CHAPITRE 1 CHAPITRE 1 : LA REGULATION Pendant longtemps les économistes ont considéré qu’il existe au moins deux systèmes de coordination capables de conduire à une situation d’équilibre général constituant la meilleure solution au problème de l’utilisation (allocation) des ressources rares. Depuis Vilfredo Pareto on considère qu’une situation est optimale (la meilleure possible) si « à partir de cette situation on ne peut améliorer le sort d’un individu sans détériorer celui d’au moins un autre ». Les économistes se sont efforcés de montrer que le mécanisme du marché, dans les conditions de la concurrence pure et parfaite conduit : d’une part à un équilibre général de marché c’est-à-dire une situation dans laquelle il existe un système de prix tel que tous les marchés sont en équilibre simultanément et d’autre part que cet équilibre général est une situation optimale au sens de Pareto. D’autres ont montré qu’un système centralisé de planification intégrale, fixant toutes les quantités (et tous les prix) produites et échangées conduit lui aussi à une situation optimale au sens de Pareto. L’avantage du mécanisme du marché est qu’il fonctionne en apparence sans intervention et sans coût, il est donc particulièrement flexible et conforme à l’exigence de liberté caractérisant les sociétés démocratiques. L’avantage de la planification centralisée est qu’elle permet de choisir parmi toutes les distributions possibles de biens et services celle qui est le plus conforme à la justice sociale. Le marché ne sert que les agents disposant des ressources monétaires leur permettant de transformer les besoins en demande solvable. En revanche la planification suppose un appareil statistique et administratif extrêmement lourd et forcément caractérisé par une forte rigidité. L’effondrement des systèmes d’économie planifiée en Europe de l’Est et dans l’exURSS a montré, pour beaucoup d’économistes, que le marché est un instrument irremplaçable de coordination des activités économiques. Il connaît cependant certaines limites : il lui est difficile de prendre en compte les externalités, conséquences des activités de production et de consommation des individus et de gérer des biens collectifs. D’autres analyses mettent en cause le marché en affirmant que ses mécanismes sont défaillants, parce qu’ils ne prennent en compte que la dimension monétaire, laissant de côté tout ce qui échappe à la logique du profit. C’est cette caractéristique du marché qui, en plus des défaillances évoquées plus haut, justifierait l’intervention de l’Etat. Du point de vue économique, l'Etat est un agent qui assure, selon Richard Musgrave, trois fonctions destinées à corriger les mécanismes du marché qui ne sont pas spontanément et nécessairement compatibles avec les choix sociaux : allocation des ressources, redistribution des ressources et stabilisation de la conjoncture. Lorsque l'Etat s'en tient faire respecter les règles du marché, on parle d'Etat – gendarme. Lorsqu'il intervient pour corriger le marché, on parle de l'Etat - providence. Néanmoins, d'un point de vue doctrinal, trois grandes conceptions de l'Etat ont été mises au jour par A. WOLFELSPERGER. M. AOURAGH/ 2BTS PME-PMI/ ECONOMIE GENERALE 1 CHAPITRE 1 a- La théorie classique et libérale de l'Etat : représentant de la collectivité, mandataire des différents intérêts individuels. Sa fonction est de fournir les biens collectifs limitativement. Son rôle est celui d'un gendarme facilitant la librecirculation des hommes et des biens. "Etat gendarme" et "laissez- faire, laissezpasser" reposent sur l'hypothèse que l'intérêt général est la somme des intérêts particuliers. b- La théorie coercitive de l'Etat : appareil d'oppression au service de la classe dominante. On reconnaît ici la conception marxiste qui voit dans l'Etat d'un régime capitaliste un instrument de la bourgeoisie en vue de l'exploitation du prolétariat. L'Etat est le représentant de la seule classe dominante. La révolution socialiste c'est la substitution de la dictature du prolétariat à l'Etat bourgeois pour ensuite s'engager vers le dépérissement de l'Etat dans une société sans classe. c- La théorie institutionnelle ou interventionniste ou volontariste de l'Etat : représentant de l'intérêt général comme différent de la somme des intérêts privés. C'est la conception keynésienne. La main invisible ne fonctionne pas : le laissez – faire débouche sur des crises. L'Etat doit intervenir pour éviter que les contradictions des intérêts individuels ne fassent éclater la société. C'est l'Etat providence qui fournit les biens collectifs, fournit des externalités publiques positives, aide les catégories sociales les plus défavorisées. 