-1- Epileptologie Clinique Pr. P. THOMAS, service de Neurologie

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Epileptologie Clinique
Pr. P. THOMAS, service de Neurologie, C.H.R.U. de NICE
I - DEFINITIONS ET INTRODUCTION
• Les crises d'épilepsie sont des manifestations cliniques paroxystiques (motrices, sensitives,
sensorielles ou psychiques) accompagnées ou non d'une perte de connaissance, liées à une décharge
excessive, paroxystique et hypersynchrone de populations neuronales du cortex cérébral.
• La sémiologie clinique de ces crises dépend de l'origine topographique et de la propagation des
décharges neuronales.
• La maladie épileptique (l”épilepsie” au sens large) est définie par la répétition, chez un même sujet,
de crises épileptiques spontanées.
• Une crise épileptique unique ou la répétition dans le cadre d’une affection cérébrale aiguë, de crises
épileptiques, ne constituent donc pas une maladie épileptique. Il s’agit simplement de crises accidentelles ou
symptomatiques d’un dysfonctionnement transitoire du système nerveux central.
• Bien que les données EEG soient importantes dans le diagnostic des crises d'épilepsie, en aucun cas
le diagnostic ne sera porté sur ces seules données EEG : Il n'y a pas d'épilepsie sans crise clinique. En effet,
les tracés EEG intercritiques peuvent être normaux chez des patients épileptiques, et inversement, des tracés
paroxystiques peuvent se voir chez des sujets normaux ou des malades non épileptiques.
• Le diagnostic de crise épileptique est un diagnostic d'interrogatoire : du patient lui même, des témoins
et/ou de l’observation directe par le médecin des crises.
II - EPIDEMIOLOGIE
• L’épilepsie est la maladie neurologique la plus fréquente. Sa prévalence globale paraît stable autour
de 0,5 à 1% de la population générale. Il existe environ 350 000 épileptiques traités en France (et environ
5000 dans la population des Alpes Maritimes).
• On considérait, classiquement, que les épilepsies débutaient essentiellement dans l'enfance et
l'adolescence : l'incidence de l'épilepsie décroît progressivement après l'âge de 20 ans, mais des études
récentes ont mis en évidence une recrudescence importante des épilepsies chez les sujets âgés avec
remontée spectaculaire de l’incidence de la maladie après 60 ans. On a constaté également que les progrès
médicaux (obstétrique, prévention des maladies infectieuses sévères de l'enfance...) semblent avoir réduit
l'incidence des crises chez le jeune enfant.
III - NOTIONS DE PHYSIOPATHOLOGIE
• Toutes les crises, qu'elles soient partielles ou généralisées, ont une origine corticale. La conception
“centrencéphalique” des crises généralisées, qui attribuait aux centres sous-corticaux, thalamus en particulier, un rôle
clef sans la genèse des décharges paroxystiques bilatérales et symétriques n'a plus qu'un intérêt historique. Ces crises
généralisées auraient probablement leur origine dans les lobes frontaux.
• De nombreuses affections cérébrales ou systémiques peuvent s'accompagner de crises épileptiques ou être à
l'origine d'une épilepsie, quel que soit l'âge. Contrairement à certaines idées reçues, l'épilepsie est rarement héréditaire.
Néanmoins, il existe vraisemblablement une prédisposition génétique aux crises épileptiques, qui peut s'exprimer ou non
selon les facteurs d'environnement ; cette "hérédité" fait l'objet de nombreux travaux actuels, incluant les techniques de
biologie moléculaire.
-2IV - SEMIOLOGIE ELECTRO-CLINIQUE DES CRISES D'EPILEPSIE
1) Généralités
• La Classification Internationaledes Crises Epileptiques (1981) oppose :
1. Les crises généralisées où la décharge paroxystique intéresse simultanément le cortex cérébral
dans son ensemble. La décharge est étendue aux deux hémisphères. Les caractéristiques cliniques de ces
crises ne comportent donc aucun signe pouvant les rattacher à un système anatomique ou fonctionnel
localisé dans un des deux hémisphères. Les manifestations motrices, lorsqu’elles existent sont d’emblée
bilatérales.
