LIDC 2008
Question B: Dans quelles circonstances et dans quelle mesure l’obligation positive de
fourniture d’informations devrait-elle être imposée aux annonceurs par une réglementation ?
Rapporteur International : Antonina Bakardjieva Engelbrekt, maître de conférence, Faculté de
Droit de l’Université de Stockholm
Historique
Le présent rapport est basé sur des rapports nationaux soumis par les groupes de travail et
rapporteurs nationaux énumérés dans le tableau ci-dessous. Je souhaiterais remercier ces
groupes de travail et rapporteurs pour leur travail exhaustif de grande qualité. Il va sans dire
que j’assume toute la responsabilien cas de perception ou de représentation erronées des
informations contenues dans les rapports nationaux.
Autriche
Rainer Schultes
Belgique
Louise Depuydt
République
Tchèque
Vlastislav Kusák
France
Charlotte Dekeyser, Charlotte Grass, François Laforgue, Joffrey Sigrist et
Erwann Mingam
Allemagne
Prof. Dr. Helmut Köhler
Hongrie
Dr. Judit Firniksz (rapporteur national)
Membres du groupe de travail : Dr. Gusztáv Bacher, Dr. Vilmos Bacher,
Dr. Virág Balogh, Dr. Rita Bárdos, Dr. Réka Berekméri-Varró, Dr. Csilla
Dékány, Dr. Krisztina Grimm, Dr. Zoltán Hegymegi-Barakonyi, Dr.
Dániel Kelemen, Dr. Gábor Kordoványi, Dr. Péter Mezei, Dr. János
Stadler, Dr. Judit Zsolnay
Italie
Dott. Sacha Martorana
Espagne
Enrique Armijo Chávarri
Suisse
Christophe Rapin et Christophe Pétermann,
RU
Petra Nemeckova
2
Introduction
A première vue, l’imposition aux annonceurs d’une obligation positive de fourniture
d’informations semble être une question simple d’ordre technique. Elle renvoie à de longues
spécifications figurant habituellement dans des statuts administratifs particuliers, que peu
d’avocats sont enclins à lire et à interpréter. Or, derrière la technicité se cache un aspect
réglementaire d’une grande importance, et d’une complexité juridique considérable.
Avec l’avènement du consumérisme dans les années 60 et 70 et la reconnaissance de la
protection des consommateurs comme une politique à part entière, le droit à l’information des
consommateurs figure parmi les priorités des gouvernements des pays industrialisés du monde
entier. Dans la liste des droits des consommateurs proclamés lors du fameux discours sur la
protection des intérêts des consommateurs prononcé par le président américain John F.
Kennedy devant le Congrès le 15 mars 1962, le droit à l’information arrivait en seconde
position, juste derrière le droit à la sécurité. Ce discours a trouvé un écho dans les documents
politiques en Europe, parmi lesquels la Charte des Consommateurs de l’Assemblée
Consultative du Conseil de l’Europe de 1973 et le Premier Programme Préliminaire de la CEE
pour la Politique de Protection et d’Information des Consommateurs de 1975.
L’imposition d’une obligation d’information positive était considérée comme un instrument
majeur de la politique d’information des consommateurs ainsi que comme un moyen
économique de compenser les défaillances des marchés en matière d’information.
L’obligation d’information semble séduire les gislateurs, car elle est moins importune que
les interdictions de produits et de mises sur le marché, et leur application est relativement
simple et précise. La justice européenne a souvent favorisé l’imposition d’obligations
d’information, car elle la considère comme un moyen plus acceptable et davantage conforme
aux marchés de pondre aux préoccupations nationales concernant la santé et la sécurité des
consommateurs ainsi que le risque environnemental, qui ne compromette pas l’objectif d’un
marché commun opérationnel.
1
Mais l’obligation d’information a un coût. Pour l’entreprise, la conformité à une telle
obligation implique de modifier le conditionnement et les stratégies de communication, et de
se priver éventuellement de médias plus efficaces pour leur communication internationale.
Pour les consommateurs, un excès d’information peut être perçu comme onéreux et contre-
productif. Par ailleurs, l’obligation d’information en tant qu’instrument politique peut avoir
pour effet de déléguer l’évaluation des risques aux consommateurs, qui n’ont pas toujours les
connaissances nécessaires pour interpréter des informations sur les produits complexes et
abondantes. Je reviendrai à ces arguments à la fin du rapport. Pour l’instant, je veux
seulement indiquer que le fait de choisir les circonstances d’imposition de l’obligation
d’information n’est pas une affaire simple, mais nécessite un examen minutieux et une prise
de décision politique réfléchie.
Légalement, l’obligation d’information positive se révèle d’une très grande complexité car
elle n’entre pas aisément dans des catégories légales préétablies et recoupe souvent diverses
disciplines juridiques et non juridiques. L’analyse comparative est souvent ardue car les
différents pays choisissent une approche à partir d’angles différents, aboutissant ainsi à des
classifications très éloignées. Les règles de communication obligatoire d’informations
1
Affaire C-120/78 REWE contre Bundesmonopolverwaltung für Branntwein (‘Cassis de Dijon’) [1979] ECR
649; Affaire C-178/84 Commission contre Allemagne (pureté de la bière) [1987] ECR 1227; Affaire C-261/81
Walther Rau [1982] ECR 3961.
