Next: 8. The Ligand Gated Up: No Title Previous: 6. Abréviations utilisées Sous-sections 7.1 Génétique et biologie moléculaire des sous-unités du nAChR 7.2 Structure quaternaire et pharmacologie des nAChRs 7.3 Distribution du nAChR et régulation de l'expression des sous-unités o 7.3.1 ARN messager codant pour les sous-unités o 7.3.2 Sous-unité protéique o 7.3.3 Sites de liaison fonctionnels o 7.3.4 Récepteurs identifiés o 7.3.5 Régulation de l'expression 7.4 Physiologie des nAChRs 7.5 Implication des nAChRs en comportement et pathologie 7.6 Conclusion 7. Les récepteurs nicotiniques neuronaux de l'acétylcholine Il est maintenant bien établi que le composant addictif principal du tabac est la nicotine. Cet alcaloïde est actif chez l'homme car il mime l'action d'une molécule endogène, l'acétylcholine (ACh) et interfère avec des processus physiologiques. La nicotine agit comme agoniste sur l'un des deux types de récepteur de l'ACh, appelé pour cette raison récepteur nicotinique de l'acétylcholine (nAChR). Ces récepteurs appartiennent à la superfamille des canaux ioniques activés par des ligands (ligand-gated ion channels ou LGIC) [60,122] engagés dans les réponses rapides aux neurotransmetteurs (voir le chapitre 8). Les nAChRs constituent une famille de protéines transmembranaires pentamériques (Figure 7.1) formant un canal ionique à travers la membrane plasmique dont l'ouverture est provoquée par un ligand endogène (comme l'acétylcholine) ou par des substances exogènes (comme la nicotine). Les nAChRs sont présents à travers tout le règne animal. Dans cette thèse toutefois, je me focaliserai sur les nAChRs des mammifères, et particulièrement sur les nAChRs des rongeurs, qui sont de loin les mieux caractérisés. Figure : 7.1 Structure du nAChR. A gauche, structure 3D schématique. Le récepteur est ancré dans la membrane au niveau de la constriction. Au centre, topologie transmembranaire d'une sous-unité. TM2, coloré en noir, longe le pore. A droite, vue transversale du récepteur, montrant la position du site de liaison de l'ACh. A, B, C forment le composant principal, D, E, F forment le composant complémentaire. 7.1 Génétique et biologie moléculaire des sous-unités du nAChR La transmission nicotinique à la jonction neuro-musculaire fut le tout premier modèle de transmission nerveuse étudiée [21] et le nAChR a été le premier récepteur de << signalement >> identifié comme tel [181]. L'existence de nAChRs différents dans le muscle et les neurones est connue depuis un demi-siècle [248]. La diversité pharmacologique des récepteurs neuronaux eux-mêmes a été révélée plus récemment, encore que bien avant les études de biologie moléculaire [249]. Les études biochimiques, réalisées chez la torpille et le gymnote dans les années 70, ont permis de purifier le nAChR [47] et de découvrir que c'était une protéine pentamérique formée de quatre sous-unités différentes [344]. Elles ont été nommées , , , , selon leur poids moléculaire. Plus tard, une autre sous-unité a été découverte, remplaçant dans le muscle mature des tétrapodes. Elle fut appelée (sic). Pour une revue << historique >> on peut voir [43]. Les méthodes de clonage moléculaire ont révélé l'existence de gènes homologues codant les sous-unités du nAChR du système nerveux des osteichthiens [65], revue dans [184] [Figure 7.2]. Figure 7.2 : Alignement de toutes les séquences de sous-unités humaines. L'alignement a été réalisé avec CLUSTALW[317]. En orange sont figurés les acides aminés appartenant au composant principal du site de liaison. En bleu sont figurés les acides aminés appartenant au composant complémentaire du site de liaison. Les cadres rouges encerclent le peptide signal et les segments transmembranaires. Ces derniers ont été prédis par TMpred. Ce service est disponible en ligne sur le WorlWide Web à l'URL: http://ulrec3.unil.ch/software/TMPRED_form.html Chez les vertébrés, onze sous-unités << neuronales >> ont été clonées à ce jour. Les sept sous-unités possédant deux cystéines adjacentes, importantes pour la liaison de l'ACh [168] ont été nommées 2-8. Les autres ont été nommées non- 1-3, terme rapidement (et malheureusement) changé en 2-4 [290]. Une autre sous-unité, 9, a été découverte plus récemment. Elle est exprimée dans les tissus épithéliaux et musculaires [98] mais n'a jamais été trouvée dans les neurones jusqu'à aujourd'hui. Elle ne peut donc être appelée neuronale (bien que ce soit souvent le cas). La sous-unité 8 n'a été trouvée pour l'instant que dans le poulet bien que sa position phylogénétique implique son existence chez tous les amniotes (voir chapitre 9). Elle pourrait avoir disparu précocement dans la lignée mammalienne. Chaque sous-unité du nAChR suit le même schéma d'organisation transmembranaire. Une large partie amino-terminale, portant les composants du site de liaison, fait face à l'environnement extracellulaire. Elle est suivie par trois segments transmembranaires, le second, au moins, étant en hélice , puis un large domaine intracellulaire et un quatrième segment transmembranaire [Figure 7.1]. La partie carboxy-terminale, assez courte, est donc extracellulaire. Chez l'humain, la taille des sous-unités varie de 457 résidus ( 1) à 627 résidus ( 4). L'identité globale de séquence entre les gènes paralogues (apparus par duplication) varie de 36,3 % ( 7/ 3) à 72,4 % ( 2/ 4). L'identité de séquence entre les gènes orthologues (apparus par spéciation) d'humain et de rat varie de 82,2 % ( 4) à 93,2 % ( 2). La conservation de séquence n'est pas uniforme le long de la sous-unité. Le peptide signal aminoterminal et le milieu de la partie cytoplasmique sont hautement variables, la partie aminoterminale extracellulaire et les portions de la partie cytoplasmique flanquant le pore sont bien conservées, et les segments transmembranaires sont très conservés [Figure 7.2]. L'étude phylogénétique des sous-unités du nAChR révèle quelques sous-familles claires [184,45] (voir Figure 7.3). Ces sous-familles, définies sur la base des séquences protéiques et de la structure des gènes (positions des introns dans la séquence codante) sont congruentes avec les groupes définis fonctionnellement (par des caractères biochimiques, pharmacologiques et anatomiques). Dans les neurones, deux sous-groupes de sous-unités ont été identifiés. 7 and 8 forment des récepteurs sensibles à l' -bungarotoxine ( -bgt). Ces récepteurs sont généralement homo-pentamériques mais peuvent également former des hétéro-pentamères. Au contraire, les récepteurs contenant 2- 6 et 2- 4 ne sont pas sensibles à l' -bgt [32,290,129] et forment toujours des hétéro-pentamères. La première duplication entre les gènes de sous-unité du nAChR date probablement de plus de 1,5 milliard d'années, alors que les dernières ont eu lieu il y a environ 400 millions d'années (410 pour 2/ 4, 380 pour 7/ 8). La phylogenèse des récepteurs nicotiniques sera abordée plus en détail au chapitre 9. Figure 7.3 : Phylogenèse des sous-unités de la superfamille nicotinicoïde des LGIC. Cet arbre a été obtenu par les méthodes décrites au chapitre 8. Seules les sous-unités présentes chez les amniotes sont représentées. La localisation chromosomique des gènes humains est la suivante : chromosome 1, 5 et 4 1, et sur le chromosome 2, sur le chromosome 15, 1 2 et 3 2 est situé sur le sur le chromosome 8, sur le chromosome 17 et 4 3, sur le chromosome 20 (revue dans [6,26] pour les rongeurs). et forment un cluster [151]. 3, 5 et sont également localisés dans un cluster (conservé chez le poulet, le rat et l'homme). 4 Cependant la régulation de chaque gène semble spécifique (bien qu' 3 et 4 soient souvent coexprimées, voir le chapitre 12, et puissent partager certains éléments de régulation transcriptionnelle). L'analyse des promoteurs des gènes de sous-unité des nAChRs neuronaux est une discipline naissante. Des éléments de spécificité cellulaire et des activateurs ont été identifiés dans les promoteurs d' 3 [213,361,110], d' 4 [340], d' 7 [210], de 2 [25,24] et de 3 [155]. Une analyse fine a été menée à propos du promoteur de la sous-unité 2. Cette étude a mis en évidence à la fois des éléments activateurs et des éléments inhibiteurs [25]. Parmi ceux-ci, un NRSE, répondant dans les cellules neuronales au facteur de transcription REST, est partiellement responsable de la spécificité pour les neurones. De plus, selon le contexte cellulaire, cet élément agit comme un activateur ou un inhibiteur [24]. Une autre étude a montré que les gènes des sous-unités 2 et 3 sont réglés différemment par la famille des facteurs de transcription POU Brn-3, alors que les gènes des sous-unités 7 et 4 ne sont pas affectés par ces facteurs [215]. 