Les manifestations EEG critiques sont caractérisées par des décharges de pointes, pointes-ondes, ou
polypointes-ondes bilatérales, synchrones et symétriques sur les 2 hémisphères.
2. Les crises partielles ou focales, où la décharge paroxystique intéresse un secteur limité des
structures corticales : le foyer épileptogène. Les caractéristiques cliniques des crises permettent donc de les
rattacher à l’activation d’une sous-population neuronale localisée à une partie d’un hémisphère. Selon la
localisation initiale et les voies de propagation de ce foyer, on peut donc observer une très grande variété de
crises épileptiques.
Les manifestations EEG critiques sont unilatérales et focales, au moins en tout début de crise. La
décharge focale peut rester focalisée ou embraser une partie ou la totalité d’un hémisphère, voire embraser
l’ensemble des 2 hémisphères, provoquant une généralisation secondaire de la crise. Il faudra donc attribuer
une importance toute particulière au premier signe clinique de la crise (“signal-symptôme” de J.H. Jackson),
qui est d’une grande valeur localisatrice.
Au plan sémiologique, les crises partielles sont divisées en 2 grands groupes :
- crises partielles simples, où il n'existe pas de modification de la conscience ;
- crises partielles complexes, avec altération de la conscience d'emblée, ou à début partiel
simple puis avec altération secondaire de la conscience.
3.Les crises inclassables par absence de renseignements suffisants : les manifestations cliniques sont
par définition transitoires et donc parfois d’analyse difficile si l’on a pas directement assisté aux crises.
2) Crises Généralisées
a) Absences
• Crise de brève durée, caractérisées avant tout par une altération (atténuation ou suspension) de la
conscience: le sujet, souvent un enfant, s'immobilise, les yeux dans le vague, interrompant son activité en
cours, la reprenant dès la fin de la crise. Le début et la fin de la crise sont brutaux. Des facteurs favorisent
nettement la survenue de ce type de crise : baisse de vigilance, émotions, alcalose provoquée par l’
hyperventilation...
• On distingue :
1. Absences typiques (”absences Petit Mal”, terme impropre et périmé) avec 6 variétés
cliniques :
- avec altération isolée de la conscience, résumant intégralement le tableau clinique.
- avec éléments cloniques : où l'altération de conscience s'associe à des myoclonies peu intenses, en
particulier des paupières (à 3 cycles par seconde).
- avec éléments atoniques : perte soudaine du tonus postural, entraînant ou non la chute.
- avec éléments toniques : hypertonie entraînant par exemple une rétropulsion.
- avec éléments automatiques : poursuite plus ou moins adaptée de l'acte en cours, automatismes
gestuels simples.
- avec éléments végétatifs : s’accompagnant de modifications vasomotrices.
La signature EEG des absences typiques est quasi-pathognomonique : décharge bilatérale,
synchrone et symétrique de pointes-ondes à 3 cycles par secondes.
2. Absences atypiques, s’accompagnant :
- d’éléments toniques plus prononcés que dans une absence typique
- d’un début et d’une fin moins brusque ++
Au plan EEG, la décharge de pointes-ondes est plus hétérogène et moins régulière.
b) Crises myocloniques
• Les crises myocloniques sont caractérisées par des secousses musculaires brèves, en éclair,
bilatérales et symétriques, de topographie variable (flexion ou extension aux membres supérieurs, flexion aux
membres inférieurs), d’intensité également variable, pouvant entraîner une chute lorsqu’elle sont intenses.
Ces crises surviennent en l’absence d’altération perceptible de la conscience. Les myoclonies sont le plus
-3souvent isolées mais peuvent se répéter avec rythmicité pendant quelques minutes à plusieurs heures (état
de mal myoclonique).
• L’ EEG s’ accompagne toujours, à l'inverse des myoclonies non épileptiques, de polypointes ondes,
bilatérales, synchrones et plus ou moins symétriques.
c) Crise toniques
• Apanage d'encéphalopathies épileptogènes de l’enfance (syndrome de Lennox-Gastaut en particulier).
