À l’opposé, si le schème d’assimilation se révèle seulement partiellement efficace ou même
inefficace à l’adaptation (conflit cognitif), un déséquilibre pousse l’individu à opérer une
réorganisation des schèmes existants en vue d’améliorer son adaptation; c’est le processus de
l’accommodation. Dans ce cas, l’échec de l’adaptation est vécu comme une perturbation et
entraîne un déséquilibre. L’individu doit alors se mobiliser pour affronter le conflit cognitif et
réaménager ses schèmes afin de rétablir l’équilibre. En ce sens, les conflits cognitifs et les
déséquilibres qu’ils engendrent sont essentiels à la progression et au développement de toute
personne selon cette perspective.
En fait, soutient Crahay (1999), l’assimilation et l’accommodation forment un couple
dialectique dont la dynamique est indispensable à l’activité cognitive où «le premier versant
du processus assure la cohérence de la pensée, et le second, l’adéquation au réel» (p.180).
Pour Piaget (1975), l’équilibration des structures cognitives représente un processus
dynamique et continuel d’ajustements successifs et progressifs d’un comportement auto-
régulé. Les étapes qui caractérisent le développement de l’individu sont en fait des paliers
successifs d’équilibre, chaque palier étant le résultat des efforts d’équilibration visant à
corriger le caractère lacunaire de l’adaptation ou de l’équilibre initial.
Piaget (1975) distingue essentiellement trois formes d’équilibration. L’équilibration de type I
correspond au processus décrit ci-dessus. L’équilibration de type II réfère aux efforts
d’équilibration entre les différents sous-systèmes cognitifs chez la personne alors que
l’équilibration de type III consiste à établir un équilibre d’ensemble permettant de développer
une cohérence générale de tous les systèmes cognitifs se rapportant à un secteur particulier du
réel (voir aussi Crahay, 1999). La régulation cognitive menant à l’équilibration des schèmes
assimilateurs peut prendre essentiellement deux formes : 1) la régulation homéostatique qui
implique un retour à un équilibre antérieur et 2) la régulation homéorhésique qui implique une
«rééquilibration majorante», c’est-à-dire l’accession à un nouvel équilibre non encore atteint
(Bourgeois et Nizet, 1997)
.
Un modèle intéressant permettant d'illustrer la dynamique d'équilibration, mais qui ne
correspond pas en tout point au modèle piagétien, est celui élaboré par Giordan (1998) qui
porte sur les conceptions des apprenants. En effet, un des leviers importants permettant de
faciliter la construction des connaissances chez l'élève est les conceptions. Avant d'aborder un
apprentissage les élèves ont déjà une conception de ce qui est enseigné. C'est à travers ces
conceptions, qui ont une certaine stabilité, qu'ils essaient de comprendre les propos de
l'enseignant et qu'ils interprètent les situations d'apprentissage dans lesquelles ils se trouvent.
Les conceptions sont en quelque sorte les éléments qui constituent la «grille de lecture de la
réalité des élèves», leur cadre de référence. Si elles ne sont pas prises en compte, elles se
maintiennent et le savoir proposé n'arrive pas réellement à les imprégner. Selon cette
perspective, c'est la transformation des conceptions des élèves qui suscite des
apprentissages durables. Mais s'appuyer sur les conceptions des apprenants ne veut pas dire
d'y rester. L'enseignant doit préférablement aider les élèves à les exprimer, mais c'est
également son rôle d'aider les élèves à explorer leurs limites soit par des échanges avec les
autres, soit par la réalisation d'expériences variées ou la consultation d'ouvrages de référence
scientifiques qui poussent à «remettre en question». De plus, il ne suffit généralement pas que
l'élève prenne conscience des limites de ses conceptions, mais encore il doit élaborer de
nouvelles mises en relation et accepter de nouveaux modèles.
Bourgeois, E. & Nizet, J. (1997). Apprentissage et formation des adultes. Paris : Presses Universitaires de
France.