LAMAISONDUCANCER
Mai 2012
Le Bureau : Travail
Des managers face au cancer de leurs salariés
Le cancer touche de plus en plus d'actifs. Dans des milliers d’entreprises, il faut donc
gérer au mieux la cohabitation avec des salariés qui ont aussi le statut de patients. Cet
enjeu concerne directement les ressources humaines et les managers qui manquent
encore d'outils concrets pour y répondre.
Chaque année, 100 000 personnes apprennent qu’elles sont atteintes d’un cancer alors qu’elles travaillent. De
plus, selon l’Institut Curie, 8 salariés sur 10 ayant été touchés par la maladie reprennent un emploi par la suite. Le
constat est simple : le cancer a bel et bien pénétré le monde de l’entreprise et il faut désormais gérer au mieux la
cohabitation entre le statut de patient et celui de salarié. Cet enjeu implique toutes les parties prenantes, aussi
bien le salarié victime du cancer que ses managers, le service des ressources humaines et la direction.
Comment réagir à l’annonce de la maladie d’un salarié ? Quel lien maintenir durant son absence ? A quel rythme
le réintégrer par la suite ? Autant de questions auxquelles il est impossible de donner des réponses toutes faites.
Les situations sont bien différentes d'une entreprise à l'autre, avec, au centre, le degré d'entente entre le manager
et son salarié. Lorsque les relations sont au beau fixe, les choses se passent généralement bien. Cela a été le
cas pour José, chef de service qualité chez Astrium qui encadre une quarantaine de personnes. Lorsque l’un de
ses collaborateurs lui a appris son cancer, en juillet 2008, il a géré cela « de façon humaine, sans se poser plus
de questions que cela ».
« Christophe* fait partie de mon équipe depuis des années, explique-t-il. Il m’a annoncé sa maladie au téléphone,
dès qu’il en a eu connaissance. C’est quelqu’un qui a une grande force de caractère et il a toujours voulu être très
transparent sur la situation, non seulement vis-à-vis de moi, mais aussi de l’équipe. Tout le monde était au
courant ce qui a grandement facilité la situation ».
Bien sûr, au retour de Christophe, José a du faire preuve d'adaptation envers son collègue. D'un point de vue
pratique, par exemple, l'ancien poste de Christophe impliquait une exposition à la poussière tout à fait
incompatible avec son état. « Naturellement, nous lui avons proposé une nouvelle fonction, plus administrative »,
se souvient José. D'un point de vue psychologique également. « Christophe est quelqu'un de très volontaire. J'ai
du lui dire d'y aller un peu mollo quand même. Mais au final, je l'ai laissé gérer à son rythme, en essayant
d'écouter ses envies et ses possibilités ».
Ecouter son collaborateur
L'écoute du salarié, telle serait la clé, selon Nathalie Vallet-Renart, directrice de l'association Entreprise et
Cancer, dont l'objectif est d'apporter des réponses aux DRH et managers désemparés face aux nouveaux enjeux
et impacts du cancer en milieu professionnel. « A partir du moment où l'on apprend la maladie d'un collaborateur,
je conseille toujours aux encadrants de jouer carte sur table, en demandant clairement à la personne concernée
si elle souhaite ou non évoquer sa maladie sur son lieu de travail, si elle veut l'annoncer au reste de l'équipe.
C'est elle qui a les cartes en main, qui doit aussi fixer les limites. ».
Le cancer est encore beaucoup trop tabou dans l'entreprise selon Mme Vallet-Renart. Les discours sont
généralement empreints de compassion et de pitié. Ce qui risque d’enfermer le collaborateur dans la catégorie «
malade ou ancien malade », et non plus dans celle de collègue. Difficile dès lors, pour les collaborateurs comme
pour le patient, de se livrer à des blagues un peu potaches ou de proposer d'aller boire un verre après le travail,
ce qui, en somme, fait le sel de la vie de bureau. La maladie peut même, dans des cas extrêmes, devenir facteur
d'exclusion.
Limiter l’exclusion
Les entreprises sont plus ou moins conscientes de cette nécessité de mettre en place des dispositifs pour faciliter
le maintien de l'employé dans la vie de son entreprise, pour limiter l'exclusion. Certaines imaginent des solutions,
comme à la Macif par exemple où les personnes arrêtées pour longue durée peuvent recevoir régulièrement des
nouvelles de la vie de l’entreprise, des nouveaux projets en cours via des mails ou d’autres outils. « Cela permet
au collaborateur de se sentir moins perdu au retour », explique Michel Gauthier, directeur des ressources
humaines de la Macif Rhône-Alpes.
Autre difficulté pour les managers comme pour les équipes de direction : comprendre que la lutte contre le cancer
est un chemin parfois bien long et que le retour au travail n'est pas forcément synonyme de rémission complète.
Selon Cécile Monthiers, ce point précis des difficultés post-cancer est encore trop peu connu. Elle sait de quoi
elle parle puisque Cécile travaille à la DRH du groupe TF1. Pourtant, après son cancer, on lui a vite fait
comprendre que le mi-temps thérapeutique n’était pas compatible avec sa fonction. « Résultat, j’ai repris à temps
plein et à fond. Les conséquences ne se sont pas fait attendre : au bout de 15 jours, je me suis écroulée en plein
comité d’entreprise ».
Depuis, les choses ont un peu bougé au sein de la direction des ressources humaines du groupe, il y a
davantage de prise de conscience de la part des managers et des collaborateurs mais « rien n’a vraiment été mis
en place d’un point de vue opérationnel, estime cette cadre. « Ce qu’il faudrait, ce serait sensibiliser les
managers, à ce qu’est la fatigue chronique après-cancer. Pourquoi pas à travers une campagne d'affichage
comme on l’a vu pour le handicap ». Autre proposition de Cécile : remettre des plaquettes d’informations aux
patients sur les effets secondaires possibles du cancer, qu’ils pourraient donner directement à leur manager.
Recevoir une formation
Directions des Ressources Humaines comme managers manquent encore d'outils pour faire face efficacement à
ce nouvel enjeu de société. « Je n'ai jamais entendu parler de formation qui concernerait directement le cancer.
Ce serait pourtant très précieux », regrette ainsi Cécile Monthiers. C'est ce rôle que se donne l'association
Entreprise et Cancer nouvellement créée en Rhône-Alpes. Elle propose des sessions de formations destinées
aux responsables RH et aux managers, en lien avec des intervenants experts (oncologues, juristes...). Ils peuvent
ainsi se renseigner sur les différents dispositifs légaux permettant la réintégration d'un salarié (mi-temps
thérapeutique, passage au statut de handicap...) mais aussi se faire accompagner sur la prise en charge
psychologique d'une telle situation. « Par exemple, nous proposons des temps de sensibilisation aux managers
pour mieux prendre en considération de ce qu'est le cancer et ces effets secondaires possibles. Nous les
conseillons également dans leur rapport avec leur collaborateur malade, l'attitude à adopter, le vocabulaire à
utiliser ou non », relate Nathalie Vallet-Renart. Une initiative salutaire qui vient pallier un manque réel dans le
milieu de l'entreprise.
Cécile Cailliez
*Le prénom a été modifié
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