• Contraction musculaire soutenue non vibratoire durant quelques secondes à une minute, associée à
une perte ou une altération de la conscience et des troubles végétatifs.
Selon la topographie on distingue :
- crise tonique axiale intéressant les muscles du cou et de l'extrémité céphalique
- crise tonique axorhizomélique qui s'étend aux ceintures
- crise tonique globale intéressant en plus les membres.
• L’EEG s’accompagne en général d’une décharge recrutante (c’est à dire augmentant
progressivement en amplitude alors que la fréquence, initialement très rapide, se ralentit) de polypointes.
d) Crises atoniques
• Apanage d'encéphalopathies épileptogènes de l’enfance (syndrome de Lennox-Gastaut).
• Brèves : “effondrement épileptique” : soit simplement chute de la tête en avant, soit chute massive au
sol lorsque l’ensemble de la musculature posturale est intéressée.
• Prolongées : perte de conscience avec hypotonie généralisée, enfant mou, immobile, inconscient.
• L’EEG s’accompagne d’une décharge de pointes ondes irrégulières et/ou lentes (<2,5 c/s.)
e) Crises cloniques
• Surviennent presque exclusivement chez de jeunes enfants.
• Faites de secousses cloniques généralisées mais souvent asymétriques plus ou moins
progressivement ralenties (comme dans la phase clonique de la crise généralisée). La conscience est abolie
d'emblée.
f) Crise tonicoclonique (“crise Grand Mal”)
• Débute souvent en pleine conscience par une salve de myoclonies massives bilatérales, puis se
déroule en trois phases :
- la phase tonique (de 10 à 20 secondes) : le patient perd brutalement conscience, tout son
corps se contracte, d'abord en flexion puis en extension. Troubles végétatifs importants (tachycardie,
augmentation de la tension artérielle, mydriase, rougeur puis cyanose du visage, hypersécrétion
bronchique...). Progressivement, la tétanisation des muscles devient moins complète conduisant à :
- la phase clonique (environ 30 secondes) où le relâchement intermittent de la contracture
musculaire entraîne des secousses généralisées, brusques, intenses, s'espaçant progressivement, amenant,
après une dernière contracture tonique à
-la phase post-critique avec relâchement musculaire complet pouvant entraîner une perte
d'urine, reprise d’une respiration ample, bruyante (stertor), obnubilation post-critique dont le patient récupère
progressivement avec une confusion post-critique (durant quelques minutes à quelques heures), parfois
accompagnée d’automatismes.
• Le patient est amnésique de la crise.
• Au décours de celle-ci il se plaindra souvent de céphalées et de courbatures (augmentation modérée
des enzymes musculaires, signe “biologique” indirect de la crise).
• La morsure de la langue qui peut survenir au cours des phases toniques ou cloniques et la perte
d'urine sont aléatoires et ne sont en aucun cas spécifique de la nature épileptique de la crise.
• Les meilleurs signes sont :
- stertor ++
- amnésie de la crise
- confusion post-critique avec retour progressif à un niveau de conscience normal.
• Sur le plan EEG :
- A une activité rapide de bas voltage et d'amplitude croissante lors de la phase tonique
(rythme recrutant épileptique)
- Font suite des polypointes ou polypointes ondes progressivement ralenties dans la phase
clonique
- Qui laissent la place à des ondes lentes dans la phase post-critique.
3) Crises partielles
a) Crises partielles simples : sans altération de la conscience
1- Crises
à symptomatologie motrice
-4a) Crise focale motrice ou somato-motrice, : manifestation le plus souvent clonique d'une partie plus ou
moins étendue d'un hémicorps, traduisant une décharge localisée et non propagée du cortex moteur primaire.
b) Crise focale motrice avec marche jacksonienne, (crise Bravais-Jacksonienne) : la crise débute en
une portion limitée d'un membre ou de la face. Puis, la contraction tonique suivie de secousses cloniques
s'étend vers la racine du membre, pouvant ultérieurement intéresser tout l'hémicorps. La décharge
épileptique, unidirectionnelle s'étend progressivement en tache d'huile sur le cortex rolandique tout en y
restant localisé.