7.2 Structure quaternaire et pharmacologie des nAChRs Le nAChR est composé de cinq sous-unités arrangées autour d'un axe de pseudo-symétrie perpendiculaire à la membrane [Figure 7.1]. La structure globale à faible résolution du nAChR fut initialement déterminée par microscopie électronique de molécules uniques [42], ou de cristaux bi-dimensionnels [172] de récepteur d'organe électrique de torpille. La longueur de la molécule est d'environ 120 Å, avec une partie extracellulaire en forme d'entonnoir de 60 Å et une partie transmembranaire de 30 Å. L'entrée extracellulaire du pore mesure 25 Å alors que l'entrée intracellulaire est un peu plus petite [320,325]. Cette protéine existe sous différents états structuraux, interconvertibles par des transitions allostériques décrites dans le modèle de transitions concertées [217,123,93]. Un ligand va stabiliser l'état pour lequel il a la plus forte affinité. Il y a trois types d'états structuraux, basal (ou de repos ou fermé), actif (ou ouvert), et désensibilisé [Figure 7.4]. Il peut exister plusieurs états désensibilisés (au moins deux dans le récepteur du muscle). La liaison des agonistes stabilise l'état ouvert, alors que la liaison des antagonistes stabilise les états fermés ou désensibilisés. Figure : 7.4 Transitions allostériques entre les différents états du récepteur. Un modèle à trois états est représenté, cependant, il peut être étendu, notamment par l'addition de plusieurs états désensibilisés. La transition la moins favorisée B D est représentée par des flèches moins prononcées (voir [93]). Au centre, et sur les sites de liaison, on a représenté la nicotine. Dessous le courant correspondant à un EPSP typique est décrit. L'accroissement rapide du courant est dû à la stabilisation explosive des états ouverts. Ensuite une décroissance exponentielle représente la stabilisation progressive des états désensibilisés. Après le lavage de l'ACh, le récepteur retourne à l'état basal (directement ou via un passage rapide, invisible, par l'état actif). Le marquage par affinité et la mutagénèse dirigée ont montré que les sites de liaison des agonistes sont localisés à l'interface entre deux sous-unités, et sont donc formés de deux composants [122]. Le composant principal7.1 est porté par les sous-unités dites << >> (à l'exception d' 5 qui ne doit son appellation qu'à la présence du doublet de cystéines) et est formé par trois segments peptidiques [82,120,23] [Figures 7.1 et 7.2, Tableau 7.1, Tableau 7.2]. Lui faisant face, le composant complémentaire est composé de trois (peut-être quatre) autres segments peptidiques [75,67,303,261], revue dans [162,322]. Ce composant est porté par les sous-unités non- participant au site de liaison ( 2, 4, , et ) mais aussi les sous-unités formant des homo-pentamères ( 7-9) et certaines sous-unités ne formant que des hétéro-pentamères ( 2, 4, 6). Tableau 7.1 : Résumé des résidus expérimentalement identifiés comme faisant partie du site de liaison de l'ACh. Chaque acide-aminé est numéroté selon les sous-unités matures (c: chick, m: mouse, t: torpille). Entre parenthèse est donnée la numérotation de l'alignement de la Figure 9.4 (AL1). Seuls la première mention de l'acide-aminé et le premier marquage par affinité sont rapportés. acide-aminé interface référence m K34-m S36 complémentaire [303,261] c 7W54 (104) complémentaire (D) [67,49] t 1W86 (135) principal (A) [120] t 1Y93 (142) principal (A) [120] c 7L108 (159) complémentaire (E) [49] c 7Q116 (174) complémentaire (E) [302] t 1W149 (206) principal (B) [82] t 1Y151 (208) principal (B) [82] c 7D163 (235) complémentaire (F) [75] c 7E172 (244) complémentaire (F) [75] t 1Y190 (259) principal (C) [82,49] t 1C192 (263) principal (C) [168,82] t 1C193 (264) principal (C) [168,82] t 1Y198 (269) principal (C) [82] Tableau 7.2 : Présence des acides-aminés du composant principal dans les différentes sousunités. La présence de tous les résidus est nécessaire pour former un composant principal fonctionnel. Noter à ce sujet les boucles A et C de la sous-unité 5 qui, malgré son nom, ne participe pas au site de liaison de l'acétylcholine. A B C 1 W Y W Y Y C C Y 2 W Y W Y Y C C Y 3 W Y W Y Y C C Y 4 W Y W Y Y C C Y 5 W F W Y D C C Y 6 W Y W Y Y C C Y 7 W Y W Y Y C C Y 9 W Y W Y Y C C Y 1 W L Y Y P G G Y 2 W Y W Y P - - Y 3 W F W Y D C C Y 4 W Y W Y P - - Y W E Q Y P - - H W E L Y P - - H W E Q Y S - - E La première conséquence de cet arrangement est qu'une sous-unité (par exemple 7 dans les homo-pentamères) peut participer à plusieurs sites de liaison