3
peuvent être ainsi contenues dans le droit de la consommation, le droit pénal, les lois contre la
concurrence déloyale et le droit civil général, avec des répercussions sur les modes
d’application et les acteurs concernés. Il faut néanmoins rappeler que la question formulée par
la Ligue est limitée aux obligations d’information imposées aux annonceurs, et porte sur les
obligations devant être exécutées durant le processus de communication au marché et les
relations précontractuelles.
Il convient de ne pas oublier que la réglementation de la publicité s’étend généralement sur
diverses lois de nature générale, horizontale et verticale. Le tableau non exhaustif des lois
nationales de nature horizontale ci-dessous apporte quelques éclaircissements.
Autriche
Loi contre la concurrence déloyale de 1984 (Budesgesetz gegen den unlauteren
Wettbewerb)
Loi pour la protection des consommateurs (Konsumentenschutzgesetz)
Belgique
Loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques commerciales et sur l’information et la protection
du consommateur
Code Civil belge
République
Tchèque
Loi n° 634/1992 sur la protection des consommateurs, amendée par la loi n° 36/2008
Loi n° 40/1995 sur la réglementation de la publicité, amendée par la loi N° 36/2008
Danemark
Loi sur le marketing du 20 décembre 2006
France
Code de la consommation
Code civil français
Allemagne
Loi contre la concurrence déloyale de 2004 (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb,
UWG)
Hongrie
Loi XLVII de 2008 sur l’interdiction des pratiques commerciales déloyales entre
entreprises
Loi CLV de 1997 sur la protection des consommateurs
Loi LVII de 1996 sur l’interdiction des pratiques commerciales déloyales et restrictives
(Loi sur la concurrence)
Loi XLVIII de 2008 sur les conditions essentielles de l’activité publicitaire des
entreprises
Loi IV de 1959 sur le Code Civil (Code Civil)
Italie
Décret législatif N° 206 du 6 septembre 2005 sur un Code de la Consommation, amendé
par le Décret Législatif N° 146 du 2 août 2007 (Codice del consumo).
Espagne
Loi générale sur la publicité 34/88
Loi sur la protection des consommateurs
Loi sur la concurrence déloyale 32/88
Suède
Loi sur les pratiques commerciales de 2008 (SFS 2008: 468)
Suisse
Loi fédérale contre la concurrence déloyale, LCD
Ordonnance fédérale sur l’indication des prix, OIP
Loi fédérale sur l’information des consommatrices et des consommateurs, LIC
RU
Réglementations sur la protection des consommateurs face aux pratiques commerciales
déloyales (Consumer Protection from Unfair Trading Regulations) de 2008
Réglementations sur la protection des entreprises contre les pratiques commerciales
trompeuses (Business Protection from Misleading Marketing Regulations) de 2008
Réglementations sur le contrôle des publicités trompeuses de 1998 (CMAR) (abrogées)
Codes publicitaires (Codes AS) de l’Advertising Standards Authority (ASA)
4
Le rapport cherche à décrire la situation juridique dans les pays pour lesquels un rapport
national a été soumis, mais doit inévitablement traiter des développements juridiques au
niveau de l’Union Européenne. A l’exception de la Suisse, tous les pays ayant soumis un
rapport national sur cette question sont membres de l’Union Européenne. Il importe de
souligner que le rapport a été digé depuis le tout début pendant une importante réforme des
lois des pays membres de l’Union Européenne dans ce domaine. Comme chacun sait, la
Communauté Européenne a adopté le 11 mai 2005 la Directive 2005/29/EC du Parlement
Européen et du Conseil concernant les pratiques commerciales déloyales entre entreprises et
consommateurs sur le marché interne (‘Unfair Commercial Practices Directive’, ci-après
dénommée UCPD). Cette Directive git les pratiques publicitaires et commerciales en
général. Elle introduit des obligations d’information d’une grande portée, et revêt donc une
importance essentielle pour le présent rapport.
Le présent rapport a pour objet de démêler cette réglementation complexe et d’analyser de
manière critique les principales tendances du changement législatif et institutionnel généré par
l’harmonisation européenne. Dans un premier temps, il passera en revue la situation des pays
ayant soumis des rapports nationaux avant la transposition de la Directive. Puis il présentera
les dispositions pertinentes de la Directive ainsi que la façon dont celle-ci est mise en oeuvre
dans chaque législation nationale. Enfin, il exposera les avantages et inconvénients des
obligations d’information, en règle générale et dans le contexte de l’UCPD. Bien que ce
rapport se focalise principalement sur les développements au niveau européen, nous espérons
qu’il fournira matière à réflexion pour les législateurs et parties prenantes dans des pays hors
de l’UE.
