémentaires.
Dans cette situation mal en point, si de nouvelles ressources ne sont pas mobilisées, les couches de population
les plus vulnérables (plus du quart de la population) vont souffrir de façon disproportionnée.
A présent, la politique d'austérité imposée par le groupe FMI au gouvernement Youssef Chahed, qui a pris ses
fonctions lundi, prône la hausse des prélèvements fiscaux et la baisse drastique des dépenses publiques et ce,
dans le but de réduire le déficit budgétaire de 2016, mais surtout ceux des années suivantes.
Au-delà de la rationalisation salutaire des dépenses publiques, les mesures d'austérité porteront sur des tailles
excessives dans les postes de dépenses (réduction de l'effectif de la fonction publique, diminution des dépenses
de la santé et de l'enseignement, baisse des investissements d'infrastructure) d'une part, ainsi que sur
l'augmentation des produits d'impôt d'autre part.
Les expériences similaires dans le monde (Amérique latine, Grèce…) nous enseignent que l'adoption d'une
telle politique ne pourra redémarrer une économie frappée par un impact récessif des mesures d'austérité, pour
pouvoir renouer avec la croissance et créer des emplois, d'une part, et conduira inéluctablement à des
conséquences sociales dramatiques, dont notamment la torture de la classe pauvre et la dégradation de la classe
moyenne, d'autre part.
A ce titre, il est important de rappeler qu'un audit interne du FMI (novembre 2014) a révélé que les remèdes
préconisés en 2010 par le FMI pour relancer l'activité après la crise financière ont été «loin d'être efficaces».
On peut lire dans le rapport cet aveu: «Le cocktail de mesures promu par le Fonds a contribué à la volatilité
des flux de capitaux sur les marchés émergents». L'audit note également que le Fonds n'a pas prêté assez tôt
attention aux effets néfastes de ces politiques sur les pays émergents (volatilité financière, chute des devises,
etc.).