1. Les défaillances du marché D’une manière générale il y a défaillance du marché chaque fois que le fonctionnement spontané du marché engendre une situation qui n’est pas optimale au sens de Pareto. Les causes de défaillance (observables sur les marchés des produits mais aussi des facteurs) sont liées soit aux caractéristiques du bien échangé, soit au comportement des agents. Les principales sont les suivantes : les externalités et l’existence de biens collectifs l’information imparfaite qui entraîne des défauts d’ajustement pouvant créer un écart à l’optimum le fait que certains agents disposent d’un pouvoir de marché leur permet de fixer les prix au dessus du coût marginal l’incapacité de modifier la répartition des revenus et des richesses pour améliorer rapidement le sort des plus défavorisés ou de ceux qui pour une raison ou pour une autre sont incapables de participer équitablement aux relations marchandes la théorie microéconomique habituellement présentée traite uniquement de la production et de la consommation de biens et services obtenus à partir de facteurs production dont le prix se fixe sur un marché alors que de nombreux services sont produits en dehors de l’économie marchande. Il est donc possible de retenir trois observations simples : des choix individuels rationnels peuvent conduire à des solutions collectivement inefficaces : l’agrégation des comportements individuels des agents privés peut donner lieu à des effets pervers et conduire à des résultats qui ne constituent pas un optimum. les impératifs économiques du marché sont parfois incompatibles avec l’intérêt général : la recherche inconditionnelle du profit pour satisfaire des intérêts privés M. AOURAGH/ 2BTS PME-PMI/ ECONOMIE GENERALE 2 CHAPITRE 1 peut conduire les mécanismes du marché à produire des effets contraires à l’intérêt général et se retourner contre les décideurs privés la notion de rationalité économique est inadaptée pour comprendre certains comportements observés sur les marchés. De ce fait, l’Etat doit nécessairement intervenir pour d’abord corriger les défaillances du marché et pour ensuite assurer une meilleure justice sociale. 2. La nécessité de l’intervention étatique Pour corriger les défaillances des marchés Fonctions "indispensables" Fonctions intermediaries Fonctions "interventionnistes" Fournir les biens et services collectifs purs : défense, police, justice, diplomatie... Participer à la production des biens et services ayant de forts effets externes : Éducation, recherche, santé, environnement... Réglementer la concurrence : protection des services d’intérêt collectif, lois antitrust, protection des consommateurs, réglementation des marchés financiers et du marché du travail... Politiques économiques organisant le secteur privé : politiques industrielles, planification, subventions ou taxations... Pour assurer une meilleure justice sociale Garanties minimales : lutte contre la pauvreté, secours aux victimes Protection sociale par un système d’assurances : santé, retraite, famille, chômage... Protection sociale par un système de solidarité : redistribution financée par la fiscalité 2.1 Internalisation des externalités On parle d'externalité (ou effet externe) lorsque l'action de consommation ou de production d'un agent a des conséquences sur le bien être d'au moins un autre agent sans que cette interdépendance soit reconnue par le système de prix, et donc sans donner lieu à compensation monétaire. L'agent émetteur de l'effet externe n'est alors pas conduit à intégrer dans son calcul avantages - coûts la nuisance (en cas d'externalité négative) ou le bénéfice (en cas d'externalité positive) que son comportement engendre pour autrui. S'il n'est pas rémunéré pour sa contribution au bien-être collectif, l'émetteur d'une externalité positive optera pour un niveau d'activité sous-optimal. Inversement, s'il n'a pas à assumer monétairement la pleine responsabilité des dommages qu'il impose, l'émetteur d'une externalité négative (d'une pollution par exemple) choisira un niveau d'activité supérieur au niveau socialement optimal. Puisque l'obstacle posé à l'efficacité du marché résulte des effets hors marché générés par les actions individuelles, le moyen d'y remédier consiste à "internaliser" ces effets. M. AOURAGH/ 2BTS PME-PMI/ ECONOMIE GENERALE 3 CHAPITRE 1 Dans cet esprit, l'intervention publique doit viser à accroître le coût privé de la production ou de la consommation des biens générant des externalités négatives et réduire celui des biens à effets externes positifs. La solution classique au problème des externalités négatives consiste à instaurer une taxe unitaire sur le bien polluant dont le montant soit égal au dommage marginal. Appuyée sur le principe du pollueur - payeur, cette taxe "pigouvienne" (du nom de l'économiste britannique A.C.PIGOU qui l'a préconisée dans les années 20) permet de rétablir la correspondance entre