1. Obligation positive de fourniture d’informations imposée aux annonceurs
Le présent rapport établit une distinction entre une obligation positive et gative de
fourniture d’informations aux consommateurs. Tandis qu’une obligation positive exige d’une
manière affirmative la communication d’informations importantes aux consommateurs, une
obligation négative implique généralement qu’en cas de manquement à fournir des
informations importantes, la publicité pourrait être considérée comme trompeuse ou
déloyale.
2
Cette distinction est, avouons-le, quelque peu artificielle. La doctrine gale et les
travaux préparatoires aux niveaux européen et national suggèrent que nous devons nous
accommoder de deux concepts sosies.
3
Dans certains rapports nationaux, l’interdiction de
toute publicité trompeuse par omission est qualifiée d’obligation d’information positive
(rapports autrichien et belge). Par conséquent, de nombreux rapporteurs nationaux considèrent
que l’UCPD impose une obligation d’information positive (voir les rapports nationaux pour
l’Autriche, l’Allemagne, la Hongrie et l’Italie).
Certes, l’approche exhaustive de la tromperie par omission de l’UCPD, et en particulier
l’énumération des informations devant être fournies dans le cas d’une ‘invitation d’achat’, est
très proche d’une obligation d’information positive. Mais dans un souci de clarté, compte-
tenu de la nature comparative de la présente analyse, je préfère m’en tenir à cette distinction,
afin de pouvoir appréhender la diversité des approches vis-à-vis de l’obligation d’information,
dans une perspective historique et transnationale.
2
Voir Schulze/Schulte-lke, Analysis of National Fairness Laws Aimed at Protecting Consumers in Relation
to Commercial Practices, 2003, Etude pour la Commission Européenne.
3
Voir Enquête du gouvernement sudéois sur les pratiques commerciales déloyales (SOU 2006: Otillbörliga
affärsmetoder., projet de loi gouvnernemental 2007/08: 115, Rapport de la Commission Législative.
5
a. Obligation positive de nature générale
Une obligation positive générale imposant aux annonceurs de fournir des informations
pertinentes aux consommateurs est chose rare. Si la publicité répond à une définition large de
manière à englober toutes les communications commerciales, y compris la promotion des
marques, il paraît difficile d’exiger que toutes les publicités contiennent des informations
essentielles pour les consommateurs (voir rapport belge). Une telle obligation impliquerait en
effet l’interdiction de campagnes publicitaires visant à promouvoir une marque plutôt qu’à
informer les consommateurs. Par conséquent, peu de pays imposent une obligation
d’information générale à la publicité en tant que telle.
En Europe, l’obligation de fournir des informations dans le cadre de la publicité et du
marketing la plus précoce et la plus étendue est probablement celle stipulée dans la loi
suédoise sur les pratiques commerciales de 1975, puis dans la loi marketing (MFL) de 1995
(abrogée par la loi MFL de 2008). La loi imposait cette obligation parallèlement à l’obligation
de bonnes pratiques commerciales (Art. 4(2) MFL (1995:450) et stipulait :
Dans leur marketing, les entreprises devront fournir des informations revêtant une
importance particulière pour les consommateurs.
Cette règle était limitée aux seules relations entre entreprises et consommateurs et visait à
améliorer le flux positif d’informations importantes pour les consommateurs. L’obligation
d’information était remarquable dans le sens où elle s’étendait à la totalité du marketing et ne
spécifiait aucune limitation (expresse) concernant des produits, circonstances, ou médias
spécifiques. Cependant, on reconnaissait certaines limitations dans la pratique.
4
L’obligation
d’information était étoffée par les directives émises par le Conseil national de la
consommation ainsi que par la jurisprudence. Ces directives précisaient les informations
devant être fournies dans certaines transactions, parmi lesquelles les ventes de voitures
d’occasion, d’essence, etc. Une information d’obligation positive de nature générale et
horizontale (applicable sans distinction de secteur d’activité, de type de produits ou de
médias) existe également en Norvège. Dans les autres pays nordiques, l’obligation
d’information positive est limitée aux offres de vente (Danemark), ou à certains aspects des
produits liés à la santé et à la sécurité (Finlande).
On retrouve des obligations d’information positives générales et relativement étendues dans
certains codes et lois sur la consommation récemment promulgués dans des pays
nouvellement membres de la CEE, en partie dans le but d’offrir une meilleure protection des
consommateurs, conformément aux exigences de l’UE. Une obligation d’information positive
est par exemple contenue dans la Section IV de la loi hongroise sur la protection des
consommateurs, et en particulier dans l’Article 8, qui impose aux négociants une obligation
positive générale de fourniture d’informations aux consommateurs. Une obligation
d’information étendue a été également imposée dans l’Article 9 de la loi sur la consommation
tchèque. Ces obligations s’adressent néanmoins principalement aux vendeurs et non aux
annonceurs. Elles n’ont pas été suivies par des instruments de mise en application efficaces, et
sont largement restées lettre morte. (rapport tchèque)
b. Obligation positive limitée à l’invitation d’achat (offres de vente)
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Par exemple, les informations sur les prix étaient considérées comme obligatoires en vertu de cette disposition
uniquement dans le cas de la commercialisation d’un produit spécifique, et non dans celui de la promotion
générale d’une activité commerciale. Voir MD 1981:5 McDonald’s.
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