par ses composants principaux et complémentaires. C'est également le cas dans les récepteurs GABAA où la sous-unité participe en même temps au site de liaison du GABA (composante complémentaire, faisant face à la sous-unité ) et au site de liaison des benzodiazépines (composant principal, faisant face à la sous-unité ). La seconde conséquence, d'une importance majeure, est qu'une large variété de sites peut être engendrée par la combinaison des différentes sous-unités. Effectivement, les études d'expression hétérologue en ovocytes de Xénopus et dans différents types de cellule, mais également les études de patch-clamp dans des préparations de cerveau et de ganglion suggèrent que de multiples combinaisons de sous-unités s'assemblent pour former des nAChRs fonctionnels. Ces récepteurs présentent des caractéristiques pharmacologiques et des propriétés ioniques distinctes [32,203,225,7,338] revue dans [267], [Tableau 1.3]. Tableau 7.3 : Caractérisation pharmacologique des nAChRs humains reconstitués en ovocytes de Xenopus, a : [48], b : [338]. ACh : acétylcholine, Nic : nicotine, Cyt : cytisine, DMPP : diméthyl-pipérazinium, dTC : d-tubocurarine, DH E : di-hydro- -érythroïdine µM 2 2 2 4 3 2 3 2 5 3 4 ACh Nic Cyt DMPP dTC DH E (EC50) (EC50) (EC50) (EC50) (K i) (K i) 68,7a 19,2a 25,4a 11,2a 1,36a 0,85a 82,6a 20,7a 38,9a 22,8a 4,2a 3,6a 443a-28b 132a-6,8b 67,1a 55,9a 2,4a 1,6a 0,5b 1,9b 203a-163b 80,3a-106b 72,2a 18,7a 2,2a 13,8a 3 4 5 122b 105b 4 2 68,1a 5,5a 2,6a 18a 3,2a 0,11a 4 4 19,7a 5a 0,9a 18,7a 0,21a 0,01a 7 179,6a 113,3a 30,9a 71,4a 3,1a 19,6a Finalement, dans les récepteurs hétéro-oligomériques contenant moins de cinq sites de liaison par récepteur (ce qui est le cas pour le récepteur musculaire et la majeure partie des récepteurs neuronaux), il doit exister trois types différents de topologie relativement aux sites de liaison. Selon la vision << standard >> des récepteurs à deux sites, les sous-unités sont divisées comme suit : Un type porte le composant principal du site de liaison (par exemple 1 dans le muscle, 2, 3, 4 et 6 dans les neurones). Un autre type porte le composant complémentaire du site de liaison, (i.e., , , dans le muscle, 2 ou 4 dans le neurone). En plus, il existe un troisième type de sous-unité qui ne porte ni le composant principal, ni le composant complémentaire du site de liaison (par exemple neurones [338]). 1 dans le muscle, 5 dans les Les différents états sont non seulement stabilisés par les ligands compétitifs, mais également par de nombreux effecteurs allostériques, comme la phosphorylation, le voltage, les stéroïdes, les ions calcium ...[327,197,175]. Ces régulateurs peuvent stabiliser l'état actif (Ils potentient l'effet des agonistes compétitifs) ou les états fermés (ils agissent comme des antagonistes noncompétitifs). Le site responsable de la potentiation par les ions calcium a récemment été identifié [121]. Il est intéressant de voir que sa position coïncide avec un résidu identifié comme participant à la liaison des agonistes (boucle F sur la Figure 7.2). Ces régulateurs pourraient permettre une régulation fine de la fonction des nAChRs, dépendante du contexte spatio-temporel du récepteur relativement aux autres systèmes de transmetteurs. 7.3 Distribution du nAChR et régulation de l'expression des sous-unités On trouve les récepteurs nicotiniques dans des tissus très divers. Bien que leur zone d'expression principale (c.-à-d. celle présentant l'intensité la plus forte) soit le système neuromusculaire, on les trouve également dans les kératinocytes [139,138], les lymphocytes [13,318], les granulocytes [187] ou encore divers épithéliums [98,173] ... La séparation en sous-unités musculaires et sous-unités neuronales est globalement vraie. Cependant la ségrégation n'est pas totale puisqu'on trouve des sous-unités << neuronales >> dans des tissus musculaires [70,268,269] et des sous-unités << musculaires >> dans des neurones [315]. Par la suite, je limiterai mon discours au système nerveux. 