Ou placer les conduites addictives dans la dimension de la

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La prise en charge des conduites addictives dans le cadre de la santé mentale au
travail ?
Psychologue du travail de métier j’aimerais savoir comment il est possible de se
positionner dans le cadre des RPS et du lien entre travail et conduites addicitves.
Mon métier consiste à intervenir dans le cadre du milieu de travail dans le domaine
de la prévention mais aussi dans une démarche de clinique de l’activité où il est pris
en considération la dimension de l’activité c'est-à-dire le lien qui relie le sujet à sa
tâche car il ne suffit pas d’établir une causalité entre travail et santé. Yves Clot 1
précise « que le travail ne peut être confondu avec la tâche prescrite que par naïveté
sociale ». En effet, le sujet va au-delà de ce qui lui est demandé dans une tâche ; il
fait différemment pour parvenir à se reconnaître dans ce qu’il fait. Notre rôle dans ce
cas est de mettre en débat les modalités du métier entre professionnels. Ceci permet
de découvrir les gestes de métier qui sont finalement incorporés. Ainsi les manières
de faire deviennent discutables entre collègues de travail afin de découvrir de
nouvelles manières d’agir. En psychodynamique du travail il s’agira davantage
d’apporter des éléments de compréhension face à un sujet en souffrance. Pour ce
faire nous prenons en considération la souffrance du sujet, les stratégies collectives
de défense et la reconnaissance. La défense permet au sujet de se protéger de la
souffrance psychique engendrée par les effets délétères du travail sur la santé
mentale.
Par rapport à ces différentes manières d’intervenir il me semble aussi intéressant de
pouvoir s’interroger sur le rôle du psychologue du travail en lieu de soin. Quel serait
son rôle et sa manière d’intervenir dans l’après coup ? Quand il y a eu souffrance,
quand il y a encore souffrance, quand le sujet a été dépendant à un produit, quand il
ne parvient plus à aller travailler, quand il ne parvient plus à faire face à la situation
de travail…
Dans certains cas il peut exister un lien entre travail et conduite addictive alors je me
propose de réfléchir au pourquoi de cette rencontre hors milieu de travail ; j’entends
ici à l’extérieur du travail puisque le sujet est en soin mais je viens bien questionner
le rapport entre travail et conduites addictives. Pourquoi faire cela hors travail me
direz-vous ? Et bien tout simplement parce que la question n’est pas toujours posée
au travail alors que des patients arrivent en soin avec cette problématique. C’est
donc bien qu’elle existe mais pourquoi elle n’est pas traitée en milieu de travail. Il y a
plusieurs réponses à cette question. Tout d’abord le travail n’est pas un lieu de soin,
tous les employeurs ne vont pas poser la question à leurs salariés du pourquoi de
leur mal être ; certains peuvent l’attribuer davantage aux situations personnelles que
professionnelles ; d’autres ne se posent pas la question du tout ; puis certains tentent
une prise en compte des RPS rendus obligatoires pour les grandes entreprises et
enfin les petites et très petites entreprises n’ont ni médecin du travail, ni CHSCT en
interne.
Le sujet des RPS est un sujet délicat car lié à des obligations (pas toujours tenues) ;
sujet critiqué, controversé qui selon moi ne se limite pas au stress. Alors comment
est-il possible d’intervenir en situation de soin ?
1
Yves CLOT, Nouvelle revue de psychosociologie, n°10, p. 42, 2010.
1
Les récentes réflexions sur les risques psychosociaux nous éclairent sur cette
question notamment le rapport d’octobre 2009 de la DARES2 sur les indicateurs
provisoires de facteurs de risques psychosociaux au travail.
La littérature épidémiologique fournit des éléments convaincants sur les effets des
facteurs de risque psychosociaux au travail sur la santé. Les mécanismes
étiologiques susceptibles d’expliquer l’association entre les facteurs psychosociaux
et des indicateurs de santé notamment cardiovasculaire relèvent des effets des
stresseurs de type psychosocial. Ceux-ci conduisent à l’augmentation de la sécrétion
de certaines hormones, ou encore à l’augmentation de la tension artérielle
(mécanismes directs), et aussi éventuellement à des modifications de certains
comportements dits à risque comme les consommations de tabac ou d’alcool
(mécanismes indirects). Cette littérature a notamment souligné leurs effets
importants sur les maladies cardiovasculaires, les problèmes de santé mentale et les
troubles musculo-squelettiques. Les études ont montré un accroissement du risque
de ces pathologies pouvant atteindre 50 à 100 % en cas d’exposition aux facteurs
psychosociaux au travail. Or ces trois domaines de santé constituent des enjeux
majeurs en termes de santé publique.
Dans ce même rapport on peut trouver les six indicateurs retenus à ce jour pour
tenter de montrer les effets des facteurs de risques psychosociaux sur la santé. Il est
a noté que ces facteurs psychosociaux viennent modifier certains comportements
dits à risques comme les consommations d’alcool ou de tabac.
Le collège d’expertise a retenu à titre provisoire six dimensions de risques à
caractère psychosocial : les exigences du travail, la charge émotionnelle, l’autonomie
et les marges de manoeuvre, les rapports sociaux et relations de travail, les conflits
de valeur et l’insécurité socio-économique. Chacune de ces six dimensions fait cidessous l’objet d’un examen plus détaillé.
Certaines personnes présentent une dépendance à une ou plusieurs substances.