c) Crises versives : déviation conjuguée de la tête et des yeux, et parfois du tronc, le plus souvent du
côté opposé à l'hémisphère qui décharge. Leur signification topographique est variable :
- déviation tonique rapide des yeux avec rotation de la tête, et parfois du tronc : mise en jeu de l'aire 8,
- déviation clonique des yeux : d'origine occipitale (“nystagmus épileptique”),
- élévation tonique d'un membre supérieur en abduction, avec déviation de la tête et des yeux du
même côté, si bien que le sujet paraît regarder son poing fermé, avec arrêt de la parole et vocalisation : mise
en jeu de l'AMS (aire motrice supplémentaire).
d) Crises posturales : modification posturale brutale le plus souvent latéralisée (frontale, pariétale).
e) Crises phonatoires : 2 types :
* Arrêt épileptique du langage : crise aphémique ou anarthrique : impossibilité de prononcer un seul mot
: mise en jeu du pied de F3 ou de l'aire motrice supplémentaire (AMS).
* Vocalisation épileptique : répétition rythmique d'une "voyelle" ; crise pallilalique : répétition incoercible
d'un mot ou d'une phrase : crise de l'AMS.
2 - Crises sensitives et sensorielles.
a) Crises somatosensitives : manifestation somesthésique au niveau d'un hémicorps, résultant d'une
décharge au niveau du cortex post-rolandique. Elles peuvent également rester localisées, ou se propager
selon une marche jacksonienne.
b) Crises visuelles : manifestations visuelles élémentaires, transitoires, le plus souvent positives :
phosphènes tel que : lueur, éclairs, points lumineux, étoiles, correspondant à une décharge du lobe occipital
controlatéral (aires 16-17).
c) Crises auditives : manifestations positives diverses (bruits, bourdonnements, sifflements...)
correspondant à une décharge du cortex sensoriel auditif du lobe temporal (T1, zone de Heschl).
d) Crises olfactives où le sujet sent une odeur désagréable qu'il ne peut identifier correspondant à la
mise en jeu de la région frontale postérieure.
e) Crises gustatives : goût amer ou acide, plus rarement salé, par décharge du cortex supra-insulaire au
niveau de l’ opercule rolandique.
f) Crises vertigineuses : sensation giratoire le plus souvent, correspondant à la mise en jeu de la portion
antéro-inférieure du cortex pariétal.
3 - Crises à symptomatologie végétative
• L'expression clinique est très variée :
- digestives : hypersalivation, déglutition, mastication, nausées,
- circulatoires et vasomotrices : palpitation, chaleur, pâleur, rubéfaction,
- énurétiques, respiratoires : plus rares.
• Ces crises sont observées au cours de décharges temporales internes (corne d'Ammon, T5 en
particulier).
4 - Crises à sémiologie psychique: perturbation élective des fonctions supérieures
sans altération associée de la conscience :
a) Crises dysphasiques : avec trouble du langage paroxystique
b) Crises dysmnésiques :
- phénomène de dreamystate : sensations de "déjà vu déjà vécu" ou "jamais vu - jamais vécu" ;
sentiment de familiarité et d'étrangeté ; remémorations paroxystiques de scènes antérieurement vécues
(crises du lobe temporal).
- phénomène de la pensée forcée : idée parasite qui s'impose au patient au début de la crise (crises du
lobe frontal).
c) Crises à symptomatologie instinctivo-affective : le plus souvent sentiment désagréable de peur,
d'anxiété, voire de terreur. Rarement, sensations agréables. Parfois, sensation de soif et de faim.
d) Crises psycho-sensorielles :
- Crises illusionnelles : altération des perceptions réelles intéressant le plus souvent la modalité visuelle
: métamorphoses (rétrécissement ou agrandissement, éloignement ou rapprochement de l'objet, diplopie).)
- Crises hallucinatoires : perception sensorielle sans objet : visuelle : personnage, objet ... (de
complexité variable) ; auditive (musicale ou verbale) ; olfactive ; gustative ; somatognosique (sentiment de
transformation ou de déplacement corporel, membres fantômes).