7.3.1 ARN messager codant pour les sous-unités De nombreuses études d'hybridation in situ ont été réalisées afin de détecter les ARNm codant pour les sous-unités du nAChR dans le système nerveux du rat adulte (revue dans [185]) et embryonnaire [372]. Les résultats, présentés dans le Tableau 12.2, sont très divergents selon la sous-unité que l'on considère. La sous-unité 2 est exprimée dans tous les neurones analysés jusqu'à présent, dans le système nerveux périphérique comme dans le système nerveux central [335,372], [Figure 7.5]. Figure 7.5 : Distribution des ARNms des 9 sous-unités dans le cerveau de rat. En haut, au niveau du thalamus. Le noyau central très marqué par 3 et 4 est l'habénula médiale. En bas, au niveau du mésencéphale. La petite surface ronde marquée par la sonde 2 est le noyau interpédonculaire. Les cellules marquées par les sondes 6 et 3 sont les neurones à dopamine de la VTA (au centre) et de la substance noire (les << ailes >> latérales). Notez que des marquages différents ne peuvent être directement comparés à cause de la différence d'activité spécifique des sondes et les temps d'exposition (voir le chapitre 5). Au niveau des cellules dopaminergiques, exposées un temps comparable après une hybridation in situ avec des sondes marquées de manière similaire, 3 fournirait une image totalement dépourvue de signal et 6 une autre totalement saturée. Les corrections à utiliser relativement à 2 (coefficients multiplicatifs) sont les suivantes: 3=1,9; 4=1,0; 5=1,1; 6=2,9; 7=1,8; 2=1,6; 3=2,6; 4=1,2. Dans le système nerveux périphérique, 4 est exprimée seulement dans le complexe vestibulo-cochléaire [372] (ganglions Scarpa et spiral). En revanche, elle est exprimée à travers tout le cerveau, n'étant absente (ou exprimée à de très faibles niveaux) que dans le striatum, l'hippocampe et le cervelet [335]. Elle est fortement exprimée dans le thalamus et les neurones à dopamine du mésencéphale. 3 et 5 sont exprimées dans de nombreuses structures du système nerveux à des niveaux différents [335,334]. 3 présente une expression particulièrement forte dans l'épithalamus (habénula et glande pinéale) et le noyau du tractus solitaire, mais également à un niveau moindre dans l'hippocampe, le thalamus antérieur et les noyaux moteurs crâniens. 6, 3 et 4 sont exprimées dans très peu de régions, mais parfois à de très forts niveaux [185,80,90]. Dans le cerveau, 6 et 3 sont présentes en grande quantité dans les neurones catécholaminergiques (noyaux A6, A8-10). Enfin, la sous-unité 2 a été principalement détectée dans une région du cerveau de rat, le noyau interpédonculaire, mais également un peu dans le bulbe olfactif [335]. La distribution des ARNms sera abordée de manière plus détaillée au chapitre 12. Peu de tentatives ont été faites afin d'étendre ces observations aux primates et en particulier à l'homme. Cependant, les quelques études disponibles montrent qu'il pourrait y avoir des différences entre les primates et les rongeurs [52,281]. 7.3.2 Sous-unité protéique Les anticorps sont des outils puissants pour révéler la distribution histologique et subcellulaire des sous-unités du nAChR. En effet, dans les neurones, à cause de leurs longs prolongements, la colocalisation de l'ARN messager et de la protéine n'est pas obligatoire. Malheureusement, il semble que ce soit un réel challenge de générer des anticorps à la fois spécifiques pour une sous-unité donnée du nAChR et fonctionnant bien avec les méthodes courantes d'immuno-cytochimie. Dans le cerveau de rat, deux études sont raisonnablement convaincantes7.2. La sous-unité 2 a été trouvée à travers l'ensemble du cerveau, pas seulement au niveau du soma mais également dans les dendrites et les axones (par exemple dans le striatum) [157]. La validité de ce marquage fut prouvée ultérieurement par sa disparition complète dans le cerveau de souris ne possédant plus le gène fonctionnel codant pour la sous-unité 2 [256]. La description de la distribution de la protéine 6 a été publiée récemment [136]. Cette distribution ressemble à celle de l'ARNm codant la sous-unité (i.e. seulement dans les soma des cellules de quelques structures spécifiques). Cependant, puisque les auteurs ne détectent pas avec leurs anticorps les régions comportant les plus faibles marquages de l'ARNm (comme le noyau interpédonculaire caudal), il est possible que le contenu en protéine 6 des processus soit infraliminaire. 