valeurs sociales et valeurs privées. Le remède pigouvien trouve également à s'appliquer dans le cas d'externalités positives telles que celles engendrées par la santé, l'éducation, la recherche, les transports…(il correspond alors à une taxe négative, c'est-à-dire une subvention). Quelques exemples d’externalités négatives 2.2 Fourniture des biens collectifs Un bien est dit collectif, quand sa consommation par un agent ne réduit pas les possibilités de consommation par les autres agents. Autrement dit, il se caractérise par la non - rivalité (ou encore l'indivisibilité) de son usage. Un bien collectif possède donc deux propriétés : la non-exclusion et la non-rivalité. La non-exclusion signifie que personne ne peut être écarté par un mécanisme marchand (un prix) de l’utilisation d’un bien collectif. La non-rivalité signifie que l’usage d’un bien collectif par un agent économique ne nuit en rien à son utilisation par les autres membres de la collectivité. M. AOURAGH/ 2BTS PME-PMI/ ECONOMIE GENERALE 4 CHAPITRE 1 Ainsi, pour reprendre l'exemple standard de l'éclairage urbain, chaque passant d'une rue illuminée consomme l'intégralité de la lumière diffusée, sans pourtant restreindre la consommation des autres passants. D’ailleurs on peut distinguer : Rivalité Non rivalité Exclusion Biens et services privés purs Biens et services mixtes Non exclusion Biens et services mixtes Biens et services collectifs purs Ainsi, la consommation des biens collectifs dits "purs" présente la particularité de ne pouvoir être refusée à quiconque : elle ne peut notamment pas être réservée à ceux qui en auraient payé le prix. Il y a ainsi "non-exculsion" de l'usage. Les usagers ne sont donc pas incités à payer pour un bien qu'ils peuvent consommer gratuitement (la stratégie dominante est celle du "passager clandestin" ou free rider). Face à cette défaillance de l'initiative privée, le recours à l'Etat – et à son pouvoir de coercition – prend la forme de l'instauration d'un impôt destiné à financer la fourniture de biens collectifs, fourniture assurée directement par le secteur public ou déléguée à des entreprises privées. On trouve dans la réalité très peu de biens collectifs purs. Ils renvoient pour l'essentiel aux fonctions régaliennes de l'Etat (sécurité intérieure, défense nationale, justice). En revanche, de très nombreux biens entrent dans la catégorie des biens collectifs "mixtes". Par exemple, l'usage du réseau routier, tout de moins tant que le trafic est faible, est marqué par la caractéristique de non – rivalité. Les péages témoignent de la possibilité de l'exclusion par les prix. Si le marché peut prendre en charge la fourniture de tels biens mixtes, il ne peut pour autant garantir qu'elle se réalise à un niveau socialement optimal. 2.3 Redistribution du revenu et de la richesse L'origine des revenus des individus dans une économie de marché se trouve dans la rémunération des facteurs de production dont les individus sont détenteurs : dans le salaire de leur travail, dans les intérêts et dividendes de leur capital. Le montant de chacune de ces catégories de revenus dépend du caractère "productif" des facteurs. En effet, leurs prix se forment en fonction de leur productivité. Aussi, celui qui détient peu de facteurs ou des facteurs de faible productivité ne recevra que de faibles revenus et inversement. Il en résulte, a priori, de grandes différences de revenus. A cela, il faut ajouter les inégalités des chances, des statuts, des pouvoirs que l'on peut exercer dans la société. L'ensemble de ces éléments provoquent des inégalités jugées parfois socialement inacceptables et l'Etat se voit confier, par voie de votes démocratiques, le rôle d'atténuer les injustices "primaires". Dés lors apparaît nettement la différence entre les notions d'équité et d'efficacité. Si l'économie politique affirme que le système des marchés réalise dans une certaine mesure l'efficacité économique, elle admet généralement qu'il n'en est pas de même sur le plan de l'équité : les interventions redistributives de l'Etat combleraient cette lacune. La redistribution des revenus par l'Etat s'exerce par l'impôt direct et les transferts : M. AOURAGH/ 2BTS PME-PMI/ ECONOMIE GENERALE 5 CHAPITRE 1 - - Au-delà d'un seuil minimal (définissant l'exonération des contribuables), la progressivité de l'impôt direct permet de prélever plus aux plus riches. Le produit de ces prélèvement, augmenté des autres impôts, permet à l'Etat de financer les transferts à ceux qui en ont besoin : allocation diverses mais aussi subventions aux organismes de sécurité sociale… De plus, certaines activités, tout en bénéficiant à tous, aident plus particulièrement les moins fortunés : éducation gratuite, accès à la santé, à la culture, etc. M. AOURAGH/ 2BTS PME-PMI/ ECONOMIE GENERALE 6