5 - Formes combinées :
-5En pratique, il est rare qu'une crise se limite à un seul symptôme et, le plus souvent, différents
phénomènes sont combinés. Il importe d'en reconstituer la marche évolutive, reflet de la propagation de la
décharge au niveau cortical.
Comme nous l'avons dit, ces crises peuvent secondairement se généraliser, et la restitution de la phase
initiale, par le patient s'il s'en souvient ou par l'entourage, est capitale pour en affirmer le caractère partiel.
b - Crises partielles complexes : avec altération de la conscience
a) Toutes les crises partielles simples que nous venons d'énumérer peuvent se transformer en crises
partielles complexes si, la décharge se propageant, l’embrasement étendu des structures cérébrales de
voisinage en traîne un trouble secondaire de la conscience .
b) Les crises partielles complexes “proprement dites”
• prennent leur origine soit dans le lobe temporal, soit dans le lobe frontal : l’embrasement unilatéral
d’une de ces deux structures est suffisant pour entraîner un trouble de la conscience.
• débutent d’emblée par une altération d’intensité variable de la conscience, altération
- qui peut rester isolée tout au long de la crise ou
- qui peut s’accompagner d’ automatismes épileptiques, manifestations motrices
eupraxiques ou dyspraxiques dont il existe de nombreuses expressions cliniques :
- automatismes oro-alimentaires (activité de dégustation, mâchonnement, lappement ...)
- automatismes gestuels simples (mouvement des mains, frottement, manipulation d'objet)
- automatismes gestuels complexes (fouiller dans ses poches, déplacer un meuble )
- automatismes verbaux variés, stéréotypés chez un même malade (onomatopées,
exclamations, mots ou fragment de phrase)
- automatismes ambulatoires : critiques (brefs) ou post-critiques (prolongés).
• entraînent toujours une amnésie plus ou moins prononcée de la crise (car il y, par définition, altération
de la conscience)
• se distinguent parfois difficilement des absences typiques, qui sont, à l’inverse des crises partielles
complexes, des crises généralisées. Le terme ancien de “pseudo-absences temporales” est impropre, car il
ne fait qu’aggraver les problèmes de sémantique !
V- DIAGNOSTIC D’UNE CRISE EPILEPTIQUE
A. Diagnostic positif
• Quatre notions sont essentielles :
1 - Ce sont des phénomènes paroxystiques à début et à fin brusques.
2 - Ce sont des phénomènes de durée brève, de l'ordre de quelques secondes à quelques
minutes. Des durées plus prolongées rapportées correspondent le plus souvent à des phénomènes postcritiques, confondus avec la crise.
3 - Ces crises se répètent chez un même sujet, de façon en règle stéréotypée.
4- Une crise épileptique se développe selon une dynamique et selon une progression logique.
• Le diagnostic de crise d'épilepsie est avant tout un diagnostic d'interrogatoire du patient lui même et
des témoins de la crise.
2) Diagnostic différentiel
1 - D'une crise généralisée
a) Syncopes +++
• C’est le diagnostic différentiel essentiel :
- syncope vasovagale, avec son cortège de signes prémonitoires, ses circonstances
particulières de survenue,
- syncopes d'effort, d'un rétrécissement aortique
- syncope de l'hypotension artérielle orthostatique
- syncope par troubles du rythme cardiaque, à début et à fin brusque, avec hypotonie.
• Dans une syncope, le retour à la conscience est immédiat, dés le retour de l’efficacité circulatoire.
• Attention ! Lorsqu’une syncope est suffisamment prolongée, elle peut s’accompagner de phénomènes
toniques et de clonies rendant compte de la souffrance anoxo-ischémique de l’encéphale et pouvant
fortement évoquer une crise convulsive : c’est la syncope convulsivante.
b) Crises hystériques +++, pseudo-convulsives, qui peuvent coexister avec d'authentiques
crises épileptiques, nécessitant parfois pour un diagnostic exact un test d'induction sous placebo.
c) Crises simulées, le sont parfois très bien.
d) Chez l'enfant, le spasme du sanglot provoqué par des contrariétés.