7.3.3 Sites de liaison fonctionnels L'autoradiographie réceptorielle est une troisième voie pour déterminer la distribution des nAChRs. Cette méthode présente l'avantage de détecter des sites de liaison assemblés, << fonctionnels >>. Cependant, la sélectivité des ligands disponibles actuellement n'est pas suffisante pour permettre une identification non ambiguë des récepteurs marqués. Une autre embûche de cette technique réside dans le masquage des sites de liaison à faible affinité par ceux possédant une affinité supérieure. Dans le cerveau de rat, deux classes principales de sites de liaison sont mises en évidence. D'une part on trouve les récepteurs marqués par l' -bungarotoxine [57]. La distribution du marquage ressemble globalement à celle de l'ARN messager d' 7 [299] [Figure 11.1. Ce marquage disparaît totalement du cerveau de souris n'exprimant plus 7 [242]. D'autre part, on trouve une autre population, marquée par l'acétylcholine7.3, la nicotine [57], la cytisine [148] et l'épibatidine [253]. Au sein de cette dernière population, si le marquage est présent à travers tout le cerveau (à cause des sites de liaison 4 2 , l'hétérogénéité dans l'intensité des marquages révèle l'hétérogénéité de composition des récepteurs (par exemple dans le noyau interpédonculaire ou dans le tectum). De plus, le marquage de certains tractus traduit le transport des récepteurs le long des axones. Par exemple, le fasciculus retroflexus, reliant l'habénula médiale au noyau interpédonculaire, est fortement marqué par la cytisine et l'épibatidine, suggérant un transport de récepteurs du type 3 4 entre les deux régions (d'autant que le marquage perdure dans le cerveau des mutants 2 [373]). 7.3.4 Récepteurs identifiés Dans quelques cas, l'immuno-purification des récepteurs endogènes a révélé la composition exacte en sous-unités des récepteurs. Les travaux énumérés dans le paragraphe suivant ont été effectués chez le poulet ou le rat, aucune différence n'ayant été pour l'instant décelée dans les structures considérées. Whiting et coll.[349] ainsi que Flores et coll. [108] ont révélé une population composée des sous-unités 4 et 2 qui rend probablement compte de la majorité des récepteurs à haute affinité du cerveau. Conroy et coll. [63,62] ont révélé l'existence dans les ganglions autonomes de récepteurs 3 4 5 et 3 2 4 5, et dans la rétine de récepteur 4 2 5. Les nAChRs neuronaux les mieux caractérisés sont ceux des cellules des ganglions moteurs autonomes (revue dans [369]). Dans ces cellules, deux populations de récepteurs ont été identifiées. Une première population dont l'activité est bloquée par l' -bgt est localisée de manière périsynaptique [165,201]. Ces récepteurs sont formés de sous-unités 7 [330]. Une seconde population de récepteurs, dont l'activité est bloquée par la n-bungarotoxine (mais non par l' -bgt), est localisée dans les synapses [202,144] mais aussi de manière périsynaptique [352]. Ces récepteurs contiennent des sous-unités elles contenant également 3, 4 et 5 [145,330], 20 % d'entres 2 [62]. Avec neuf sous-unités différentes disponibles, on peut imaginer 11817 récepteurs différents, 6560 si l'on omet les hétéro-pentamères contenant 7 (qui ne forme que des homopentamères chez les mammifères) et 6348 si l'on soustrait les récepteurs ne comportant que les sous-unités 5, 2, 3 ou 4, incapables de porter la partie principale du site de liaison. Parmi toutes ces possibilités, seules quelques-unes (heureusement pour les neurobiologistes ?) sont plausibles quand on considère la distribution des sous-unités, leur niveau d'expression, et la pharmacologie observée in vivo. Dans ce qui suit, les sous-unités entre parenthèses signifient que les récepteurs avec et sans elles existent probablement. 4 2( 5) sont les récepteurs distribués le plus largement, notamment dans le télencéphale (thalamus, cortex ...). 2 2( 5) pourraient être trouvés dans le noyau interpédonculaire. 3 4( 2)( 5) sont présents dans les ganglions autonomes mais aussi dans l'habénula médiale par exemple. 3 2( 5) pourraient être présents dans l'hippocampe et le cervelet. 6 2( 3) pourraient être des oligomères présents dans les neurones catécholaminergiques du mésencéphale (vide infra). Finalement 7 forme probablement des homo-oligomères par exemple dans l'hippocampe. 