Cette dépendance est liée à l’environnement, un produit et l’individu. En effet si on se
réfère au modèle bio-psycho-social élaboré par Engel puis au triangle multifactoriel
décrit par Claude Olivenstein qui permet d’appréhender la consommation de produit
à la fois de l’individu qui consomme et de ses caractéristiques personnelles, de la
nature du produit et enfin du contexte dans lequel cette consommation a lieu.
L’analyse circulaire de ces facteurs permet de mieux comprendre le consommateur.
Ce triangle permet de déterminer si le consommateur est un consommateur à risque
ou pas. Il aide également à définir le sens que peut avoir la consommation. Le
consommateur est-il plutôt dans une consommation expérimentale, auto
thérapeutique, festive ou toxicomaniaque ?
Il sera repris ensuite par Marc Valleur & Jean Claude Matysiak3. Elle permet de se
repérer par rapport à un phénomène complexe à la fois multiaxial et multivarié.
Multiaxial parce que chacun des trois pôles et l’interaction entre eux donne lieu à des
approches théoriques particulières chaque angle et chaque ligne correspondent à
2
Michel GOLLAC, Rapport DARES, Indicateurs Provisoires de facteurs de risques psychosociaux au travail.
2009
3
Marc VALEUR & J.C. MATYSIAK. Les addictions. Panorama clinique, modèles explicatifs, débat social et
prise en charge. Paris : Armand Colin. 2008.
2
des disciplines différentes. Multivarié parce que selon chaque cas le sujet est un cas
particulier, à considérer à un moment de son existence.
Ce mémoire s’attachera à étudier l’individu dans son rapport au travail - même s’il
peut en être sorti pour un temps puisqu’il est en soin - et à une substance tel que
l’alcool. Je me propose de tenter de montrer comment ces personnes ont rencontré
« le produit » ainsi que leur vécu. En d’autres termes j’aimerai montrer quel est le lien
avec le travail que ces personnes entretiennent ou entretenaient et quel rapport elles
ont aux conduites addictives. Pour le dire autrement, quel est lien que le sujet addict
entretient avec l’objet « travail ».
Des études ont montré que le travail pouvait être l’objet d’une addiction. Le travail
peut aussi être ce qui permet à l’individu de ne pas tomber dans l’addiction.
L’addiction à une substance peut permettre de « tenir au travail », ou le travail
permet de ne pas sombrer dans une conduite addictive. Dans son livre Astrid
Fontaine4 fait une description d’une dizaine de cas de personne exerçant des métiers
différents et ayant tous un rapport à une conduite addictive en milieu de travail. Elle
note une ambivalence du rapport entretenu avec l’activité professionnelle, la drogue
avec leur inscription dans la société.
Dans le groupe de souffrance au travail tenu pas Madame Penneau on voit que le
sujet tente une reconstruction après les soins, comment l’envisager, comment la
mettre en œuvre ?… Comment convoquer la reconnaissance en ce domaine ?
Mon but est d’identifier l’objet des conduites addictives chez le sujet afin, d’envisager
une meilleure prévention, prise en charge et suivi en ce domaine. Enfin, il serait
intéressant de pouvoir ouvrir quelques pistes sur ce que ces personnes auraient
souhaité voir se mettre en place entre les différents acteurs de l’entreprise et le
médecin du travail.
Méthodologie
Pour ce travail de mémoire j’envisage de rencontrer patients et professionnels de la
santé.
Les entretiens avec les professionnels me permettront de cibler les patients ayant
une conduite addictive en lien avec le travail. Ces entretiens me permettront de
recueillir leur avis sur la question qui me préoccupe.
Pour la réalisation de ce travail de mémoire je réaliserai des entretiens individuels car
ils me permettront de retracer le récit de vie des patients. Il s’agit d’un élément
important dans la prise en charge du patient addict qui, ne l’oublions pas est un sujet
en souffrance. En effet, le patient addict a toujours de bonne raison de consommer
une substance et c’est à moi d’en déceler les raisons, tout d’abord pour mieux le
comprendre et ainsi mieux lui expliquer ensuite ce qui lui arrive. Il est parfois dans le
déni ou tout simplement dans la non parole. Un événement particulier de sa vie à fait
qu’il s’est tourné vers une addiction. Cet événement n’est pas forcément la cause
réelle de sa dépendance mais il est un élément qui me permettra de progresser dans
la compréhension de son récit de vie parce qu’il me permettra de rebondir sur un
4
Astrid FONTAINE, Double vie, les drogues et le travail. Le Seuil, 2006.
3
autre élément (une séparation avec un proche, perte d’un travail, perte d’un
proche…
).
J’aimerais par la suite réaliser un entretien collectif sur la base du volontariat pour
que les patients échangent autour de la problématique conduite addictive et travail.
Le fait d’échanger des idées peut amener à éclairer certains points discutables entre
eux, ceci leur permettrait aussi de constater qu’ils ne sont pas les seuls dans la
situation où ils se trouvent.
Enfin, je rapprocherai mes entretiens des indicateurs à risques psychosocial pour
faire le lien avec le milieu de travail afin de montrer pour chacun des personnes le
lien entre les conduites addictives et le travail. En d’autres termes, les exigences du
travail, la charge émotionnelle, l’autonomie et les marges de manoeuvre, les rapports
sociaux et relations de travail, les conflits de valeur et l’insécurité socio-économique
se retrouvent t-ils dans les dires du patients ?
Concernant ces indicateurs il me semble important d’établir un questionnaire afin de
faire le lien entre travail et conduites addictives.
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