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2 - D’ une crise partielle
a/ motrice :
• Accident ischémique transitoire (AIT). Dans ce cas, le trouble dure plus longtemps.
b/ sensitive :
• AIT,
• Migraine accompagnée,
• Crise de "spasmophilie", touche le côté droit, puis le gauche, contexte anxieux préexistant.
c/ sensorielle, visuelle :
• Migraines ophtalmiques
e/ crises à symptomatologie affective :
• Terreurs nocturnes chez l’enfant
• Etats schizophréniques et dissociatifs chez l’adulte
f/ crises partielles complexes
• Etat dissociatifs schizophréniques
• Ictus amnésique (mais vigilance normale)
• Hystérie
• Attaques de panique (++)
3) Place de l’EEG dans le diagnostic des crises épileptiques
• L'EEG est un examen essentiel pour l’investigation des crises épileptiques:
- Il peut permettre l’enregistrement d'une crise,
- Il peut mettre en évidence des anomalies intercritiques généralisées (pointes-ondes
bilatérales et symétriques) ou focales (pointes, pointes-ondes, pointes lentes, ondes lentes) qu’il faudra
confronter à la sémiologie des crises
- Il peut montrer une activation de ces anomalies pendant le sommeil.
• Mais, en aucun cas (+++) :
- un diagnostic d'épilepsie ne se porte sur un EEG seul. En effet, les anomalies les plus
évocatrices (pointes, pointes-ondes) n'ont pas de caractère spécifique : elles peuvent se rencontrer chez 2 à
3% de sujets non épileptiques.
- un EEG normal n'élimine pas le diagnostic d'épilepsie : ainsi, le tracé intercritique est normal
dans 20% des épilepsies généralisées ; il existe des crises partielles profondes (par exemple intéressant les
structures temporales internes) qui se déroulent sans modifier le tracé EEG enregistré en surface.
• (Voir annexe iconographique).
VI - CLASSIFICATION DES SYNDROMES EPILEPTIQUES
1) Généralités
• Classification récente (1989), essentiellement pratique, adoptée dans le monde entier.
• Les principes de la Classification :
- Regrouper et classer sous la forme de syndromes épileptiques les patients dont les
manifestations correspondent à certaines étiologies et/ou à certaines évolutions.
- Ce qui permet (++):
- d’établir des critères diagnostiques
- de définir une stratégie des examens complémentaires,
- de définir une stratégie thérapeutique,
- de porter un pronostic,
- une certaine homogénéité dans les résultats scientifiques.
• Les bases de la Classification :
1. Prendre en compte les caractéristiques électro-cliniques des crises, opposant :
- Les syndromes épileptiques en relation avec une localisation (focaux, partiels)
- Les syndromes épileptiques généralisés
2. Prendre en compte les facteurs étiologiques présumés du syndrome épileptique concerné, opposant :
- Les épilepsies idiopathiques (“primaires”) qui correspondent à des syndromes âgesdépendants (“maturationnels”), sans cause organique, dont le facteur étiologique unique est une susceptibilité
génétique plus ou moins marquée du cortex cérébral avec seuil épileptogène constitutionnellement abaissé :
“la seule cause possible de l’épilepsie est représentée par une prédisposition génétique” . Ces syndromes
-7épileptiques idiopathiques peuvent être soit généralisés (EGI) : crises généralisées d’emblée, EEG avec
paroxysmes bilatéraux, synchronesou symétriques soit partiels (EPI).
Exemples : épilepsie-absence de l’enfant (EGI), épilepsie à paroxysmes rolandiques (EPI), épilepsie
myoclonique juvénile (EGI).
- Les épilepsies symptomatiques, dues à des lésions cérébrales connues ou suspectées,
fixées et évolutives, ou encore secondaires à des erreurs innées du métabolisme : “il y a une cause
clairement identifiable à l’épilepsie”. Là aussi, ils peuvent être généralisés (EGS) ou partiels (EPS)
Exemples: épilepsie du lobe temporal G par lésion tumorale de ce lobe (EPS); syndrome de LennoxGastaut sur sclérose tubéreuse de Bourneville (EGS).