7.3.5 Régulation de l'expression L'expression de toutes ces sous-unités est strictement réglée durant le développement de l'organisme. La quantité d'ARNm varie, suivant un motif spatio-temporel spécifique de chaque sous-unité [372]. Par exemple chez le rat, les sous-unités 3, 4, 2 et 4 sont exprimées dans presque tous les neurones post-mitotiques aussitôt que ces derniers apparaissent. Alors que 4 et 2 restent largement exprimées jusqu'à l'âge adulte, 3 et 4 sont progressivement restreintes à leur localisation chez l'adulte. La distribution des sites de liaison, représentant les récepteurs assemblés, est progressivement établie, selon un schéma précis [229]. Dans le cortex temporal post-natal des rongeurs, Broides et coll. [39] ont montré que l'expression d' 7 est commandée par les entrées thalamo-corticales. Dans la cellule autonome motrice, étudiée chez le rat et le poulet [69,207,84], l'expression des sous-unités augmente tout au long du développement. Alors que l'expression d' 3 et de 4 est commandée par l'innervation (en provenance de la moelle) et le ciblage (en direction de l'organe), l'expression d' 5 semble moins sensible à ces facteurs [297]. 7.4 Physiologie des nAChRs Jusqu'à présent, la seule synapse nicotinique neurone-neurone identifiée - c.-à-d. dont on ait identifié précisément le récepteur - est la synapse se trouvant sur le soma du neurone postganglionnaire autonome [1]. Cette synapse comporte des récepteurs 3 4( 2) 5 [352]. Autour de la synapse proprement dite, se trouvent des récepteurs 7 dispersés [165,201]. Cette synapse provoque les EPSPs responsables de la transmission motrice autonome principale [144,202]. Dans le système nerveux central, plusieurs synapses ont été suggérées sur la base d'arguments électrophysiologiques (revue dans [94]). La cellule de Renshaw, un interneurone GABAergique localisé dans la moelle épinière, présente des réponses nicotiniques synaptiques, provoquées par une stimulation cholinergique en provenance du motoneurone. Plusieurs réponses nicotiniques de type synaptique ont été enregistrées dans le thalamus, particulièrement dans l'habénula médiale [211] et dans le noyau genouillé dorso-latéral [212], dans l'amygdale [237], et dans la substance noire, pars compacta [117]. Plusieurs indices semblent indiquer une autre possibilité dans le noyau ambiguus [339,367]. Cependant, les effets physiologiques prépondérants de l'ACh dans le système nerveux central semblent dus à l'activation non-synaptique des nAChRs [83]. Ces récepteurs participeraient à la transmission paracrine ou volume transmission (par opposition à la transmission câblée classique) [118,371]. Leur fonction serait principalement modulatrice. De nombreux comportements documentés des nAChRs impliquent une localisation présynaptique [356] ou préterminale [200] des récepteurs. En accord avec cette idée, les nAChRs sont probablement impliqués dans diverses régulations de l'activité d'autres systèmes de neurotransmission. Par exemple, on sait que la nicotine accroît la libération de dopamine dans le striatum [347,164], de noradrénaline dans l'hippocampe et dans l'hypothalamus [9,143], de GABA dans le noyau interpédonculaire [200], le thalamus [199] et le système mésostrié [170], de glutamate dans le cortex [331], et d'ACh[280]. L'inactivation du gène codant pour la sous-unité 2 du nAChR engendre des souris mutantes manquant totalement de sites à haute affinité pour la nicotine [256]. Des études de microdialyse montrent que chez ces souris la nicotine ne provoque plus de libération accrue de dopamine [257]. 7.5 Implication des nAChRs en comportement et pathologie En sus de leur rôle primordial dans la transmission autonome motrice, les nAChRs sont fortement impliqués dans le contrôle moteur volontaire, la modulation des entrées sensorielles et les processus de mémoire. De fait, plusieurs agonistes nicotiniques sont des stimulants cognitifs (revue dans [193]). Les souris ne possédant plus la sous-unité 2 présentent une absence de réponse nicotinique dans un test d'apprentissage, la Passive Avoidance [256]. Il est intéressant de voir que ce comportement est aussi altéré chez les souris mutantes en l'absence de nicotine, suggérant un rôle de l'ACh endogène. Figure 7.6 : Interactions des systèmes à dopamine et acétylcholine dans le cerveau de rat. Les projections des différents complexes cholinergiques sont représentées en vert (interneurones striataux), magenta (télencéphale basal) et cyan (noyau tegmentaux). Les projections dopaminergiques du faisceau télencéphalique médian sont représentées en jaune. Ces fonctions essentielles font des nAChRs des candidats dans de nombreuses neuropathies humaines (revue dans [198]). Plusieurs mutations dans le gène codant pour la sous-unité 4 ont récemment été identifiées comme cause d'épilepsie. Dans une famille, une transition provoque un changement d'une