Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume II, n° 4, août 1998
ous assistons actuellement à une efflorescence de syndromes nouveaux correspondant
à des altérations génétiques des récepteurs. Un progrès méthodologique et une avan-
cée scientifique sont à l’origine de l’identification de ces maladies.
En effet, les méthodes d’analyse des gènes ont été considérablement simplifiées et diffusées.
Là où, il y a encore quelques années, pour étudier un gène chez un malade, il fallait le cloner
puis le séquencer manuellement, il suffit maintenant de l’amplifier par PCR (amplification
génique) et de le soumettre à un séquençage automatique. Parallèlement, la plupart des récep-
teurs hormonaux ont été isolés, clonés et leurs propriétés analysées par mutagenèse dirigée.
Ce travail n’est cependant pas fini et nous en avons deux exemples dans les exposés suivants.
L’hormone anti-müllérienne est liée par un récepteur cellulaire (cf. l’article de J.Y. Picard,
pp. 22-26), dont la structure l’apparente à un groupe de récepteurs à activité sérine-thréo-
nine kinase, et dont on sait qu’ils sont constitués d’une sous-unité interagissant avec le ligand
(dite récepteur de type II) et d’une deuxième sous-unité impliquée dans la transmission du
signal (dite récepteur de type I). Or, le récepteur de type I pour l’hormone anti-müllérienne,
dont on soupçonne l’existence, n’a pas encore été cloné ou caractérisé. Un volet de la patho-
logie nous échappe donc probablement à ce niveau.
Le récepteur androgénique est très bien connu (cf. l’article de Ch. Sultan et coll., pp. 12-21).
Les coactivateurs et les corépresseurs qui transmettent son activité au niveau du complexe
transcriptionnel commencent à être connus. On comprend bien les insensibilités aux andro-
gènes mais on ne comprend pas la maladie de Kennedy (amyotrophie spinobulbaire). Celle-
ci est caractérisée par une expansion de triplets CAG dans l’extrémité N-terminale du récep-
teur. Cette anomalie n’entraîne pas de perte de fonction majeure du récepteur. Il y a proba-
blement un gain de fonction encore incompris, une interaction avec des protéines encore non
caractérisées.
En pratique clinique, un des problèmes majeurs dans les pathologies des récepteurs est la
définition précise du phénotype. On peut éviter ainsi la multiplication des analyses géné-
tiques très lourdes aux résultats négatifs. En général, le contraste entre l’élévation de l’hor-
mone stimulante et l’absence de réponse biologique correspondante est très évocateur : tes-
tostérone normale ou élevée et absence de virilisation dans les atteintes du récepteur des
androgènes, LH élevée et testostérone basse dans les hypoplasies leydigiennes par atteinte du
récepteur de la LH, etc. La situation se complique dans les cas où l’hormone stimulante ne
peut être dosée, par exemple pour la GnRH. Il devient pour cette raison très difficile de défi-
nir un phénotype précis évocateur de mutations du récepteur de la GnRH (cf. l’article de
N. de Roux et coll., pp. 5-10). Par ailleurs, la non-réponse à l’hormone peut, dans certains cas,
être due à une perturbation du développement de l’organe cible ou à une atteinte secondaire,
par exemple auto-immune, de celui-ci. Ainsi, une proportion très faible des aménorrhées pri-
maires ou secondaires avec élévation des gonadotrophines est en relation avec des patholo-
gies des récepteurs LH et FSH.
Le séquençage des gènes des récepteurs dans diverses pathologies amène à découvrir telle ou
telle anomalie par rapport à la séquence “normale”. S’il s’agit d’un signal stop qui aboutit à
une protéine tronquée, d’une délétion, l’interprétation est évidente. Mais s’il s’agit d’une
altération plus discrète, l’interprétation est plus complexe. En effet, il peut s’agir d’une varia-
tion allélique pouvant être présente chez un nombre variable d’individus dans une population
Éditorial
Altérations
génétiques
des récepteurs
en pathologie de
la reproduction
Pr E. Milgrom*
* l’INSERM U 135 hormones, gènes et repro-
duction, laboratoire d’hormonologie et de
biologie moléculaire, CHU de Bicêtre, 94275
Le Kremlin-Bicêtre.
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N
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et dépourvue de conséquences pathologiques. La réponse à ce problème consiste à étudier
par transfection dans des cellules hétérologues le fonctionnement du récepteur muté.
Cette approche est indispensable mais ne résout pas entièrement le problème. En effet, les
systèmes utilisés ne prennent en général pas en compte les régulations plus fines des récep-
teurs, leur trafic cellulaire, les modifications de leur demi-vie, etc. Il est possible que cer-
taines mutations entraînant des conséquences physiopathologiques non négligeables ne
soient pas détectées dans les systèmes d’expression actuellement utilisés.
L’étude des altérations génétiques des récepteurs a récemment fait des progrès considé-
rables. Ses limites tiennent à la difficulté de définir, dans de nombreux cas, un phénotype
précis, au coût très élevé des analyses moléculaires et à l’absence fréquente à l’heure actuel-
le de conséquences pratiques de ces diagnostics.
Éditorial
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