- Les épilepsies cryptogéniques, dues à des lésions cérébrales certaines, mais dont la
cause précise ne peut être identifiées par les moyens diagnostiques actuels : “il y a certainement une cause
organique et non génétique à l’épilepsie, mais cette cause ne peut clairement être mise en évidence par la
neuroradiologie, les examens biologiques, les biopsies…”.
Exemple : épilepsie du lobe temporal G sans lésion décelable de ce lobe en TDM et IRM; syndrome de
Lennox- Gastaut se développant chez un enfant indemne d’antécédents ou de lésions structurelle du système
nerveux.
• Les rubriques de la Classification. On retrouve donc :
I. Epilepsies et syndromes en relation avec une localisation (focaux, partiels)
A. Idiopathiques
B. Symptomatiques
C. Cryptogéniques
II. Epilepsies et syndromes épileptiques généralisés
A. Idiopathiques
B. Symptomatiques
C. Cryptogéniques
III. Epilepsies et syndromes dont la nature focale ou généralisée n’est pas déterminée
IV. Syndromes spéciaux : crises en relation avec une situation, crise isoléeou état de mal isolé.
2) Epilepsies et syndromes en relation avec une localisation (focaux, partiels)
A. Idiopathiques
+++1. Epilepsie bénigne de l’enfant à pointes centro-temporales, ou épilepsie à
paroxysmes rolandiques
• La plus fréquente et la mieux connue des épilepsie partielles bénignes
• Prédisposition génétique
• Prédominance masculine
• Enfant entre 3 et 13 ans; pic autour de 10 ans
• Guérison totale avant 15 ans
• Crises : rares, brèves, motrices, partielles simples, hémifaciale ou hémicorporelles, parfois associées
à des symptômes sensoriels (paresthésies endobuccales), parfois généralisation secondaire.
• EEG : pointes de haut voltage, région centrale et temporale, activées par le sommeil (++).
• Traitement : Valproate de sodium ou abstention. Jamais de traitement à vie puisque guérit toujours.
B. Symptomatiques
1. Epilepsies lobaires (temporales, frontales, occipitales, pariétales)
+++ a) Epilepsie du lobe temporal :
• La plus fréquente des épilepsies partielle de l’adulte
• Au plan clinique, combinaison variable de
- crises partielles simples : symptômes végétatifs, psychiques, symptômes sensoriels :
olfactifs, auditifs, sensation épigastrique ascendante,
- crises partielles complexes : arrêt moteur puis automatismes oro-alimentaires (surtout),
- crises secondairement généralisées
• En rapport avec (80%) décharges hipocampo-amygdaliennes (gène épigastrique puis CPC) ou (20%)
temporales latérales (CPS à expression psychique ou hallucinatoire, parfois CPC secondaire)
• Etiologies variées : “sclérose incisuraire” hippocampique (séquelle néo ou périnatale), tumeurs,
malformations vasculaires, post-traumatique
-8• EEG : Normal ou pointes, pointes-ondes, ondes lentes temporales unilatérales
• Assez fréquemment résistante à la thérapeutique
++ b) Epilepsie du lobe frontal :
• Les crises se différencient des crises issues du lobe temporal par :
- leur brièveté
- leur fréquence
- leur tendance à la généralisation secondaire rapide
- la fréquence des signes moteurs et des automatismes gestuels
- leur tendance à s’organiser en état de mal.
• EEG : Normal ou pointes, pointes-ondes, ondes lentes frontales uni- ou bilatérales.
c) Les autres épilepsies lobaires (pariétales,occipitales)
• Sont plus rares.
C. Cryptogéniques
Ce groupe diffère du précédent par l’absence d’étiologie démontrable.