sérine en phénylalanine dans le segment MII [309,343]. Cette sérine fait face au pore ainsi que l'a montré le marquage par la chlorpromazine [133]. Il a été précédemment montré que sa mutation cause des modifications drastiques des propriétés pharmacologiques [86]. Dans une autre famille de patients, le même syndrome épileptique est dû à l'insertion d'un triplet GCT, résultant en l'ajout d'une leucine dans MII [308]. Une autre série d'études suggère un lien entre le gène codant pour 7 et un syndrome schizophrénique [191,112]. Les nAChRs sont également soupçonnés d'être impliqués à des degrés divers dans d'autres neuropathies comme les maladies de Parkinson et d'Alzheimer [254], mais aussi le syndrome de Gilles de la Tourette [301]. Cependant la pathologie humaine la plus commune liée aux nAChRs est bien entendu la dépendance à la nicotine. Une étude d'épidémiologie indiquait en 1992 que le tabac était la cause de 20 % de l'ensemble des décès survenant dans les pays développés [255]. Cette dépendance, comme celle des autres drogues à accoutumance, est due en grande partie à un circuit cérébral particulier, la voie dopaminergique mésostriée [Figure 1.6] [233,5]. Ce circuit est composé des cellules dopaminergique du mésencéphale (appartenant à la substance noire et à l'aire tegmentale ventrale (VTA) ) qui projettent aux structures télencéphaliques, notamment au striatum et au cortex préfrontal [141,127]. La partie ventrale, formée des neurones de la VTA projetant au noyau accumbens et aux structures limbiques, semble particulièrement importante [149]. Les cellules dopaminergiques contiennent une grande quantité de nAChR [185] (voir le chapitre 6). Les ARNm codant pour en grande quantité, ceux codant pour 4, 5 et 6 et 3 sont présents 2 en quantité moyenne et ceux codant pour 3 sont difficilement détectables. 2 et 4 ne semblent pas exprimées dans ces cellules. Les multiples effets de la nicotine sur ce système ont été bien documentés (revue dans [312]). Les souris n'ayant plus de sous-unité 2 ne présentent plus de courants induits par la nicotine dans les neurones dopaminergiques [257]. Comme mentionné au paragraphe 1.4, la nicotine n'accroît plus la libération de dopamine dans le noyau accumbens. De plus, dans un paradigme d'auto-administration [214], ces mutants montrent une absence de dépendance. On établit une auto-administration de cocaïne, puis quand l'animal atteint un plateau dans l'absorption de la drogue, on remplace la cocaïne par de la nicotine. Alors que les souris sauvages continuent de s'auto-administrer de la nicotine au même rythme que la cocaïne précédemment, les souris mutantes stoppent le comportement d'auto-administration et ne présentent plus de différence de comportement en présence de nicotine et de solution saline. Il semble donc que la nicotine. 2 soit un des composants du substrat neurobiologique de l'accoutumance à 7.6 Conclusion Le récepteur nicotinique de la jonction neuro-musculaire fut le premier récepteur de neurotransmetteur caractérisé grâce à son abondance et son accès facile. L'étude de ses homologues neuronaux a profité de cette primeur. Mais une des motivations fortes fut probablement le problème de santé publique que représente la dépendance au tabac dans les sociétés occidentales. Aujourd'hui, l'objet de cette recherche, le groupe des récepteurs nicotiniques neuronaux, a été identifié et isolé. Les investigateurs commencent à comprendre le fonctionnement moléculaire ainsi que le rôle physiologique de ses membres. Et cette compréhension nouvellement acquise révèle que ces récepteurs sont impliqués dans bien plus de dysfonctionnements humains que l'on ne l'avait initialement supposé. Footnotes ... principal7.1 sur la surface de la sous-unité qui serait atteinte la première en partant de son centre et en tournant dans le sens des aiguilles d'une montre, quand la structure est vue à partir du compartiment extra-cellulaire [206]. ... convaincantes7.2 Pour de multiples raisons, qui tiennent à la fabrication des anticorps, à la corrélation entre le marquage révélé et ce qu'on sait de la distribution des ARNm, des sites de liaisons et de la pharmacologie et enfin aux contrôles effectués. ... l'acétylcholine7.3 En présence d'atropine pour bloquer les sites dus aux récepteurs muscariniques. Next: 8. The Ligand Gated Up: No Title Previous: 6. Abréviations utilisées Nicolas Le Novère 1999-06-19