Chapitre 3 management NRC 2
M. Venchiarutti 2015/2016
II/ LE PROCESSUS DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL
En théorie, les conditions de réussite d’un changement structurel supposent que ce processus soit
anticipé, planifié et collectif. Or, régulièrement, le changement se fait dans un contexte de crise,
ce qui provoque des résistances au sein des entreprises concernées. Un changement de structure
n’est jamais facilement accepté par les différents acteurs de l’entreprise. CROZIER et
FRIEDBERG a montré que les résistances au changement sont légitimes en raison de la divergence
d’intérêts des différents groupes au sein de l’entreprise. En fonction de leurs intérêts, ces
groupes peuvent constituer un frein au changement.
A. Le pouvoir dans les organisations et la résistance aux changements
Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG proposent une méthode empirique pour comprendre le
fonctionnement des organisations. Ils conseillent d’analyser une organisation en se penchant sur
les jeux de pouvoir qui la structurent pour rendre compréhensibles les comportements des
acteurs. On constate alors que l’issue des jeux est relativement imprévisible car les acteurs
s’écartent souvent de manière significative du rôle qu’ils doivent jouer.
Pour le comprendre, il faut faire intervenir la notion de zone d’incertitude. Ces zones
correspondent aux failles dans les règles, aux défaillances techniques, aux pressions économiques
qui empêchent le déroulement des objectifs de l’organisation. Elles ont également une autre
source : les acteurs peuvent avoir intérêt à masquer leurs véritables objectifs afin de conserver
une certaine capacité de négociation. Les règles ne peuvent pas tout prévoir, d’où l’importance de
la structure informelle.
Tout changement requiert des négociations entre la direction et les salariés. CROZIER dénonce le
cercle vicieux bureaucratique qui ajoute toujours plus de règles à la règle afin de compenser les
imperfections des systèmes trop formalisés et montre que, finalement, la règle protège
davantage les individus et affaiblit la hiérarchie en offrant aux acteurs de multiples niches
d’autonomie et d’incertitude stratégiquement utilisables.
B. Les autres formes de blocage aux changements
- Les représentations et prismes des dirigeants : la manière dont les dirigeants se représentent
(c’est-à-dire perçoivent et interprètent) les évolutions internes et externes à l’entreprise ont des
conséquences sur leurs choix en matière de structure.
Ainsi, c’est parce que les dirigeants de Kodak n’ont pas bien analysé ni compris les évolutions de la
demande et de la concurrence dans le domaine du numérique que l’entreprise a perdu sa place de
numéro un mondial sur le marché des appareils photos.
- L’inertie de la culture d’entreprise : le changement structurel est décidé et mené selon la
situation propre à chaque entreprise ; il a donc un caractère contingent.
L’ampleur et l’urgence du changement, les structures des entreprises et les styles de direction ne
sont pas les mêmes dans toutes les entreprises. Certaines entreprises ont des cultures propices
au changement dans les différentes valeurs qu’elles véhiculent (Google, Facebook, etc.).
- Le poids des routines organisationnelles, qui peuvent être définies comme « un système
génératif qui produit des modèles répétitifs et reconnaissables d’actions indépendantes portées
par de multiples participants », est à ce titre intéressant. Les routines représentent en quelque
sorte des programmes d’action qui permettent de « lire » les faits organisationnels et d’y
apporter des réponses (cf. travaux de DOSI). Par leurs caractères stables et répétitifs, les
routines constituent des freins au changement.
- Le poids des succès passés, les habitudes, les rites etc. sont autant d'autres formes de
blocage aux changements