3. Epilepsies et syndromes épileptiques généralisés
A. Idiopathiques (suivant l’âge se survenue)
+++ 4. Epilepsie-absence de l’enfant
• “Petit-Mal absence” des anciens auteurs
• Survient chez des enfants normaux, le plus souvent chez des filles (pic entre 6 et 7 ans)
• Forte prédisposition génétique
• Absences très nombreuses (40, 60 par 24 h.), de tout type sauf absences myocloniques
• EEG : décharges de PO à 3 cycles/ sec. sur un fond de tracé normal, provoquées par l’hyperpnée.
• Le traitement de choix est le valproate de sodium, si échec, l’éthosuccimide.
• Evolution variable : Rémission (50% des cas), persistance des absences (10% des cas), apparition de
crises généralisées après la puberté (40% des cas). Adaptation sociale ultérieure assez souvent médiocre
des sujets, même si la guérison survient.
5. Epilepsie-absences de l’adolescent
• Idem mais survient à l’adolescence avec des absences beaucoup plus rares et parfois des crises
tonico-cloniques peu après le réveil.
+++ 6. Epilepsie myoclonique juvénile
• Petit mal impulsif, Petit Mal myoclonique, syndrome de Janz (synonymes anciens)
• Survient chez des adolescents normaux, autour de 15 ans
• Forte prédisposition génétique
• Secousses myocloniques bilatérales, irrégulières, prédominant au niveau des membres supérieurs,
parfois avec chute sans trouble de la conscience, survenant le matin au réveil, surtout dans un contexte de
manque de sommeil. Crises généralisées très souvent associées mais rares dans leur fréquence.
• EEG : décharges de polypointes-ondes sur un fond de tracé normal. Photosensibilité ++.
• Le traitement de choix est le valproate de sodium, mais les rechutes sont inévitables dès l’arrêt du
traitement.
++ 7. Epilepsie à crise Grand Mal du réveil
• Début chez l’adolescent
• Crises tonico-cloniques généralisées survenant dans 90% des cas peu après le réveil, favorisées par
la privation de sommeil.
• EEG : paroxysmes bilatéraux, synchrones et symétriques.
B. Cryptogéniques ou symptomatiques
VII - ETIOLOGIE DES EPILEPSIES
• Les facteurs étiologiques dépendent de l’âge du malade. Ils demeurent fréquemment inconnus.
• Chez les enfants et les adolescents, les épilepsies généralisées ou partielles idiopathiques dominent
largement les étiologies.
-9• Chez l’adulte, on retrouve quelques patients (<20%) qui présentent une épilepsie généralisée
idiopathique ayant débuté dans l’enfance ou l’adolescence et n’ayant pas guéri. Cependant, la plupart des
malades présentent une épilepsie partielle symptomatique ou cryptogénique.
• Certaines étiologies sont en pratique quotidienne des causes fréquentes d’épilepsie de l’adulte :
- Epilepsie tumorale : (10% des épilepsies de l'adulte) : justifie la pratique obligatoire d'un
scanner X devant toute épilepsie débutant chez l'adulte, à la recherche d'une tumeur cérébrale.
- Epilepsie post-traumatique : Après traumatisme crânien grave et/ou pénétrant : embarrure
ou plaie cranio-cérébrale, contusion cérébrale, traumatisme suivi d’un coma prolongé… Jamais après
traumatisme crânien bénin, sans fracture, avec perte de connaissance brève. C’est un des diagnostics les
plus facile à éliminer, mais aussi un des plus souvent porté à tort!
- Epilepsie alcoolique : L’alcoolisme chronique peut conduire à une épilepsie dont l'expression
clinique est le plus souvent tonico-clonique généralisée, dont le pronostic est lié à la poursuite ou non de
l'intoxication, mais qui ne cède pas nécessairement à son arrêt.
- Epilepsies vasculaires : Elles peuvent être dues à une malformations vasculaires
(malformation artério-veineuse, en particulier), ou être séquellaire d’une cicatrice post-ischémique ou posthémorragique. Elles sont très fréquentes chez le sujet âgé.
- Causes infectieuses : La cicatrice des abcès cérébraux est très épileptogène.
BIBLIOGRAPHIE :
Thomas P. Arzimanoglou A. Epilepsies. Abrégés de Médecine, Troisième édition, Masson 2003
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